Fear Factory – Transgression

En avril 2004, Fear Factory était revenu après un split douloureux et avait accouché d’un album acclamé par la presse et par les fans. Avec beaucoup de gimmicks empruntés au mythique ‘Demanufacture‘, FF s’était refait une santé, même si les plus critiques regrettaient l’absence totale de prise de risques. 16 mois plus tard, la bande à Burton est de retour, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la donne a changé en si peu de temps ! Exit les productions de mammouth et les titres bourrins sans imagination, Fear Factory a décidé d’évoluer. La dernière fois qu’ils avaient essayé, on se souvient que ça s’était plutôt mal terminé (cf. l’épisode ‘Digimortal‘), donc voyons voir si les dieux du métal ont été avec eux ce coup-ci…

Première mise au point avant d’entrer dans le vif du sujet : cet album n’a absolument RIEN à voir avec ‘Digimortal‘, et ceux qui oseront comparer les deux méritent qu’on leur coupe les oreilles. Fear Factory a en effet adouci son style, comme en 2001, mais cela s’est fait cette fois-ci de manière bien plus réfléchie. En gros, il y a 4 ans, FF bourrinait et faisait de la soupe sur les refrains, alors qu’aujourd’hui, les compos lourdes sont vraiment lourdes et les compos calmes sont vraiment calmes.

11 morceaux composent ‘Transgression‘, pour un total de 53 minutes. Autant être honnête avec vous, je le sentais mal ce disque : le délai de production me semblait trop court, et surtout, les quelques extraits entendus sur le net depuis quelques mois m’avaient tout sauf emballé. Les premières écoutes furent ainsi laborieuses, et je dois dire que j’étais assez déstabilisé par cette approche plus mélodique de leur musique.

En ce qui concerne le chant, Burton hurle moins souvent que par le passé, et son timbre mélodique est largement plus mis en avant que sur le dernier album. Ce chanteur nous a toujours habitués à l’alternance chant clair/chant hurlé, mais disons que sur ‘Transgression‘, l’influence de son projet solo easy listening se fait plus ressentir que jamais. J’en vois certains se rebiffer contre ce trop plein de mièvrerie, mais plusieurs refrains sont tout de même particulièrement réussis (je pense notamment à celui de ‘Contagion‘, planant à souhait). Le groupe continue néanmoins à envoyer la sauce quand il le faut, et il faut reconnaître que ‘Spinal Compression‘, ‘Transgression‘ ou ‘Moment of Impact‘ ne déstabiliseront pas grand monde tant elles sonnent comme du Fear Factory old school. Christian n’a peut-être pas le talent de Dino, mais il assure tout de même suffisamment pour qu’on oublie le gros chevelu pornophile qui le précédait.

Finalement, la révolution entreprise sur ce disque se situe dans son deuxième tiers : ‘Empty Vision‘, ‘Echoes of My Scream‘, ‘Supernova‘ et ‘New Promise‘ définissent le nouveau Fear Factory, plus ambitieux et plus mélodique que jamais. La mélodie, ce mot qui fait peur aux métalleux, est ici gage de qualité, un peu comme on avait pu l’entrevoir sur la fin de l’excellent ‘Obsolete‘. ‘Echoes of my Scream‘, avec ses 7 minutes au compteur, vous emmène ainsi dans les nuages avec sa guitare discrète, ses nappes de clavier et surtout sa batterie étonnamment sobre pour du Ray Herrera. ‘New Promise‘ joue quant à elle plus sur les contrastes avec son intro incroyablement douce et sa son galop de guitare, mais de ce titre, on retiendra surtout qu’il contient le premier solo de l’histoire du groupe !

Supernova‘, avec ses accents rock à la U2 et ses roulements de batterie militaires, sent un peu trop le formatage radio, mais on n’atteint pas encore les affres de la médiocrité comme en 2001. De U2, il est justement question avec le neuvième morceau, qui n’est rien d’autre qu’une reprise fade et sans saveur du classique ‘I Will Follow‘. Burton C. Bell est fan du groupe, on le sait déjà depuis longtemps, mais force est de reconnaître que ce morceau n’apporte rien, et qu’il casse complètement le rythme de l’album. Autre reprise, autre résultat : avec le morceau ‘Millenium‘ emprunté à Killing Joke, Fear Factory refait du lourd, avec même quelques accents de Nailbomb dans les premières secondes. Son refrain mêlant lourdeur et mélodie enchanteresse résume à lui seul l’intégralité de cet album. ‘Transgression‘ se clôt par un titre plus habituel pour du Fear Factory : ‘Moment of Impact‘ rappelle ainsi l’excellente B-side ‘Messiah‘ avec sa rythmique martiale et ses déferlements de double pédale. Rien d’extraordinaire (un peu comme tout l’album d’ailleurs) mais ça reste sacrément agréable à écouter.

Toby Wright, connu pour son travail avec Alice In Chains, s’est occupé de la production, ce qui a pour conséquence directe d’adoucir nettement le son du groupe. Exit les murs de guitare et la prédominance de la double pédale, le son est désormais plus rock et plus chaud (la caisse claire ne possède plus ce côté industriel si caractéristique du jeu de Raymond). Ce producteur a certes plus de renommée que Colin Richardson, mais était-il le producteur le plus adéquat pour la musique de Fear Factory ? J’en doute fortement…

Voilà, comme dirait Jean-Louis Aubert, c’est fini. On a écouté l’album plusieurs fois, et si l’on n’est pas vraiment enchanté par ce tout qu’on a entendu, on n’est pas non plus déçu. Avec ‘Transgression‘, FF a su satisfaire ses fans au début et à la fin de l’album, et on sent que le groupe s’est fait plaisir au milieu, avec des compositions plus calmes qui leur correspondent peut-être plus à leur âge avancé. Plus honnête et plus ambitieux qu »Archetype‘, ce disque pêche toutefois par sa production inadaptée ainsi que par la présence de cette satanée reprise d’U2 qui rompt la continuité des chansons… Les bons morceaux n’atteignent jamais non plus le génie, ce qui nous laisse un petit arrière gout d’inachevé, comme si ce disque avait été composé un peu trop vite. Bref, Fear Factory nous délivre un album plus que correct, certainement nécessaire pour la suite de leur carrière, mais qui en aucun cas n’arrive à la cheville de ‘Demanufacture‘ ou ‘Obsolete‘.