PJ Harvey ✖︎ The Hope Six Demolition Project

5 ans d’attente

PJ-Harvey-The-Hope-Six-Demolition-ProjectCe délai, que l’on peut qualifier de toolien pour PJ Harvey, depuis la sortie de Let England Shake fut long pour les fans de la chanteuse Brit’. Un peu plus de 24 ans de carrière, 9 albums au compteur, des participations dans plusieurs autres projets musicaux, excusez du peu. On ne vous évoque pas le débutant naïf mais une artiste avec de la bouteille, solidement installée et ayant acquis une reconnaissance hors norme. Alors voyons ce que Polly Jean nous réserve avec The Hope Six Demolition Project.

Le Fond …

Cet album est salué voire acclamé un peu partout car portant des valeurs universelles d’humanité, défendant la veuve et l’orphelin. Il dénonce par exemple le projet Hope VI de Washington (ndlr : projet visant à « réhabiliter » un quartier en rasant tout et reconstruisant pour y placer des gens plus friqués), évoque les camps de réfugiés, la pauvreté que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo, pays qu’elle a traversé. L’évocation des amérindiens dans « Medicinals » montre que PJ Harvey s’est également intéressée à ceux délaissés, au sein-même de nos pays riches. Elle ne se contente pas de jouer sur les images faciles pour toucher notre subconscient.

Je ne trouve pas à redire sur le fond de cet album. Un voyage « initiatique » (?) entraînant l’écriture de textes bien ficelés, remplis d’honnêteté et de bonne volonté. Certains diraient que parler des grands problèmes est aisé. Mais la dame ne se contente pas de nous asséner que « la pauvreté c’est pô bien ». Elle distille des images et des métaphores bien senties sans tomber dans le closer-isme.

… & La Forme

image0041458162130Le problème de cet album réside clairement là. Et pas question d’inclure la façon dont l’album a été enregistré : ceci a été réalisé au Somerset House de Londres sous la forme d’une exposition où le public pouvait assister un peu moins d’une heure par jour aux sessions d’enregistrement (moyennant finance) en direct, derrière une vitre sans teint.

Le bas blesse quand on voit comment PJ Harvey envoie la sauce. Si de très bons morceaux se trouvent au sein de cet album, telle que l’ouverture « The Community of Hope » dont la rythmique impeccable vous entraîne de manière automatique. La piste suivante, « The Ministry of Defence » reste la pierre angulaire de cet album. Le type de musique qu’on aurait aimé retrouvé plus souvent. Les guitares sont lourdes et accompagnent parfaitement ses textes sombres et pessimistes sur notre devenir. Les compères masculins donnent du corps et une profondeur au chant de PJ Harvey. On se surprend seulement au bout de plusieurs secondes à marquer la mesure, à remuer la tête… Cette musique nous prend aux tripes et dépeint très bien un monde de désolation. On s’imagine être là, contemplatif, le cœur lourd, l’amertume baignant nos gencives, impuissants. « The Minister of Social Affairs » a un côté jazzy plaisant, catchy. Les cuivres sont bien balancés au départ mais la fin se gatte avec un côté free-jazz qui détonne trop sur cet album, tranche trop avec le reste. « Near the Memorials to Vietnam and Lincoln » est sympa mais semble trop facile. Et c’est le problème de certains morceaux qui tombent, non pas dans une forme de minimalisme ou de simplicité poussée, mais plutôt de facilité. J’aurai préféré que PJ Harvey, de part ses pérégrinations à travers le monde nous ramène des sonorités de ces régions lointaines visitées pour colorer cet album sombre. « Chain of Keys » avec son tambour au rythme militaire pour jouer sur la solennité du morceau surjoue la chose plutôt que de la sublimer. « River Acostina » sur-développe les « oooohhhh » et « haaaaaa » jusqu’à vomir ces voyelles et souhaiter les bannir de tout mot prononcé pour la journée. « The Wheel » et « Dollar, Dollar » n’apportent que peu de relief à l’album et le concluent mollement, sans aucune folie, tristesse, amertume, désespoir ou haine.

« This is the ministry of remains »

Espérons que cette citation ne soit pas une prémonition de l’artiste pour la suite de sa carrière. La dame a encore des choses à dire et le prouve avec The Hope Six Demolition Project. La prose pour cela reste bien tourner mais la forme a évolué. Les morceaux rock et pop-rock gardent du poids. Certaines tentatives plus posées sont intéressantes mais tournent à la facilité. Dommage cet album aurait pu tutoyer l’excellence et renvoyer à la jeune PJ Harvey des débuts, plus hargneuse. En lieu et place de cela, inlays donne l’impression d’une quarantenaire fatiguée, presque éreintée par moment, incapable d’hurler son désarroi, le chuchotant plutôt.