Glassjaw – Our Color Green (The Singles)

Depuis le début des années 2000, on a attendu Glassjaw se dépatouiller d’un silence pesant et injuste suite au merveilleux Workship And Tribute, qui a marqué le territoire hardcore plus profondément qu’on peut le croire. Sans tomber dans un cliché emo, hypothèse jamais écartable quand il s’agit de gueulantes mélodiques sur fond de riffs lourds, Glassjaw s’est distingué comme un groupe à part entière, avec sa dose de mystère, de pauses forcées et de frustrations annuelles. Plus qu’un bon groupe, un mythe, dans tous les sens du terme : fascinant mais pas croisé depuis plusieurs siècles.

En phase avec son temps, ceci dit, la petite bande de Long Island devenue quatuor fait paraître aux premières lueurs de 2011 cet EP numérique. Une compilation des cailloux jetés depuis un ou deux ans, comme pour baliser la nouvelle direction du groupe. Pas de branlette conceptuelle ni de plans sur la comète : Our Color Green (The Singles) est donc un paquet ITunes vite emballé qu’il faudra se mettre où je pense en attendant mieux. Voyons si ça fait mal au moins.

La première impression, c’est que Glassjaw a un train de retard. On va pas bouder son plaisir de tomber sur cinq perles bourrines et équilibrées à souhait, mais il manque un quelque chose d’actuel. Non pas que je courre après la hypitude nécessaire aux Inrocks pour valider telle ou telle merde comme révélation, de toute façon la clique de Daryl Palumbo a, en l’espace de deux albums, construit son propre monde, c’est évident. On reprend juste l’histoire là où on l’avait laissée, et c’est dommage : retour quelques années en arrière, avec une évolution basée sur l’agressivité de Everything You Always Wanted To Know About Silence et un son clair et massif à la Dilinger Escape Plan. ‘Jesus Glue‘ sonne daté, en poussant le hardcore jusqu’à l’hystérie death, ce qui n’était pas franchement nécessaire.

Il faut des miracles comme ‘Stars‘ (faux ‘Convectuoso‘ qui part vers un malaise joussifi) et surtout ‘All Good Junkies Go To Heaven‘ pour entrevoir le nouveau Glassjaw sans imiter quelqu’un qui mange un citron. Blast à tous les étages, arabesques de tapping hypnotiques et bouts de paroles qui font mouche mine de rien, on retrouve le groupe dans ce qu’il a de mieux à proposer, headbang en pleine rue inclus. Décollage sur le simplissime mais efficace ‘You Think You’re (John Fucking Lennon)‘, avec toute la puissance de feu du six-cordistes Justin Beck résumée en quelques coups de médiator. A la violence inouïe des couplets répondent de bons refrains nappés de basses en montagnes russes. Même recette à base de surprises rythmiques avec ‘Natural Born Farmer‘ : sans parler de déviance mathcore on peut espérer que Glassjaw continue de nous la faire à l’envers, en bon violeur émotif.

Et, comme appréhendé, erreur fatale de ne nous servir que cinq pépites éparpillées. Pas de coup de boule unitaire, pas de tournant discographique, pas de grand retour. Le capital sympathie accordé à Glassjaw depuis 2000 fait oublier ce léger manque d’ambition, mais pour combien de temps encore ?