Samedi 29 Août, les thermomètres annoncent 21 °C et le soleil ne se cache pas tandis qu’aucun groupe composé de deux frères ne semble motivé pour se casser des guitares dessus en backstage : cette seconde journée s’annonce prometteuse. On remplace les jeunes fraicheuses en Zadig et Voltaire par des t-shirts NOFX, Rancid ou Bad Religion, le hard rock et le punk sont mis à l’honneur aujourd’hui.
Noisettes a la difficile tâche d’ouvrir les hostilités de la Grande Scène à 15h30, et quelle ouverture ! La bande londonienne menée par Shingai Shoniwa livre une sorte de garage pop bien à eux. Inutile de passer par quatre chemins, cette prestation est marquée par sa chanteuse qui dégage énormément derrière sa basse. Elle joue le jeu et bouge autant qu’elle peut, se suspend aux barres, difficile de s’ennuyer devant ce groupe qui réussit à trouver un milieu entre riffs rock efficaces et mélodies pop. Les qualités vocales sont indéniables, loin des autres groupes du genre, une puissance soul certaine tout en restant plus pop que Amy Winehouse et consorts.
Je manque le passage de The Asteroids Galaxy Tour de façon à poser quelques questions à Dananananaykroyd qui nous intéresseront un petit peu plus tard.
Ebony Bones monte sur la Grande Scène à 16h55 pour le spectacle le plus unique de ce weekend. Imaginez une seconde une chanteuse folle arborant un costume indescriptible et extrêmement coloré, incluant de gros cubes au niveau des avants bras et de faux sourcils dont on ne voit pas la fin. C’est une énorme fanfare electro-pop où les chorégraphies s’enchainent, cet aspect visuel totalement loufoque est finalement très bien adapté au son des anglais. Difficile de rester de marbre devant tout cet enthousiasme ; que cela plaise ou non c’est un spectacle décalé et non une simple prestation musicale. Une découverte des plus intéressantes !
Dananananaykroyd s’apprête à monter sur la Scène de la Cascade aux derniers accords d’Ebony Bones. La programmation de ces sept écossais révèle autant du risque que celle d’Asher Roth le jour précédent, ce groupe au nom difficilement prononçable s’annonce comme quelque chose entre du hardcore et de la pop. Ça crie donc aussi et je me permets de douter que cela puisse être au goût d’une majorité présente. Ils entrent en scène et la première chose frappante est la présence de deux batteries ! Après une introduction instrumentale rock efficace, le son du groupe n’est étonnamment pas bien différent de ce qui était annoncé sur papier. C’est un réel mélange de pop / post-punk et d’hardcore, que ce soit au niveau des voix et des instruments, on pourrait alors citer nombre d’influences clairement reconnaissables. A l’occasion d’une entrevue organisée avant leur passage, Dananananaykroyd ne s’en cache pas « Certains de nous viennent de vieux trucs hardcore comme Fugazi tandis que d’autres viennent de choses plus actuelles comme At The Drive In« . Et lorsqu’on demande au groupe comment il se qualifie sur scène, tous les membres sont unanimes « On est un groupe hardcore avec une sensibilité pop. […] On adore Faith No more, on aime aussi The Horrors, tout comme du bon vieux Prodigy et on déteste réellement Amy Macdonald !« . Le guitariste enchérit « Elle vient de la même ville que moi… » tandis qu’un chanteur met tout le monde d’accord, « elle est nulle !« . Ils n’hésitent pas à me faire profiter d’une anecdote avant de partir « Hier on jouait au Reading Festival sous une tente, c’était génial, et juste avant que l’on commence à jouer il s’est mis à pleuvoir donc tout le monde s’est précipité sous cette tente. Il s’est arrêté de pleuvoir juste après !« . L’accueil est visiblement bon, probablement pas autant qu’au Reading mais ils continuent à enchainer des chansons qui ne se ressemblent pas tout eni arrivant à garder de la vitesse et une accessibilité certaine. Ne voulant définitivement rien faire comme les autres, lorsqu’ils demandent à la foule de se séparer en son milieu – ce qui aurait du entrainer un Wall Of Death – c’est de façon à aller faire un gros câlin à la personne se trouvant en face de soi. Une belle démonstration de ce groupe qui ne fait pas comme les autres et qui réussit à se faire accepter malgré ses quelques sonorités que certains diront « extrêmes », tout est relatif.
