Dave Grohl : Veni, Vedi, Vici at Sound City.

Sound City, c’est des tartines de news, de trailers et de teasers comprenant toujours le fameux mot-clé « Dave Grohl« . Avant d’être un documentaire, c’est surtout le nom d’un studio et pas n’importe lequel. Nevermind de Nirvana, le premier Rage Against The Machine, trois albums de QOTSA, Kyuss ou encore le récent « Death Magnetic » de Metallica ont tous pour dénominateur commun ces studios. Mais qu’est-ce qui a bien pu motiver le plus célèbre des batteur/chanteur/gratteux à devenir réalisateur ?

« Music by real people »

Pendant la promo du dernier Foo Fighters, « Wasting Lights », l’autre Dave a insisté grossièrement sur le mode d’enregistrement choisi par le groupe. Enregistré à la maison en analogique pour récupérer l’esprit « rock’n’roll » et dire merde à toutes les machines qui permettent de créer de la musique sans fausse note. Ils voulaient revenir à quelque chose de plus « humain ». Derrière ses paroles pleines de bullshit marketing ronflantes et gonflantes, il s’avère que Grohl a voulu réaliser ce doc après s’être renseigné sur l’histoire de la table d’enregistrement. Celle qui l’a rendue célèbre, celle des studios Sound City, symbole de l’age d’or de l’analogique.

Basé dans le quartier de Los Angeles de Van Nuys, c’est le repère d’artistes tels que Tom Petty, Neil Young et d’autres inconnus en France comme Rick Springfield et Foreigner. Géré par des amoureux de la musique, l’ambiance est bordélique. Odeur nauséabonde, vieille moquette dégueulasse, fricotages avec l’équipe, Sound City c’est une affaire de famille. Outre l’atmosphère, la table d’enregistrement est aussi unique imaginée par un ingénieur, Rupert Neve, elle sera rachetée par Grohl à la fermeture des studios fin 2011. Pour mieux la claquer dans son studio 606, maison mère des albums des Foo Fighters.

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l’inconvénient de ce film, c’est que la plupart des gens qui ont envie de le voir s’attendent à entendre des anecdotes liées aux années 90. Pourtant dans les faits, on passe de longues minutes à nous expliquer les parcours d’artistes, importants pour le studio mais moins pour nous. Plus un témoignage sur ce qui a fait le studio qu’un vivier d’histoires fun et cool, le doc a tendance à tirer sur la corde sensible. Autant Back & Forth arrivait à aborder le pathos des Foos tout en restant amusant, ici il arrive qu’on regarde la montre en attendant qu’on nous montre plus d’images de studios et d’interviews de nos chers contemporains qu’on aperçevra le temps d’un clin d’oeil. Les violons sont régulièrement de sortie comme ce quart d’heure complet sur l’avènement de Pro Tools, la mort des fondateurs du studio et l’inévitable fermeture à cause de cet enfoiré d’Internet. Inutile d’espérer mettre ça un dimanche soir en scred avec votre gonzesse, elle risque de vite bailler passé le premier quart d’heure. Par contre, le nerd de matos sera au paradis du cable axial.

Oeuvre schizophrène, Sound City ne peut malheureusement pas être un documentaire sur l’histoire du studio et cette orgie musicale qu’on a pu attendre en bavant sur le trailer. Si vous vouliez le voir pour les séquences d’enregistrements, cantonnez-vous à la dernière demie-heure. On se serait bien abstenus des remarques interminables et redondantes sur la beauté et l’alchimie de la création musicale assénées par Butch Vig et Dave Grohl. Ce dernier se pose en kiffeur de l’ultime distribuant les « awesome » et « fucking great » à tour de bras et pour aller dans son sens, il est vrai que l’album engendré par cette histoire a l’air d’envoyer. l’auto-congratulation générale laisse un peu trop échapper de « genius » et de « magical » pour ne pas ressembler hélas à une grande séance de masturbation. Les studios 606 se transforment en grande cour de récré et c’est là que ce doc prend tout son sens. Voir Mc Cartney expliquer aux survivants de Nirvana où il va placer ses paroles, réunir Trent Reznor, Dave Grohl et Josh Homme dans une même pièce pour un morceau, ce sont des petits riens qui font beaucoup certes, mais trop peu.

Une fois de plus Dave Grohl énerve et on ne peut que reconnaître la qualité du boulot abattu par l’apprenti réalisateur. l’emballage est tellement soignée et propret qu’il me rappelle le trop clean « PJ Twenty » réalisé par Cameron Crowe pour les 20 ans de Pearl Jam. Je ne peux pas m’empêcher de penser à cette tonne d’images d’archive et de rushs foutrement plus intéressantes que ces interviews bateaux sur la magnifique sensation d’être compris en tant qu’artiste qui évoque un classique reportage VH1. On sent même un sérieux décalage entre le doc et Sound City décrit comme un endroit où on aurait pu pisser à même le sol sans que personne le sente. La tracklist ressemblant à une sorte d’Avengers du rock US des seventies à nos jours et on est curieux de voir si claque il y aura. l’aperçu des morceaux donne envie d’y croire et laisse présager d’un son lourd et brassant pas mal de style, du rock old-school de Fletwood Mac, à l’instru mystérieuse chère à Reznor ou du rock FM bas du front de Rick Springfield. Nos oreilles jugeront sur place le 12 mars.

l’autre défaut de cette entreprise, outre notre manque de culture inhérent au fait que le rock FM US n’a pas toujours franchi nos frontières, c’est son créateur. Aussi talentueux et cool qu’insupportable dans sa formule et ses discours faussement naïlfs, on a souvent envie de le tarter, l’enjoindre à la fermer deux minutes pour nous laisser écouter ses foutues sessions de live qu’on est venus entendre. Que dire également de sa démarche qui consiste à non pas aider que le studio continue sous une autre forme mais juste à les laisser mettre la clé sous la porte pour mieux récupérer leur table d’enregistrement ?

A la fois une déclaration d’amour à la musique et à ces musiciens et un énième numéro de funambule avec le marketing, Sound City laisse une drôle impression d’inachevé, reste une curiosité à regarder mais il n’est en rien le témoignage définitif sur une époque révolue qu’il aurait pu être…