Wavves – Afraid Of Heights

Si les blanc-becs de Wavves ont peur du vide, il aurait peut-être été plus judicieux de sortir un album qui n’en soit pas rempli. Une frange de la scène indé américaine s’est mise en tête de piller l’héritage grunge/alternatif des 90’s ces derniers temps, ce qui n’est pas une mauvaise idée en soi mais souvent exécuté avec un manque de talent consternant. Rien que l’an dernier, seuls les albums de Pile, Metz et Cloud Nothings ont trouvé grâce à nos yeux. Et pourtant ces derniers ont été décrits par le bassiste de Dinosaur Jr et leader de Sebadoh comme un pot pourri de tous les groupes qui faisaient nos premières parties dans les années 90, pas la pire des critiques certes mais on aura entendu des commentaires plus chaleureux venant du vétéran. L’un des groupes les plus habiles dans cet exercice vient de Londres et s’appelle Yuck, et pourtant leur unique album à ce jour est plus proche de l’hommage honorable que d’une brillante mise à jour de ce qui se faisait en 1994.

Malgré une promo bien orchestrée, Afraid Of Heights est encore un de ces disques médiocres, surfaits et sans âme qui embobinent les critiques et rencontrent tout de suite un public sans imagination voué au culte du rock 90’s. L’album nous a été présenté comme une somme d’influences parfaitement maitrisées et ce n’est pas le cas, à moins que maitriser ne veuille dire singer et recycler au-delà de tout bon sens musical. Il y a certes du Nirvana là-dedans (bâillement ostensible), de la pop à la Weezer (on se décroche la mâchoire) et le chanteur est une réplique de Billy Joe Armstrong (zzzz), mais le tout est tellement calculé jusque dans les moindres mimiques de production qu’on dirait un canular de mauvais goût ou un blind-test musical pour débutants. Aucune subtilité, zéro classe.

Les Wavves ont bien révisé pour l’exam et tenté le tout pour le tout dans une vaine tentative de s’affranchir de leur style pop punk cul-de-sac. Il y a donc du riff de chez Cobain, du refrain de chez Cuomo et toujours du punk de chez MTV. Tout pareil mais en moins bien et vingt ans après la bataille, le tout parfois agrémenté de vagues éléments de pop orchestrale peu digestes et produits avec le cul. Si ces mecs viennent vraiment du punk (et c’est le cas puisque deux d’entre eux jouaient pour Jay Reatard) c’est un énième déshonneur pour un genre musical qui n’en finit plus de prendre de sacrés revers en ces temps de style over substance. Et c’est bien ce qui cloche au fond : on pourra tendre l’oreille à la faveur d’un Demon To Lean On vulgaire mais bien ficelé, d’une chanson-titre à peu près écoutable, de quelques Lunge Forward et That’s On Me taillés sur mesure pour aller trinquer entre potes mais contrairement à [insère ici le nom de ton groupe préféré des 90’s], Nathan Williams ne dit absolument rien et ne convie pas la moindre émotion ou invitation à la rébellion sur l’ensemble des treize chansons proposées ici. Surprenant de la part d’un mec passablement défoncé et arrogant qu’on a vu se faire virer de la scène comme un malpropre il y a trois ans au Primavera Sound.

À la limite, on pourrait excuser le fait que cet album ait déjà été fait des dizaines et des dizaines de fois par des groupes infiniment plus doués, originaux et inspirés, mais le vrai problème de Wavves c’est que quelques-uns de ces groupes ont survécu. Certains continuent même de sortir des disques et de tourner à l’aube de leur cinquantaine tout en continuant d’exploser le punkomètre. Rendez-vous ici-même pour la chronique du nouveau Mudhoney en début de semaine prochaine.