Massive Attack – Heligoland

vm5
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Ce n’est pas parce que ça a l’air intelligent que ça l’est. (Le relookeur de Lorant Deutsch, après le brushing de ce dernier)

Pourquoi écoute-t-on de la musique ? Pourquoi tel groupe plutôt que tel autre ? Tel style au détriment d’un autre ? Un peu de tout ou beaucoup de rien ? Définition par l’ouverture ou par la limite ?
L’une des réponses à la première question est la suivante : pour se définir en tant qu’être humain. Par le haut ou par le bas. Le fan des Smashing Pumpkins ou de Radiohead se sentira, à probable juste titre, plus intellectuellement stimulé que le fan de Blink 182. Chacun son truc. On peut chercher dans la musique une extension de soi-même, quelque chose qui nous ressemble. Le fameux et sacro-saint « c’est mon groupe ».

Partant de ce postulat, pourquoi des gens écoutent-ils Massive Attack ? Parce que les anglais ont une qualité non négligeable : réussir à faire croire au fasciné qu’il est fascinant. Principe de base de la séduction. Massive Attack ne fait pas de la musique, Massive Attack fait une abstraction de musique, un miroir déformant renvoyant aux tréfonds de soi-même. La musique, ou absence de musique, de Massive Attack a un seul et unique but : duper. Il n’y a rien à entendre, c’est pour cela que livré à lui-même, le faible charmé y entend tout. « Ils ont encore repoussé les limites de leur art », « après presque deux décennies, Massive Attack est encore au sommet ». Quelles limites ? Quel sommet ? Ce groupe n’a jamais écrit une chanson, n’a pas une mélodie ni un embryon de refrain à siffloter. Au lieu d’admettre qu’il n’y a rien à comprendre à cette branlette mentale, il semble plus intéressant, plus auto-définissant, d’y trouver un absolu. Miroir dis-moi quelle fine oreille je suis ?

La duperie fonctionne à plein régime. Les gens qui aiment la musique sans l’aimer aiment Massive Attack, méprisent les impudents qui ne comprennent pas du haut depuis leurs hautes sphères de perception récemment atteintes. Les autres, ceux qui vivent la musique et qui ont une conception autre du mot chanson se marrent.

Il s’agit bien d’un affrontement ici entre deux visions antinomiques. On ne dit pas que l’une est plus valable que l’autre, on dit juste qu’en ce qui concerne cette chronique, le choix est fait (était fait avant même d’écouter le disque certains argueront). Le minimalisme jazzy hip hop de « Pray for rain », toutes les chansons sur ce même mode d’ailleurs electro lounge super datés, même Guy Garvey de Elbow n’arrivant pas à insuffler un souffle d’émotion, les habituels effets de manche, mais on le regrette pas de manche de guitare, ne prennent pas ici. De même que rien ne touche plus qu’une mélodie, peu de choses ennuient plus que l’absence de celles-ci. A ce niveau, Massive Attack reste roi de l’esbroufe, d’un paraître couronné par des médias un peu trop occupé à tenter de déchiffrer l’indéchiffrable : le fasciné se pense fascinant d’analyse (remarque, on le convient, applicable à cette chronique). Sauf que sur ‘Heligoland‘, Massive Attack n’a même pas jugé bon d’essayer de masquer le vide à l’aide d’un « Teardrop ». Tout ici est lourd, calme et vol de temps.

On nous dit : Massive Attack se mérite. Rituel obligatoire des bougies, pénombres, substances illicites ou pas, allongé, au casque. Pour dormir, donc.

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