Saosin ✖︎ Along The Shadow

Il aura donc fallu attendre 13 ans pour voir Saosin reprendre sa forme initiale. Difficile de parler de reformation puisque le groupe a un passé avec Anthony Green et un autre avec un second frontman en la personne de Cove Reber. Rapide explication, en 2003, le premier EP du groupe, « Translating The Name »  sort et rencontre un succès quasi immédiat. Une signature pour un album chez une major plus tard, Anthony décide d’abandonner son groupe à un moment décisif, ce départ étant motivé par la crainte d’une exposition médiatique trop rapide, d’un déménagement sur la côte ouest et surtout de différends artistiques qui ont quelque peu exclu le chanteur du process de création du dit album. Et si la formation recrutera Cove Reber au chant avec une troublante ressemblance vocale, c’est bien Antoine Vert qui sera le grand vainqueur avec le succès de ses différents projets dont Circa Survive qu’il aura fait grandir à sa propre vitesse de croisière.

L’ombre du géant Vert.

12828936_10153956174109906_8690212673109739980_o-1024x1024Seulement voilà, Green est un insatiable, un artiste luttant en permanence contre ses propres addictions et effets secondaires, loin des images idylliques que dépeignent ses comptes sur les réseaux sociaux comme il le confesse régulièrement, le frontman avoue avoir du mal à se canaliser, il enregistre donc encore et toujours afin de lutter contre d’autres addictions moins avouables. Et comme sa carrière solo et sa carrière avec Circa Survive ne suffisaient pas, l’artiste s’est rapproché de ses anciens camarades de jeu pour quelques lives en 2014. Anthony n’ayant jamais caché son plaisir d’entonner le titre « Seven Years » toujours tiré du premier LP lors de ses propres tournées solo, c’est lui qui évoquera le premier sa volonté de reformer le groupe. Et si à l’heure actuelle, certains fans s’émeuvent de voir Green « s’accaparer » le son du groupe, c’est qu’ils ont loupé pas mal de points, dont le fait que Saosin est finalement protéiforme, selon certains, Saosin n’est plus sans Cove Reber. Cove qui a d’ailleurs été remercié après deux albums dont un flop et des performances live apparemment de plus en plus critiquables, difficile donc de dire que Saosin appartient plus à l’un qu’à l’autre puisque chacun y aura apporté sa pierre mais les succès répétés de Green donnent forcément un souffle nouveau à cette formation et un intérêt certain en termes d’exposition médiatique.

Extension.

Si certains craignaient un Circa Survive-bis, le frontman apporte sa touche sans forcément dénaturer le son de son groupe initial. Néanmoins, Il serait quelque peu illusoire de penser que le groupe allait reprendre exactement là où il en était resté alors que les mecs ont la trentaine. Si les premiers singles ultra carrés et énervés comme « Racing Toward A Red Light » ou encore « The Silver String » nous permettent de voir un Green évoluer dans un registre vocal plus hardcore, d’autres titres lèvent le pied parfois jusqu’à l’erreur, la seule à vrai dire de l’album, le titre « Second Guesses », titre entendu et ré-entendu chez de nombreuses formations du genre et lorgnant trop du côté mielleux (même si cela renvoie forcément à la propre introspection de d’Anthony lors de son départ initial). Heureusement, cet album ne manque pas d’agilité et rebondit aussi vite avec le titre « Count Back From Ten » et son refrain bien furibond.
Et si le reste de la formation ne sort pas tant de ses propres sentiers battus, la section rythmique constitue littéralement la colonne vertébrale de l’album permettant ainsi à Beau Burchell de laisser s’exprimer ses riffs toujours acérés, l’apport de Green se faisant alors naturellement, entre paroles poétiques et expériences personnelles servies par des chants doublés parfois hurlés, créant un véritable mur sonore, coucou « Racing Toward A Red Light »  – encore – !

Si certains espéraient comme moi voir Green évoluer dans un registre plus violent après la folk de sa carrière solo, le post-rock de Circa Survive, pas de souci, Saosin est finalement là où l’on attendait. Difficile de ne pas être renversé par l’énergie d’un « Countback From Ten », la grosse gueulante de fin de « Illusion & Control » ou encore du refrain bien heavy de « The Secret Meaning Of Freedom », preuve de l’élasticité vocale d’un frontman en pleine possession de ses moyens. Au final, on retrouvera bien certains accents de Circa Survive ça et là, notamment la structure complexe et montante d’un « Old Friends » mais on ne se trompe jamais sur l’identité du groupe qu’on est en train d’écouter.

Grand écart parfait.

Pas de doute, cet album est une réussite, la formation a su enterrer ses différends (après tout comment résister à l’appel du pied d’un mec qui cartonne quand son propre groupe semble au point mort) pour notre plus grand plaisir. Les détails, les paroles, l’ensemble se révèle à chaque écoute et le plus plaisant dans tout ça est de savoir que Green semble vouloir en faire un projet récurrent en passant de sa carrière solo à Circa Survive à Saosin. Ne manque plus qu’un The Sound Of Animals Fighting et le chanteur aura démontré qu’il est capable d’assurer sur tous les fronts, toujours et encore, pour notre plus grand plaisir.