Savages ✖︎ Adore Life

Batterie sautillante, basse lourde et chaloupée, guitare à l’économie et toujours dans les bons coups, Savages nous a déjà bien habitué sur Silence Yourself. Le tout habillé d’un chant prenant les devants. Rageuse, furieuse, interrogative, en murmurant, en marquant des temps d’arrêt, des couplets scandés, répétés, assénés, Jehnny Beth navigue dans la palette d’émotions avec une aisance constante. Si elle est souvent citée en amont de ses comparses, le groupe est à l’image de la pochette d’Adore Life : unis comme les 5 doigts du poing.

Une formule éprouvée, pas encore épuisée.

n13-Musique-Emixion-SavagesLa force de Savages, c’est leurs prestations lives d’une générosité et d’une intensité rares. Avec des titres composés et testés dans la foulée devant un public lors d’une résidence à New-York, on retrouve ce qu’on voit sur scène et ce qui manquait peut-être à Silence Yourself. Garder l’urgence et la tension de leurs titres phares malgré une mise en place des morceaux ralentie, c’est l’une des réussites du disque. Laisser plus de temps et de place aux débordements, intégrer des variations sur les compos au lieu de toujours foncer tout droit ou de taper le plus fort possible amènent des nouveautés bienvenues.
 » Slowing Down The World  » est une certaine idée de la ballade saturée.  » I Need Something New  » est bien connue de ceux qui ont vu le groupe en concert ces dernières années. Le titre a évolué sur scène pour passer du quasi spoken word à une véritable furie, grâce aux nappes de guitares et à la section rythmique diabolique du groupe. Ceux qui adoraient  » Fuckers  » trouveront une autre ligne de basse avec laquelle fracasser tous les sols que fouleront leurs pieds. Et au milieu de tout ça, la déclaration d’intention  » Adore  » qui compile les thèmes abordés dans l’album, tout comme les variations musicales qu’il apporte. La place de l’amour face à la manière de voir la vie, l’envie de vivre pleinement sans regretter, la relative tristesse que l’on peut ressentir à force de considérer chacun de ses choix, le questionnement intérieur, les affres des relations amoureuses : des choses de la vie tout simplement abordées à la fois subtilement et frontalement.

Les amateurs des titres courts et tubesques trouveront encore des cousines à  » She Will  » ou  » Husbands  » dans  » Evil « ,  » Sad Person « ,  » The Answer  » ou  » T.I.W.Y.G « . Autant de morceaux prenants dès les premières écoutes, autant n’ayant que peu de concurrents chez leurs contemporains. Bémol pourtant, la cuvée 2012 nous semble plus efficace sur ce type de compos. Si on sort de la caricature « titres longs » contre « titres courts »,  » When In Love  » et   » Surrender  » passent inaperçues au début mais s’insèrent tranquillement dans le disque et dans nos têtes, démontrant là encore la qualité d’une production sèche, froide mais avec du coffre.

A voir sur scène.

Savages est un de mes groupes préférés parmi ces dernières années. L’attente était là et la découverte de la quasi totalité des morceaux à la Maroquinerie et à l’Album de la Semaine m’ont vite rassuré. Leurs postures peuvent les amener à être considérées comme trop poseuses, référencées ou pire prétentieuses. Dans la continuité d’un album précédent excellent tout en s’ouvrant sur leurs compositions, Savages a su se renouveler assez pour ne pas dérouter et rester en terrain connu sans tomber dans la redite.  Enième preuve ?  » Mechanics « , longue plage d’ambiance qui clôt la tracklist pour répondre notamment aux amours de Jenny Beth pour les interprètes de la « chanson » comme Edith Piaf, Jacques Brel ou Bowie. Ce qui n’empêchera pas le morceau de sûrement finir zappée pour mieux repasser aux autres titres du disque.
Un beau défouloir qui fait du bien par où il passe mais aussi un album plus profond. Un groupe tendu en studio, généreux sur scène et jouissif dans les oreilles. Certes, elles ne paraissent pas là pour se marrer et c’est vrai que leur son intense, « sérieux » peuvent leur jouer des tours et voiler l’humour et la malice présents dans les paroles ou l’interprétation.

Jamais très loin de Siouxsie pour la voix ou de Joy Division pour les lignes de basse, Savages creuse pourtant son style avec ce second et s’affirme. Au vu de leurs récents lives, on n’a aucune crainte quant à leur avenir devant l’assurance dont elles font preuve. Mieux, là où le premier pouvait sonner comme un one-shot réussi, sa suite confirme qu’elles semblent bien parties pour durer. Et c’est tant mieux.
En tournée mondiale, bientôt à We Love Green et à Rock en Seine. Si tu n’as pas compris qu’il ne fallait pas les rater…