Et si finalement pour juger de la qualité d’un disque, il suffisait d’observer l’attente provoquée par son successeur ? On se souvient d’une époque pas si lointaine où une sortie de Filter restait guettée sur ce site par bon nombre de nos lecteurs. Aujourd’hui, tout le monde se fout ou semble se foutre de ‘The Trouble With Angels‘ à juste titre, le disque est mauvais, mais voilà qui en dit long sur la qualité des précédents albums de Filter.
Depuis qu’il a frôlé le succès de masse il y a dix ans avec le single ‘Take a picture‘, Richard Patrick le cerveau, enfin le leader, de Filter semblait s’acharner à retrouver la petite formule qui avait fait du single de 99 et de l’album ‘Title of record‘ un assez acclamé superbe crossover de tout ce qui avait fait jackpot dans les années 90 : cette pop aux guitares heavy distillant une sourde angoisse pré millénariste (jurisprudence Smashing Pumpkins, NIN, Soundgarden, Nirvana). En vain, Filter a sorti une suite d’albums au mieux rigolos de bêtise, au pire inintéressants avec toutefois une constante, Filter tire invariablement l’auditeur vers le bas. Sur ‘The trouble with Angels‘, le groupe essaie de revenir au son du deuxième album et se plante encore parce que le problème de Richard Patrick n’est pas un souci de son ou de production mais de chansons. ‘Short Bus‘ exprimait quelque chose, ‘Title of record‘ racontait une histoire et c’était cela qui donnait un équilibre aux disques mais depuis plus rien. Filter est cramé, n’a plus rien à dire mais pourtant s’obstine à le dire. Et fort avec cela. Jamais subtil, les américains font tout dans l’emphase, s’il faut être en colère alors hurlons, s’il faut émouvoir alors pleurons (‘No Re-Entry‘ ou ‘The Trouble with angels‘ feraient presque peur tellement elles sont moches). Filter fait de l’émo sans s’en rendre compte. Tous les refrains, pourtant déjà dans l’emphase, sont appuyés par d’affreux synthés, les guitares sont javellisées, chaque chanson vise toujours à un moment le lacrymal, Patrick se sent obligé de hurler sur toutes les chansons… On sent une vraie volonté de Patrick de refaire de son groupe quelque chose de plus extrême, de plus dangereux, mais il hurle encore une fois dans le vide, mouline, n’a rien à offrir et, satané bon accueil de ‘Title of record‘, ne veut plus aller dans l’extrême de brutalité et cherche la mélodie attrape couillons à chaque fois. Il y a trop de sucre dans ce sang. Cerise sur le gâteau, le seul extrême sur ce disque plutôt orienté rock-indus est celui qu’on ne veut pas, Filter clôt avec ‘Fades like a photograph‘, composée pour le film 2012, une ballade sur le mode « après tout ça va aller » cucul comme pas deux, même BonJovi refuserait ce genre de chose, mais toujours le cul entre deux chaises Richard Patrick hurle encore…
Le problème avec ‘The Trouble with Angels‘ est finalement le même que tous les albums de Filter depuis ‘The Amalgamut‘, le disque se place mal dans le carrefour de ses intentions et Patrick s’apparente à un flic en uniforme nous intimant l’ordre d’aller là où il n’y a rien. Et au bout d’un moment, on a juste envie de lui demander de la boucler. Pour de bon.