Machine Head – The Blackening

Annoncé par Robb Flynn himself comme le ‘Master Of Puppets‘ des années 2000, le nouvel opus de Machine Head, ‘The Blackening‘, était plus qu’attendu au tournant. Sans tortiller du cul plus longtemps, à mon humble avis de fan de la première heure, la réponse est évidemment un grand OUI. Bon alors, je sens que certains commencent à piaffer… OK, quand je réponds oui à cette déclaration, je suis bien d’accord, on est loin du Metallica de cette époque (même si la filiation est un peu là quand même), mais là où je rejoins les pensées du Sieur Flynn c’est que je pense (et j’espère) que cet album fera date à l’instar de Master Of Puppets. Allez, on s’était dit rendez-vous dans vingt ans…et si je me lourde, je paye mon coup !
Alors je sais bien que, malgré une base fervente de fans dont je fais partie, Machine Head ne fait pas l’unanimité absolue dans la communauté métal (tant pis…et tant mieux d’ailleurs !) mais bon, cet album présente tout même des éléments de qualité indéniable type AOC Bay Area.

Digne successeur de ‘Through The Ashes Of Empires‘, ‘The Blackening‘ reste dans la lignée du précédent album tant dans l’énergie que dans cette « rien à perdre » attitude. Encore une fois, c’est le Robb qui se colle dernière les manettes (preuve qu’il sait bien où il veut emmener son petit monde) et est rallié au mixage par l’incontournable Colin Richardson (Fear Factory, Chimaira, Dearly Beheaded…). La progression du groupe est tout à fait logique car, là où ‘Through The Ashes‘ démontrait un « savoir faire Machine Head », ‘The Blackening‘ porte le tout à un niveau (voire même plusieurs) au-dessus en ce qui concerne l’intensité et la créativité.
Parce que, oui, au niveau créativité, et comme dirait mon restaurateur chinois préféré, qu’on aime ou pas, il faut bien reconnaître que nos p’tits gars se sont creusés le ciboulot. J’en veux pour preuve quatre morceaux sur huit passant la barre des neuf minutes, des riffs enragés et variés à chaque chanson ainsi qu’une cargaison de soli plus inventifs les uns que les autres. Avertissement aux personnes allergiques aux soli : cet album n’est pas pour vous !
L’entrée en matière est un exemple parfait pour appuyer mes dires (d’ailleurs si j’en fais trop, n’hésitez pas à me le dire, mais vous excuserez le fan que je suis). Après une petite intro toute meugnonne à la guitare sèche qu’on sent monter en puissance avec l’arrivée de la batterie et des guitares, cette fois électriques, et des hurlements lointains de Robb, la partie de plaisir commence. Le gros riff qui déboule, la batterie qui vous rentre dedans et Robb qui emballe le tout dans un grand « War !!! » de bienvenue, le ton est donné. En plus de cette brutalité, le morceau se montre assez novateur au niveau de la construction puisqu’il compte rien de moins que deux soli, des moments de calme inattendus pour mieux repartir derrière et un seul couplet répété deux fois. En effet, la chanson prend un intérêt supplémentaire quand on sait qu’ici Robb fustige (au travers d’un propos déroulé tout au long du titre) l’implication plus que désastreuse de l’Administration Américaine en Irak. De là se comprennent beaucoup mieux les « Fight ! » entêtants et la lamentation du « They’re selling our souls and our blood for oil » (Ils vendent nos âmes et notre sang pour du pétrole…).
Restons dans les paroles qui déménagent avec ‘Aesthetics Of Hate‘. Cette chanson est adressée aux médias qui avaient expliqué le tragique assassinat du regretté Dimebag Darrel par la violence inhérente au monde métal et tout un tas de conneries dont les média américains ont le talent de déballer. La chanson se fait un beau plaidoyer sur l’honneur dû à un gars comme Dimebag, avec au passage un petit message amical à ses détracteurs « I hope you burn in hell »(J’espère que vous cramerez en enfer). Tout ça dans une ambiance agressive et revancharde à souhait, sans oublier un magnifique solo où les compères Flynn/Demmel se livrent à un magnifique duel épique.
Dans le style solo épique je vous citerai bien aussi : ‘Halo‘, seul titre de l’album ayant été composé par les quatre membres, et qui bénéficie lui de deux riffs bien différents et particulièrement accrocheurs. Il traite d’un sujet que le groupe avait encore assez peu abordé, à savoir la religion ; mais surtout l’influence de celle-ci sur le gouvernement et le mode de vie américain en général. Le message est clair « Swallow not the shit they feed » (N’avale pas toute cette merde qu’ils essayent de te faire bouffer).
Le sieur Flynn critique certes les institutions mais n’en reste pas moins humble et réfléchi quand il accepte toutes les insultes qu’on peut lui porter dans le très entraînant (et à la limite basique comparé au reste de l’album) ‘Slanderous‘. Et oui, tous ces noms d’oiseaux enchaînés ne l’empêchent pas de déclarer un tonitruant « I love you », preuve que l’on peut être viril et touchant à la fois ! Dire des choses vraies et se foutre du ridicule, surtout que l’idée ici n’est pas si bête : plutôt que de se détester les uns les autres, on devrait faire un gros doigt à tous ceux qui essaient de nous diviser pour mieux régner. Et ouais, limite de la chanson à texte.
Le groupe sait également y faire quand il s’agit de nous donner le vague à l’âme au travers de belles lamentations sur ‘Beautiful Mourning‘ et ‘Now I Lay Thee Down‘. Le premier traitant du suicide démarre très fort dans une ambiance tendue qui se désamorce à chaque refrain tellement aérien. L’intérêt du titre est aussi de démontrer le savoir-faire du groupe, nous rappelant avec son riff limite néo métal la période ‘Burning Red‘ mais également celle de ‘The More Things Change‘ avec une partie tâtonnant dans le hardcore façon ‘Bay Of Pigs‘. Le deuxième, pour sa part, a pour thème un meurtre mystérieux, et est l’inverse de ‘Beautiful Mourning‘, car l’atmosphère y est très lente et mélancolique, seulement dérangée par le refrain et ses passages lourds et dévastateurs.
Les gaillards savent cultiver les ambiances. Le ‘Farewell To Arms‘ final vient conclure l’affaire, alternant magnifiquement passages tripants parfois lyriques et d’autres plus rentre-dedans et rageurs, ultime message aux dirigeants américains de déposer les armes.

Et ben voilà, vous allez me dire c’est pas très gai tout ça, mais quand on y pense c’est tout même assez juste comme vision du monde. Si je vous parle en plus du livret et de ses illustrations du 16ème siècle représentant le mal et les maux de la société, de l’inscription à lire à l’envers dans un miroir « The mirror which flatters not » (Le miroir qui ne flatte pas), vous n’allez pas me dire qu’un concept si travaillé, ça ne se respecte pas ?
Á noter en bonus, la reprise de ‘Battery‘ de Metallica, assez fidèle à la version originale, sans touche personnelle très marquée, mais malgré ça, la vérité, ça fait quand même plaisir. Et le maxi bonus, un p’tit DVD sur l’enregistrement de l’album, les live d’échauffement. Bref, tout ça pour dire « un bien bel objet Maryse ! », si vous ne l’avez pas déjà chez vous, n’hésitez plus…