Smashing Pumpkins – The aeroplane flies high (reissue)

vm5
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Nous disions donc… C’était l’époque où les Smashing Pumpkins survolaient l’industrie musicale mais si effectivement ‘The aeroplane flies high‘ (l’avion vole haut pour les anglophobes), il tourne à gauche et regarde à droite (la chanson s’appelle Aeroplane flies high turns left looks right), prêt à se distordre. On peut pousser la traduction en disant que l’avion looks right, seulement une impression donc. Et s’il est facile de lire entre les lignes 15 ans après, cette réédition, c’est l’histoire de la chute, l’avion qui se crashe. Comme par hasard sur ‘Adore‘, Corgan utilisera souvent la métaphore de l’accident…

Au niveau créatif, en 1996 Corgan marche sur l’eau depuis déjà 3 ans et à peine l’enregistrement de Mellon Collie fini, lui vient cette idée de fou : sortir autant de b-sides qu’il y a de chansons sur le bien aimé double album. Les 5 singles de MCIS auront donc chacun entre 5 ou 6 b-sides à chaque fois avec un style particulier : des reprises pour ‘Bullet with butterfly wings‘, de la pop pour ‘1979‘, du rock pour ‘Zero‘, de l’acoustique pour ‘Tonight‘ et le reste pour ‘Thirty-three‘.

S’il y a un testament discograhique de ce qu’étaient les Smashing Pumpkins line up originel, c’est dans ce coffret qu’on le trouve. Un groupe un peu foufou, avec plus d’humour qu’on le pense qui n’hésite pas à partir dans tous les sens mais en arrivant toujours quelque part (y-a-t-il quelque chose à jeter ici ? Non). Un groupe plus malin et plus doué que la moyenne.

Les b-sides le démontrent : encore uni et sûr de son fait avec des indications de l’orientation à venir (les covers de ‘Dreaming‘ et ‘Destination unknown‘ annoncent ‘Adore‘), du Pumpkins rentre dedans (le fantastique et méchant ‘Marquis in spade‘, l’ironique ‘Transformers‘), les compos de plus en plus affirmées de James Iha (le duo très guimauve et craquant avec Nina Gordon ‘…said sadly‘, ‘The boy‘, ‘Believe‘) et surtout certaines des meilleures chansons de Corgan (‘Pennies‘, ‘Ugly‘, ‘Cherry‘, ‘Set the ray to Jerry‘, ‘Rotten apples‘, ‘Jupiter’s lament‘ et ‘Aeroplane flies high‘). La diversité de tons, de sons y est si grande qu’on dépasse la simple cadre du rock pour ne parler que musique.

On l’a déjà dit, avec ces rééditions Corgan raconte son histoire. Son but n’est pas de sortir tous ses inédits du placard -qui de toute façon sont sur le net depuis belle lurette- mais de faire comprendre comment le groupe qui dominait le monde durant ces années était en train de se disloquer. Alors plus que des inédits d’inédits, les bonus de cette réédition vont dans les sens d’un coffret de b-sides : les recoins de la création de MCIS sont convoqués (de part les démos enregistrées au studio Gravity et les extraits live des concerts de l’hiver 1995 au Double Door de Chicago où le groupe a étrenné ses nouvelles compos avant de foncer enregistrer MCIS) mais avouons-le si Corgan n’est pas à court de matériel, il est peut être à court de matériel inédit vraiment intéressant, il faut dire que remplir 5 cds de bonus 6 mois après les 90 inédits de la réédition de MCIS, on peut pardonner. Un coffret de b-sides s’adressant par définition aux fans hardcore, un coffret de bonus de b-sides s’adresse aux fans gravement atteints et dit tout simplement, s’il faut casser sa tirelire, on vous orientera plus facilement vers le fantastique coffret MCIS.

Alors quoi ? Alors il y a une surprise. Elle tient en une chanson, un cd et un dvd. La chanson, on la connait c’est celle qui donne son titre à ce coffret. C’est le moment de la fracture, de Chamberlin qui overdose, de Melvoin qui décède, du groupe qui explose en vol, des coutures qui craquent… « Si seulement tu avais été vrai avec moi, si seulement je pouvais faire croire, j’emporterai mes secrets dans la tombe, j’ai toujours su que je ne pouvais pas te sauver » chante-t-il, libre à chacun d’interpréter à qui s’adresse cette confession. Son groupe, ses fans, sa femme… Si la chanson titre est le grand schisme des Pumpkins l’avant et l’après sont parfaitement illustrés par les lives. Le cd Live inside the dark globe, c’est un rêve mouillé pour ceux ayant raté la tournée MCIS. Des cris, de la rage, Corgan ne chantera plus jamais ainsi (il prendra des cours de chant avant ‘Adore‘, ses prestations vocales seront ensuite plus maitrisées) et déjà se profilent les fameuses réinterprétations des classiques (« Silverfuck ») qui laisseront plus d’un fan sur le carreau. Ce cd live, c’est les Smashing Pumpkins au sommet de leur art, l’apogée de la carrière du groupe. Le visionnage du dvd ensuite est saisissant. A Belfort en 97, Chamberlin n’est plus là, Corgan ne porte plus son t-shirt iconique Zero, commence à maigrir et là où le cd est passion, le dvd montre le groupe en retrait, pansant ses plaies, Corgan et les deux autres comme absents. La meilleure période du groupe -selon l’auteur de ses lignes- débute avec la fin de l’état de grâce, l’hypnotique artwork drogué va laisser place au cruel réveil. Bientôt Corgan chantera le crépuscule qui disparait sur un Avalon constellé de blessures.

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