AqME – En l’Honneur de Jupiter

Aussi inutile que cela puisse paraitre, on peut établir une parallèle entre l’émission Ripostes (1999-2009, sur France 5), animée par le malicieux Serge Maoti, et la carrière d’AqME. Démarrage prometteur, évolution léthargique, réveil inattendu à grands coups d’explosions à peine prévisibles (Tariq Ramadan versus Phil’ de Villiers) et final dramatico-orgasmique avec un bordel ambiant reflétant bien l’humeur de la France (Lellouche qui veut ‘flinguer’ Mélenchon). ‘Sombres efforts‘ était intéressant, ‘Polaroïds & Pornographie‘ facile, ‘La Fin des Temps‘ terriblement faible, ‘Hérésie‘ étonnamment brusque et ‘En l’Honneur de Jupiter‘ est… sale. Violent. Pessimiste. Lugubre. Y’a qu’à jeter un oeil à la tracklist pour deviner l’ambiance de l’album.

Au rayon transfert, Benjamin Rubin et ses grilles de blues périmées sont désormais une exclusivité de Die On Monday, et c’est Julien Hekking (Lazy, Grymt) qui le(s) remplace(nt). Grâce à lui, AqME propose enfin un morceau avec un vrai solo qui déboite (‘Guillotine‘), et balance définitivement au grenier le côté pop qui faisait ‘l’originalité’ -entre guillemets, hein- du groupe à l’époque de la Team Nowhere. Là où ‘Hérésie‘ sonnait comme un virage relativement extrême, ‘En l’Honneur de Jupiter‘ plante un décor solide : un metal pesant et lourd, des influences post-hardcore assumées (‘Les Matamores‘, l’outro apocalyptique de ‘Tout le monde est malheureux‘, ‘Le Culte du Rien‘) et une crasse puant le désespoir. A l’inverse de 90% des groupes français, AqME devient de plus en plus sauvage au fil du temps. Exit les ‘hits’ de 3’25, et bienvenue à des titres accrocheurs comme ‘Macabre Moderne‘ : long, alambiqué, blindé de double-pédale — mention spéciale au simple mais lumineux break de basse. Comme sur ‘Hérésie‘, Thomas Thirrion (chant) hurle bien mieux qu’il ne chante. Sur des compositions comme ‘Questions de violence‘, une partition gueulée de bout en bout aurait eu plus de… gueule. Toujours enregistré en Suède chez Daniel Bergstrand, AqME sonne dorénavant comme des formations écorchées à la Dominic. Réjouissons-nous, il y a quelques années, on pensait tous qu’AqME serait le nouvel Indochine.

Remplacé par C Politique, présenté par le déjà insupportable Nicolas Demorand, c’est maintenant que Ripostes apparait comme l’une des toutes meilleures émissions politiques françaises. La bande n’est pas à l’abri d’un revirement de situation boiteux, mais quand AqME s’éteindra, c’est avec ébahissement que l’on se rendra compte que le quatuor aura eu l’une des plus belles carrières du metal français. L’une des plus déroutantes, du moins. À méditer, en écoutant ce petit bijou brumeux qu’est l’instrumentale ‘Uppe På Berget‘.