18h20 marque l’entrée sur la Grande Scène de Billy Talent, attendu de pied ferme par tous les amateurs de punk-rock. C’est d’une traite que les quatre canadiens investissent la grande scène sur le riff de « Devil in a Midnight Mass« . Menée par un Benjamin Kowalewicz , la bande enchaine les tubes piochés intelligemment dans leur désormais belle discographie. De « This Suffering » à « Line & Sinker« , le public se lâche totalement pour la première fois du festival. Les problèmes de micros ne font qu’intensifier la folie qui habite le leader. Slams et pogos s’enchainent devant ce show décidément bien rodé. Lorsqu’on demandait quelques heures plus tôt au groupe ce que cela faisait de passer d’une petite scène lors du Furia Sound Festival en 2007 à la Main Stage de Rock en Scène, Benjamin répond en riant : « Je prédis que dans deux années nous reviendrons comme tête d’affiche !« , faisant allusion à leur premier passage lors de Rock Am Ring. « Non, nous sommes excités d’être ici ! On nous a juste demandé de venir jouer et c’est spécial d’être en compagnie de The Offspring et Faith No More, deux de nos groupes préférés. Si tu n’as jamais vu Mike Patton chanter, il va te retourner la tête. Il est génial.« . Il conclut « On est content d’être là, on fait simplement ce que l’on a à faire. Si le public apprécie tant mieux, sinon qu’il aille se faire voir !« . Nul doute qu’il est conquis ce soir alors que le groupe arrive à caler « Try Honesty« , single du premier album après « Devil On My Shoulder » ou « Rusted From The Rain« . C’est bien « Fallen Leaves » qui met tout le monde d’accord avant qu’Aaron enchaine avec l’introduction de « Red Flag« , qui marque comme à son habitude la fin du set du groupe. Malgré un final sur une chanson des plus fédératrices, l’horloge indique 19h, soit à peine 40 minutes de concert ce qui est assez regrettable. Billy Talent nous a offert du Billy Talent, ni plus ni moins.
The Horrors joue alors sur la scène de la Cascade un concert à la hauteur des photos promotionnelles, ça pose et ça ne fait que poser. L’intérêt scénique est discutable malgré quelques singles par ci par là. Ce n’est décidément pas un groupe à apprécier en plein air.
A voir le nombre de t-shirts à leur effigie, The Offspring fait encore aujourd’hui partie des groupes les plus attendus et pour lesquels les fans se déplacent en masse. Il est vrai que le Trabendo de l’année dernière pouvait difficilement combler les nombreuses personnes suivant encore le groupe. La première partie de set ne peut que donner des frissons, piochant des tubes punk-rock de toute leur discographie que ce soit « Stuff is Messed Up » de leur dernier opus ou « Staring at The Sun d’Americana qui n’a pris aucune ride. Toute personne ayant écouté les américains dans sa jeunesse ne peut s’empêcher de meugler quelques paroles, l’ambiance est bonne et on en redemande ! Il faut cependant attendre une demi heure – certes de qualité – pour voir tout se briser en quelques secondes, le temps qu’il faut à Dexter Holland pour se mettre derrière un piano de façon à jouer « Gone Away« . Un groupe majeur de la scène punk-rock californienne qui sort le piano après 30 minutes de jeu, cela frise le ridicule. J’arrive à en regretter de ne pas être allé voir ce que donnait Yann Tiersen sur la scène de l’industrie.
The Offspring, c’était bien mieux avant qu’ils ne se prennent pour un groupe de pop rock.
