Nile – Annihilation Of The Wicked

Après un album aussi bon que fût leur dernier ‘In Their Darkened Shrines‘, monument à la gloire d’un death à la fois technique et artistiquement très inspiré, il est inutile de dire à quel point Nile était attendus au tournant. Pourtant, quand on regarde l’ensemble de leur carrière, aucun faux pas, aucune tâche ne vient gâcher ce parcours d’exception : d’un bout à l’autre ils ont su emmener toujours plus loin le concept du groupe, tournant autour de la mythologie égyptienne du temps des grands pharaons. Et ils sont bien rares, les grands groupes de death à suivre aussi conciencieusement une ligne directrice sans s’écarter de leur esprit originel d’un iota. Mais apparement monsieur Sanders (guitare, voix) a encore quelques cartes dans sa manche pour assurer la survie de ce projet étrange qui a germé il y a de cela dix longues années dans son esprit dérangé…

Le nouvel opus s’apelle donc ‘Annihilation Of The Wicked‘ et autant le dire tout de suite, la musique est tout à fait à l’image du titre : rapide (très rapide), sans répit, d’une lourdeur presque asphyxiante et surtout incroyablement variée pour un death aux sonorités aussi brutales. Mais commençons par le commencement : que rêver de mieux comme introduction à un album de Nile que ce magnifique ‘Dusk Falls Upon The Temple Of The Serpent On The Mount Of Sunrise‘ ? Aux premières notes de cet oud qui résonne sur un fond de choeurs envoutants, des images de vastes étendues de sable désolées, d’oasis perdus, de pyramides labyrinthiques accompagnés de leurs malédictions divines et de tempêtes de sables sur les berges interminables du grand Nil viennent à l’esprit. C’est ce qu’on apelle de l’immersion, le genre qu’aurait même bien apprécié Nicolas Hulot.

Mais après cette délicieuse minute de grâce, c’est parti pour cinquante-deux autres minutes de carnage, pas loin d’une heure de mitraillage parmis les plus extrêmes qu’il m’ait été donné d’entendre. Quand Sanders affirmait il y a quelques temps que certains titres sur cet albums allaient être les plus rapides jamais joués par le groupe, on avait du mal à le croire. Pourtant, à l’écoute de ‘Cast Down The Heretic‘ ou encore ‘The Burning Pits Of Duat‘, on est bien obligé d’admettre qu’il n’avait pas menti. Ce qui est dommage c’est qu’on a vite l’impression que ces titres à la vitesse totalement inhumaine ne font figure que de vitrine technique, aussi reluisante soit-elle, et que toute l’ambiance qui fait le charme des titre les plus nuancés à été mis de côté. Bien sûr, en live, ça doit être terriblement efficace, on en doute pas, mais dans d’autres conditions, ça lasse plus qu’autre chose. On notera juste la performance remarquable du nouveau batteur, George Kollias, qui fait un travail de maître autant au niveau de sa précision d’horloger que de l’inventivité, alternant énormes blasts traditionnels et rythmiques plus déconstruites comme sur le très chaotique ‘Sacrifice Unto Sebek‘.

Dans ce cas, tournons-nous plutôt vers le reste des compositions, qui forment la grande majorité de l’album, qui possèdent cette petite touche insaisissable qui fait la renomée de Nile. En fait, ce petit plus n’est pas si insaisissable que ça puisque si on réfléchit un peu, c’est bien la guitare innimitable de Sanders à elle seule qui donne toute cette richesse mélodique et cette atmosphère si dense aux nouvelles compositions du groupe. Que ce soit lorsqu’elle se fait acoustique pour poser une ambiance mystérieuse et envoûtante (l’intro d »User-Maat-Re‘) ou lorsqu’elle s’envole sur un solo aux sonorités incroyablement orientales comme sur la fin presque doom de ‘Chapter Of Obeisance Before Giving Breath To The Inert One In The Presence Of The Crescent Shaped Horns‘ (oui, là, je crois qu’il n’y a que Impaled Northern Moonforest qui ait fait mieux dans le genre…), c’est bien cette six cordes aux pouvoirs décidément très hypnotiques qui fait toute l’identité du son de Nile.

Un sixième album très réussi donc pour ce groupe qui est désormais une des grosses références sur lesquelles il faut compter pour s’incrire dans l’histoire du death. ‘Annihilation Of The Wicked‘ réussit la performance d’être à la fois plus brutal et plus profond que son prédécesseur, tout en nous offrant un son global d’une qualité irréprochable. Il n’y a donc plus de doutes permis, Nile savent y faire en death, et il serait difficile d’immaginer aimer ce style sans aimer ce groupe, qui représente parfaitement cette musique subtile, riche et sans compromis.