Thrice – The alchemy index, Vol III & IV

Si l’on se fie à ce qu’on peut lire ici et là, il semble totalement interdit -voire verbotten– de parler d’un groupe dont on ne connaît qu’un disque. Ce qui explique probablement que personne à l’époque n’a parlé de Funeral d’Arcade Fire par exemple… Mieux, personne n’a jamais entendu parler des La’s. Et personne ne parle de The Night of the Hunter de Charles Laughton… Bref, vous voyez où on veut en venir à propos de Thrice.
Disque reçu, lecture du communiqué de presse, explosion de rire. Le concept fumeux et foireux. Dans la grande compétition des musiciens cons qui font comme s’ils étaient intelligents, Thrice vient de prendre une option sur le titre. Deux EP qui traitent des éléments naturels, ici l’air et la terre, le feu et l’eau ont déjà été fait l’an dernier. Après la rigolade, l’étagère. Et puis écoute un beau jour, il faut bien.

Assez étonnants ces deux EP, particulièrement lorsqu’on s’attend à une énième merde emo pour enfants. Ce que Thrice est, d’une certaine manière. Ils ont beau faire des efforts (pas de palm-mute), dès le titre d’ouverture de Air, « Broken Lungs », tous les tics sont là, grossièrement cachés, des effets de voix ignobles au refrain emphatique… En plus c’est à propos du 11 septembre… « The sky is falling » n’est pas mieux, ça sent le groupe qui essaie d’aller voir ailleurs s’ils y sont mais qui a oublié de détacher sa laisse (oui entre deux, on est allé écouter le reste). Mais sur la suite, on se surprend à saluer quelques trouvailles, sur le EP Earth surtout, presque totalement acoustique. On y croise des ambiances qui rappellent presque Sigur Ros, en moins psychologisant mais en au moins aussi soporifique si l’on n’est pas dans l’ambiance…. D’une manière générale, c’est sur les morceaux les plus dépouillés que Thrice parvient à peu prêt à toucher à quelque chose, même si le groupe reste handicapé par sa médiocrité mélodique affligeante. Les deux derniers titres de Air créent une ambiance heu, aérienne, oui, ce n’est guère plus subtil que la mitraillette de Portishead mais la durée réduite des titres facilite l’écoute.
Le EP Earth contient une ou deux presque bonnes chansons, « Digging my own grave » et « Moving mountains ». On pense parfois à Pearl Jam en moins atrabilaire dans ses moments calmes (« Come all you weary ») et Thrice tente le coup de l’érudition avec le piano de « The lion and the wolf » comme la sonate au clair de lune mais, ou par ses titres en pentamètres iambiques mais encore une fois, il manque aux américains l’essentiel : le talent. N’est pas Shakespeare ou Beethoven qui veut.

Calmes, travaillés et ambitieux, ces deux EP montrent un groupe qui essaie manifestement d’élargir son horizon mais se retrouve confronté à ses propres limites : son absence de génie. Si l’on ne peut que saluer l’esprit du groupe, ainsi que l’absence presque totale d’horreurs sur ces deux EP, on reste frappé par un fait très simple : même après maintes écoutes, jamais, non, jamais une mélodie ne reste en tête. Le disque passe en ce moment même… pour la dernière fois, fort probablement. Ce qui est dommage pour un album pas si mauvais… Thrice manque trop de personnalité, de talent, pour réussir ce genre d’entreprise.
« Attends, ces mecs évoluent à chaque disque et vont toujours de l’avant » dira le fan. Certes oui, mais ça n’interdit pas Thrice d’essayer d’écrire de meilleures chansons.