Cradle of Filth – Peace Through Superior Firepower

Cradle Of Filth a toujours divisé les foules : d’un côté les fans absolus qui voient là un groupe mythique ayant réussi en plus de dix années de carrière à se forger un style mélant habilement des mélodies black, une théatralité gothique et des rythmiques heavy bien entraînantes. De l’autre, les partisans d’un black plus traditionnel qui ne voient en Cradle Of Filth rien d’autre qu’une caricature édulcorée des obscures et vénérées formations scandinaves et une repompe de leurs mélodies maléfiques, tout ça entre deux ballades racontant de funestes romans d’amour histoire d’attirer à eux les faveurs d’une gente féminine en pleine crise identitaire. Inutile de dire que les deux partis sont totalement impossibles à départager quand à celui qui userait de plus de mauvaise foi dans son jugement de la fameuse formation anglaise. Mais cette fois, c’est différent, puisque c’est d’un DVD live dont il s’agit, encore un, intitulé ‘Peace Through Superior Firepower‘. Si les précédents n’avaient pas réussi à vous convaincre, voyons ce que vaut cette tentative.

Mais d’abord quelques précisions quand au contenu lui-même. Le plus intéressant d’un côté avec le concert, filmé à l’Elysée Montmartre, Paris, le 2 Avril dernier : une heure et demi et quinze titres, il n’y a pas de quoi se plaindre. De l’autre, tous les bonus et là non plus rien à redire puisqu’on y trouve six clips, un documentaire de presque une heure et même dix minutes de séance de dédicaces.

On se précipite donc sur le live, curieux de voir si après tout ce temps, le groupe est toujours en forme et prêt à faire bouger le public de notre cher héxagone. La foule hurle dans l’obscurité, une voix annonce l’arrivée de ‘the world’s ugliest band‘, des torches brulent sur un mur, deux traits de lumière laissent apparaître un couple de gargouilles immobiles accroupies sur de petits promontoirs. Puis c’est accompagnés d’une orchestration symphonique magistrale que les musciciens arrivent sur scène, vétus comme toujours de cuir noir reluisant et grimés de lugubres corpsepaints. ‘Gilded Cunt‘ est chargé d’ouvrir le bal et c’est tout sautillant et plein d’entrain que la star de la soirée, Dani Filth, entre dans l’arène. En tout cas il n’y a pas de doute, le groupe a toujours autant le sens de la mise en scène.

Quelques secondes d’écoute suffisent à faire un premier constat : le son est excellent. D’ailleurs ‘Gilded Cunt‘ semble même tellement proche de la version de l’album que par moments on ne peut s’empêcher de se demander s’il n’y aurait pas quelques petits arrangements supplémentaires derrières tout ça et donc tromperie sur la marchandise. Le premier choc vient de la batterie, tellement précise que si ce n’était pas l’horloger Adrian Erlandson derrière les fûts on pourrait se poser des questions. Tous les instruments s’équilibrent à merveille et le chant de Dani, couvrant pourtant une large palette de tonalités allant de ses hurlements extrêmement aigus caractéristiques à des growls sous-terrains ressort sans aucun problème. Du coup, le son est tellement bon que par moments on a beaucoup plus l’impression de regarder un long clip qu’un concert avec tout ce que ça comprend d’approximatif et de spontané.

Mais en même temps quand on voit toute la mise en scène qui sert à créer l’univers macabre du groupe on comprend pourquoi le set ne laisse pas beaucoup de place à l’improvisation : en plus des gargouilles qui s’animent le temps de quelques chansons, on a droit a des acrobates peu vétues, d’énormes costumes de plusieurs mètres de haut représentant la grande faucheuse ou encore une sorte de squelette métallique tous deux animés par un marionettiste invisible le temps d’une partie instrumentale ou encore des danseurs et danseuses qui lacèrent leur torse couvert d’une lourde armure à coups de ponçeuses, histoire d’envoyer de grosses giclées d’étincelles dans tous les sens.

La setlist est bien fournie, alternant les titres qui font sautiller tout le monde et les ballades plus mélodiques. Malheureusement, sur les titres les plus brutaux, guitaristes et bassiste forment un mur immobile sur le devant de la scène et Dani, perché sur son podium, tout aussi statique, se contente de hurler, ne se fatiguant même pas avec un petit headbang de temps à autres. Bref, c’est vraiment le minimum syndical de la prestation scénique. Une fois ce live terminé, il reste donc les bonus. Le ‘Shockumentary‘ n’est peut-être pas très interessant puisqu’on y apprend pas grand-chose sur le groupe lui-même mais c’est toujours amusant de regarder des rock stars se jeter objets divers et alcools à la figure, faire exploser peluches et balles de foot dans la cour du studio d’enregistrement avec des pétards, se tirer les uns sur les autres au paintball ou encore inventer des solos les plus laids possibles. On pourra y voir aussi le fameux Bam Margera et ses amis exhibitionistes skater sur la musique du groupe et leur adresser un petit message. Rien d’exceptionnel, certes, mais ça se laisse regarder.

Peace Through Superior Firepower‘ possède donc un contenu qui ravira les fans : un show digne de la réputation de la formation avec un son (trop) parfait et pas mal de bonus qui nous laissent entrer dans l’intimité d’un groupe finalement pas aussi sérieux que leur image macabre laisse paraître. Ceux qui préfèrent les concerts plus intimistes risquent tout de même de s’ennuyer devant un show aux mécanismes aussi bien huilés et le manque de communication entre le groupe et son public. A réserver aux fans donc et à ceux qui aiment les prestations à grand spectacle uniquement.