On se remet de ses émotions et on se dirige vers la seconde scène où un certain Calvin Harris commence à jouer et – d’autant plus lorsque l’on ne s’y attend pas – c’est la claque. Accompagné par une formation se rapprochant de celle de Pendulum ou Prodigy, c’est dans l’electro rock teinté de trance que le bonhomme évolue. Entre riffs efficaces et autres parties électroniques, cela se rapproche de la scène electro rock anglaise (Hard Fi et consorts). On ajoute quelques mélodies trance voire disco empruntées sans doute à ce qui a pu faire la folie des clubs il y a quelques années et on se retrouve avec des chansons de qualité, ne nécessitant pas plus d’effort pour voir danser une dizaine de milliers de festivaliers. Les lumières mettent bien le tout en valeur et on a ce qui se révèle être une version très pop des grands acteurs de la scène rock/drum’n bass. C’est sur l’hallucinante « I’m Not Alone » – arrivant à mettre tout le monde d’accord à l’aide de sa simple mélodie – que le groupe se retire sous les applaudissements. Chapeau bas.
C’est reparti vers la grande scène où les grands Faith No More doivent entrer. Tandis qu’ils se donnent le luxe de faire attendre quelques minutes avant de monter sur les planches, l’intégralité du public ne connait pas le groupe. Autant dire que lorsque les musiciens arrivent sur les notes d' »United« , slow indémodable, l’étonnement est de mise ! « Ha, c’est ça Faith No More… On va bien se placer pour Birdy Nam Nam dans ce cas« . Attend un peu l’enchainement avec « From Out Nowhere » qui montre bien le style dans lequel évolue le groupe américain. Mike Patton se lâche et le chanteur de Billy Talent ne lésinait pas avec les mots, quelle classe ! On ne compare en rien cette prestation avec les efforts studio du groupe, cela prend sur scène une toute autre dimension et gagne énormément en puissance. Aucun doute sur ce qu’écoutaient les chanteurs de Glassjaw ou System of a Down, on retrouve inconsciemment l’influence de Faith No More dans nombre d’enregistrements actuels. Tandis « Easy » ou « Evidence » incitent à inviter sa charmante voisine pour une danse, « Caffeine » rappel bien que Faith No More est un groupe de rock qui sait jouer lourd. J’aurais vraiment envie d’écrire d’élogieux compliments sur chaque chanson jouée par le groupe mais lorsqu’on en dénombre pas moins de 19 la tâche s’annoncerait difficile ! C’est « We Care a Lot » qui marque la sortie du groupe, grâce auquel on a l’impression, sans précédent pour le moment, d’avoir assisté à un grand moment de rock. Nous avons eu le droit à la reformation probablement la plus honnête de ces dernières années, conciliant une classe certaine avec un son ayant vieilli comme du bon vin de chez nous : woaouh !
Comme chaque soir la fin des hostilités est effectuée par un groupe electro et pas des moindres ce soir avec les parigos de Birdy Nam Nam. L’audience est à bloc avant même les premiers tours de vinyles, les français sont d’avance en terre conquise et livrent un bon set d’electro. On prend plus de plaisir à regarder la prestation, en même temps à quatre derrière leurs platines tout le monde peut trouver son bonheur. Ce n’est pas pour autant exceptionnel, on en attendait tellement – il serait difficile de ne jamais avoir entendu parler d’eux – qu’on est forcément déçu. Mais ça reste assurément correct.
Il est déjà l’heure de se retirer pour cette journée qui ne fait que monter l’excitation à l’idée d’y retourner le lendemain. Entre découvertes de qualité (Danananaykroyd) et grosses claques presque inattendues (Faith No More, Noisettes ou Calvin Harris), la journée était bien belle. L’épisode Oasis est bel et bien oublié et on s’en va essayer de gratter quelques heures de sommeil pour essayer d’avoir l’air présentable demain, car c’est tout de même Emily Haines et ses copains qui entrent en scène en début d’après midi !
