Ryan Adams – Ryan Adams

Ryan Adams aurait pu, aurait dû. Sur le point de fêter ses quarante ans, l’ex-enfant terrible de ‘Heartbreaker‘ et ‘Gold‘ se décide enfin à sortir le disque calibré FM homogène que tout le monde attendait de lui en 2003, en lieu et place du guignolesque ‘Rock n’ Roll‘. Plus personne ne semble s’en souvenir aujourd’hui mais le petit prodige folk-rock n’a pas pu, n’a pas voulu ou – allez savoir – s’est emmêlé les pinceaux alors qu’un beau carton lui tendait les bras, trop occupé à se revendiquer artiste incompris avec des polémiques inutiles et une succession d’albums capricieux que peu de gens ont compris. Les doubles ‘Love Is Hell‘ et ‘Cold Roses‘ ne l’ont pas poussé vers les stades comme espéré, tandis que les discrètement brillants ‘Jacksonville City Nights‘ et ‘29‘ sont restés confidentiels, du reste peu aidés par l’overbooking de sorties.

Un poil instable et pris en grippe par un secteur de la presse, l’américain a donc loupé il y a déjà longtemps la dernière marche avant le sommet et se contente de remonter doucement la pente depuis le commercial mais inégal ‘Easy Tiger‘ de 2007, condamné à jouer un second rôle un peu ingrat de presque has-been plus vraiment pris au sérieux. L’intéressé n’a d’ailleurs pas toujours plaidé pour sa cause en bloguant bourré sur son site (son ex-groupe The Cardinals a logiquement implosé suite à ses états d’âme en ligne), annonçant haut et fort des albums inexistants (les fans des Lemonheads ne le remercient pas), avec un sympathique mais assez dispensable goût pour l’enculage de mouches (son album métal ‘Orion‘, l’EP punk ‘1984‘, etc…). Mais comme le laissait penser ‘Ashes & Fire‘ il y a trois ans, [url=https://www.visual-music.org/chronique-1458.htm]son meilleur disque depuis des lustres[url], Ryan Adams a malgré tout récupéré du poil de la bête et semble prêt à exploiter son talent de façon plus cohérente.

Au petit jeu de l’album éponyme, ‘Ryan Adams‘ nous refile une carte de visite flambant neuve et répond à tous les ‘d’où viens-je ?’, ‘qui suis-je ?’ et ‘où vais-je ?’ avec classe et retenue, sans en faire des caisses ou se perdre en route. Des titres classic-rock amples et immédiatement plaisants comme ‘Gimme Something Good‘, ‘Kim‘, ‘Am I Safe‘ ou ‘Stay With Me‘ portent l’ensemble sans forcer, enchainant les refrains faciles (dans le bon sens du terme), les grooves simples et entêtants et quelques touches plus traditionnellement folk dont le beau single ‘My Wrecking Ball‘. Bien entendu, l’emballage soft-rock des années 80 à la Tom Petty/Bruce Springsteen pourra être taxé d’opportunisme après les récents mamours de la critique à des groupes comme The War On Drugs, mais sous la surface Ryan Adams en profite surtout pour émuler l’un de ses vieux héros, Paul Westerberg, et de façon bien plus naturelle qu’il y a dix ans. TGC le rappelait récemment, ‘Rock n’ Roll‘ débordait de très maladroites odes aux Replacements et flanquait par terre toute ambition de sortir du créneau country, là où ce nouvel album – sans doute plus inspiré par la période 90’s de Westerberg – sonne juste et harmonieux. Ça ne ‘rocke’ peut-être pas des masses, voire très peu vu l’humeur mélancolique et la restreinte du chanteur, mais c’est un registre parfait pour lui. Un disque de songwriter à l’ancienne, droit dans ses bottes et fait pour durer qui devrait bien relancer son auteur, à condition bien sûr de fermer les yeux sur une pochette discutable. Il y a décidément toujours un petit truc qui déconne.