Pixies – Indie Cindy

Comme le remarquait TGC dans ces colonnes à propos des EPs [url=https://www.visual-music.org/chronique-1641.htm]1[url] et [url=https://www.visual-music.org/chronique-1675.htm]2[url], ‘oui c’est courageux de tenter de faire revivre les Pixies autrement qu’en jukebox, non ce n’est pas réussi‘. Et on pourrait s’arrêter là, autant par respect pour ce groupe marquant que par crainte d’enfoncer des portes malheureusement grandes ouvertes. Un troisième EP est donc sorti il y a quelques semaines, guère plus digne d’intérêt que les deux précédents et où l’on retrouve d’ailleurs le peu ragoutant single éclaireur de l’été 2013, ‘Bagboy‘. Souviens-toi… l’été dernier. On n’est en effet pas très loin de la série d’épouvante, arrivée à son dénouement tragi-comique avec cet album-compilation au titre aussi douteux que la chanson du même nom. Passons aussi sur la stratégie EP + EP + EP = album, dont on ne sait trop que penser (on n’en pense rien) et sur laquelle on ne s’attardera pas. Les prochaines générations découvriront ‘Indie Cindy‘ comme un tout. Telle est la volonté de Black Francis, Joey Santiago et David Lovering. S’il est possible de mitiger la critique devant le caractère anecdotique d’un EP, aussi décevant soit-il, difficile cette fois de garder la moindre réserve avec ce qui s’avère être le successeur officiel et assumé de ‘Trompe Le Monde‘. Le cinquième LP des Pixies, ni plus ni moins. C’est donc en ces termes que nous nous penchons sur la chose.

À certains égards, ‘Indie Cindy‘ a beau débarquer 23 ans après son prédécesseur on ne peut s’empêcher d’y voir une évolution à peu près logique: une Kim Deal éreintée a fini par s’auto-éjecter et Black Francis par suivre aveuglément son égo et son inspiration en déclin, recrutant du bassiste-à-louer dans l’urgence comme on appelle le plombier tout en se laissant aller à une vulgarisation de la musique et du son. Le fidèle Gil Norton reprend du service, un choix cohérent puisqu’un simple coup d’oeil à son CV montre qu’il n’a produit quasiment que de la soupe depuis les années 90. On se demande dans quelle mesure le producteur du dernier AFI ou de ‘Echoes, Silence, Patience & Grace‘ pouvait offrir un vrai challenge artistique ou jouer un rôle de garde-fou. Et dire que Black Francis, grand amateur d’art au sens élitiste du terme, s’extasiait il y a quelques temps devant l’impressionnisme des albums de Tom Waits et fantasmait à voix haute sur une collaboration des Pixies avec Kathleen Brennan… Il y a quelque chose de presque pathétique dans l’ouverture de ‘What Goes Boom‘, ou comment un groupe emblématique du loud/quiet/loud et du couplet déviant sacrifie son style tranchant et tout ce qui faisait son charme au profit de grasses guitares et de gros riffs éculés dès les premières mesures. Loud/compressed/loud. Ce morceau bénéficie néanmoins d’une sorte de refrain décent, ce qui ne se reproduit que très peu ensuite, particulièrement quand il s’agit de ‘rocker’ (histoire de choisir une expression ringarde appropriée). Essayez donc de fredonner le susmentionné ‘Bagboy‘, boursouflé à souhait, le non moins anecdotique ‘Snakes‘ ou cette aberration de ‘Blue Eyed Hexe‘, grand moment dad-rock pour hardos nostalgiques dont la seule présence renvoie les Pixies à l’âge de pierre – comme si le rock alternatif qu’ils ont si brillamment contribué à définir n’avait jamais existé.

Le fait qu’un mid-tempo passable comme ‘Greens And Blues‘ soit à peu près ce qu’il y a de mieux sur l’album est suffisamment parlant. Inutile de s’acharner davantage sur le niveau affligeant de chansonnettes comme ‘Silver Snail‘, ‘Another Toe In The Ocean‘ ou ‘Andro Queen‘, et sur le fait que rien ici ne capture vraiment l’essence du groupe. Et pas seulement parce que l’élément féminin apporté jadis par Kim Deal vient à manquer. Des albums solo du sieur Black tels que ‘Teenager Of The Year‘ ou le plus récent ‘Bluefinger‘ ont plus en commun avec le mordant et la magie d’antan qu »Indie Cindy‘ (décidément, quel titre – et quelle pochette). Devant cette impossibilité de se reconnecter émotionnellement et de sonner juste, comme ont réussi à le faire Dinosaur Jr ou les Replacements sur l’EP ‘Songs For Slim‘, les vraies questions sont simples: dans l’absolu, que vaut le pire album des Pixies? Et à qui s’adresse-t-il? Réponse tout aussi simple: les fans pas trop regardants du Weezer des 10 ou 15 dernières années trouveront leur compte sans trop de problème dans ce pop rock potache et grassouillet. ‘Jaime Bravo‘ passerait inaperçu sur ‘Make Believe‘, ‘Raditude‘ ou ‘Hurley‘, mettant fin aux débats à coups de guitares épaisses, de woo-hoos cuomoesques et de ‘goodbye‘ / ‘goodnight‘ convenus, répétés inlassablement en guise de conclusion facile et dégoulinante. L’ironie n’échappera pas aux plus perspicaces. Quoi qu’il en soit, ‘Indie Cindy‘ n’est pas seulement un disque très moyen et désespérément ordinaire, c’est aussi et surtout un disque paresseux. Les Pixies n’avaient évidemment aucune chance de faire aussi bien que ‘Bossanova‘ – ils ne sont pas les seuls dans ce cas – mais de façon plus regrettable le groupe ne donne même pas l’impression d’avoir essayé.