Foo Fighters – Wasting light

Quelle est la dernière phrase d’un batteur avant de se faire virer d’un groupe ? « Hey les mecs, si on essayait une de mes compos ? ».

Nous sommes en 1994. Épuisé, lessivé, déprimé, drogué, Kurt Cobain n’a plus envie de continuer Nirvana. Du moins pas au même rythme. Qu’à cela ne tienne Dave Grohl se propose de composer. Le 4 avril 1994 -plus beau jour de cette année- c’est un Dave fier de lui qui envoie à Kurt la démo de This is a call. « Next Nirvana‘s single ? » a-t-il écrit sur la K7. Kurt la reçoit le lendemain et se flingue. Théorie se tenant aussi bien qu’une [url=https://www.visual-music.org/chronique-860.htm]autre[url].

Origin of symmetry ?

Les Foo Fighters ont une carrière en deux parties. L’une ratée, l’autre réussie. La fascination gagne lorsqu’on se dit que selon le point de vue, la réussite et l’échec sont interchangeables. Un premier album un peu garage qui ne vexe personne avec une ou deux compositions tenant la route et un message d’une subtilité étonnante envers le suicidé évoqué plus haut : I don’t owe you anything. Ben voyons. Succès d’estime. Pour le deuxième, Dave voit plus gros et cherche le radio friendly à tout prix. The colour & the shape chef d’oeuvre pour les gens qui n’en ont jamais entendu de vrai. Début de reconnaissance commerciale mais les Foo Fighters marquent plus avec le clip rigolo d’Everlong qu’avec leurs chansons hum, poussives. La base est en place, les Foo Fighters un vrai groupe, Dave veut maintenant remplir les stades et sort un disque qu’il imagine « hénaurme », There is nothing left to lose qui foire totalement son coup quand bien même encore une fois, Dave s’applique à essayer d’ecrire des chansons tenant à peu près la route mais fait trop la pute niveau prod’. Son plan de carrière a merdé, les Foo Fighters ne dépassent pas le stade de sympathique petite chose qu’on va voir pour se payer une part du mythe Nirvana. Dave est cool et sympa.

Gros bosseur, il décide de tout reprendre à zéro et ressort le premier album sous un nouveau nom One by one. Bonne pioche, le rock est à la mode en 2002, Dave profite des spotlights que sa collaboration réussie avec QOTSA lui prodigue et du fait qu’il a écrit sa seconde (et dernière en date) vraie bonne chanson All my life. Les Foo Fighters reviennent dans la course pour la première division et Dave est la seule vraie icône commercialement encore viable du rock des années 90. Mais le batteur ne s’assumant pas voit déjà plus gros. Un double album –In your honor– débarque avec son immonde single Best of you et sans que l’on comprenne trop pourquoi les Foo Fighters deviennent commercialement « hénaurme », particulièrement en Angleterre. Dave se la pète songwriter qui joue en acoustique, star au MTV Awards. Alors il bat le fer tant qu’il est chaud et sort un nouveau There is nothing left to lose au moins aussi naze et pute sous le nom très pompeux de Echoes machin truc et bidule. Comme son grand frère, un single sympa et on arrête là. Sauf que tout le monde trouve ça bien, les Foo Fighters remplissent les stades alors que personne ne connait leurs chansons. La boucle est bouclée. Logiquement le nouveau sera un retour aux sources.

Roots, bloody roots.

Le plan de Dave est bien rodé. Il faut parler un peu de Nirvana pour faire les gros titres. Il chantait qu’il ne devait rien à qui que ce soit lorsqu’il était jeune et ambitieux, maintenant qu’il est un haut fonctionnaire du rock à papa (franchement, Them Crooked Vultures…) il nous donne du larmoyant « je dois tout à Kurt ». Alors il décide de faire du rock basique avec son groupe et d’enregistrer dans son garage. Pourquoi pas son In Utero à lui ? Sauf que son plan garage pue l’escroquerie pour gogos et ce dès le début. Butch Vig aux manettes. Novoselic en guest. Pat Smear qui réintègre le groupe. Un groupe garage à trois guitares avec le producteur de Nevermind, Siamese Dream et Garbage ? Wtf ?!?

Sans surprise l’histoire du garage est encore une fois de l’esbroufe tant Wasting light sonne comme une production chromée hollywoodienne. Le garage de Dave doit être la batcave. Loin, très loin de l’esprit du premier album et du premier album bis One by One. Le jean pas très chic mais ô combien confortable n’est pas de mise ici. Ici c’est du sourire ultra bright. On imagine que ce disque est une sorte de conception à la Tom Cruise du rock. Du rock pour salles de sport. Pire, il n’y a même plus ce petit sursaut du single sympa que même Echoes machin truc et bidule avait. Même pas un riff un peu cool. Wasting light envoie du lourd mais les Foo Fighters n’ont pas les chansons pouvant assumer cette débauche d’effets. Ce disque, c’est l’équivalent du versant rock de In your honor. On tourne à vide et cela semble être la définition même du terme poussif. L’écoute est carrément pénible et on passe notre temps à baisser le son (If it’s too loud, then you’re too old). Dave hurle -alors qu’il n’a pas la voix pour- comme pour prouver qu’il est un rocker, un vrai qui boit de la bière tout ça, alors qu’il est tellement plus convaincant dans la retenue. On pense presque aux poses grotesques de Johnny Halliday, Dave fait du wokenwoll. Du rock sarkoziste, je dis donc c’est fait. « Quand il y a une grêve en France, plus personne ne le remarque ». Ici c’est « Je fais du gros riff et je crie donc c’est du rock et c’est le plus grand disque de rock du moment ». Mais cela suffit-il à mettre les Foo Fighters au dessus de tous soupçons ? Non évidemment. Des putains de vendus. Ce disque n’est que marketing. Dave Grohl sauf rares exceptions ne sait pas composer, le disque ne propose aucune idée et Grohl n’a aucun sens de la mesure (dommage pour un batteur). Comme depuis In your honor, il se contente de s’époumoner sur des refrains ineptes qu’il nous assène un nombre incalculable de fois. « Allez, si tu n’as pas pigé je te refais le refrain une septième fois ! » et inutile de préciser que les dits refrains n’ont jamais les moyens de leurs ambitions hymnesques. Répéter huit fois un mensonge ne le rend pas vrai pour autant. On frôle très souvent le ridicule sur Wasting light sorte de Be Here Now des Foo Fighters sans les chansons ni l’humour mais avec un artwork encore plus naze. Pour rien au monde on ne voudrait entendre à nouveau ce disque. De groupe sympa sans prétention, les Foo Fighters sont devenus en six ans une multinationale sans âme qu’on nous impose comme l’iPhone et inutile de le préciser sans intérêt tant Wasting light est du bruit et de la fausse fureur pour rien, c’est faire du sport sur la Wii, utiliser un GPS plutôt que lire une carte, lire sur un kindle plutôt que sur un support papier. Un disque bien de notre époque détestable dont on ne retiendra rien, comme l’Histoire ne retiendra rien des Foo Fighters. On ne peut pas même avec la meilleure volonté du monde cautionner un disque aussi nul. De la musique aussi nulle.

Quelle merde.