Radiohead – In rainbows

La planète musicale suivait la progression du successeur de Hail to the Thief depuis déjà 4 ans quand un message de Jonny Greenwood affola l’actualité : « Salut tout le monde, notre nouvel album est terminé et sortira dans 10 jours. Nous l’avons appelé In rainbows ». Mais ce n’était pas tout puisque le groupe d’Oxford a choisi de proposer l’album en téléchargement à prix libre ou gratuit, une prise de position qui marquera l’histoire d’une industrie du disque qui ne tourne décidément plus rond, leur offrant au passage la victoire par KO dans le combat Radiohead vs EMI. Une fois de plus, l’avant-gardisme du groupe a surpris le public et n’a laissé personne indifférent, pas même ma mère. Le débat était lancé entre populisme arrogant pour certains et formidable opportunité qui déculpabilise le public pour d’autres, et la promotion d’ In Rainbows était toute trouvée. Un coup de maître. Mais qu’en est-il du contenu ?

Commençons par un retour en arrière. En 1993, sortie de Creep qui devient une chanson générationnelle puis en 1997, sortie d’ Ok Computer qui bouleverse la critique et le public avant que le choc électronique de Kid A propulse Radiohead au firmament. Aux premières écoutes d’ In Rainbows, le choc attendu n’est pas là. On ne retrouve pas les qualités qui ont fait la particularité de Radiohead : pas de ballades renversantes, pas de charme électro, bref on ressent surtout de la déception. On est rapidement tenté de penser que Radiohead ne nous enflamme plus, sans oser dire que c’est un mauvais album car il reste bien au-dessus de la mêlée. C’est donc la chronique d’une fille blasée que vous auriez lue fin octobre mais depuis je me suis souvenue de la spécificité d’un album de Radiohead : il faut l’apprivoiser. Leur musique est loin d’être inabordable mais nécessite toujours de la patience et de la volonté, elle ne se livre pas d’un coup et In rainbows n’échappe pas à la règle.

Dès le début on s’aperçoit que pour la première fois, Radiohead respire l’épanouissement musical mais n’oublie cependant pas ses problèmes de conscience, faisant ainsi cohabiter des cris d’enfants et des paroles souvent sombres. La pluie qui finit de tomber alors que l’arc-en-ciel se forme, le titre illustre à lui seul l’ambiance de l’album. Dans le détail, on se rend compte que Radiohead s’auto-influence, on y retrouve des riffs typiques qui rappelleraient presque The Bends notamment sur Bodysnatchers, un beat dont la consanguinité avec ceux de The Eraser semble évidente sur 15 steps ou une réminiscence de Amnesiac avec les choeurs du début de Jigsaw Falling into Place. Radiohead se réinvente sans se plagier, démontrant leur capacité à faire évoluer leur univers musical sans se perdre. La force de cet album est aussi de réussir à rester sobre comme sur la belle conclusion Videotape qui repose sur un simple piano ou All I need qui par son dépouillement travaillé, arrive à être touchante sans tomber dans le pathos. La perle Nude prouve également le soin apporté par le groupe sans tomber dans la complexité, donnant un côté apaisant et chaleureux grâce à la voix de Thom Yorke. Les instants relaxants tel Faust Arp alternent avec des rythmes entêtants dont le génial Reckoner , soufflant ainsi le chaud et le froid en permanence mais dans une grande homogénéité. In rainbows est d’ailleurs l’album le plus compact de leur discographie .

Même avec la plus grande volonté du monde, il est vraiment difficile de critiquer le Radiohead version 2007. Bien sûr pour leurs détracteurs, ça sera chose aisée mais pour les adeptes, je ne vois pas. In rainbows restera plus dans les mémoires pour le tremblement de terre qu’il a déclenché que pour sa beauté et c’est bien dommage car il prouve un peu plus la dimension méritée de Radiohead.
La version « classique » de In rainbows est sortie le 31 décembre, de quoi engranger quelques millions supplémentaires et satisfaire les nostalgiques du boîtier cristal. Le passage en 2008 a également été ponctué d’un concert diffusé sur Internet pour les fans du monde entier. Mes amis n’ont eu droit qu’à ma version alcoolisée de Creep mais qu’importe, Radiohead reprendra la route en 2008, certifiant ainsi une bonne année.