Pavement ✖︎ Zénith ✖︎ Paris

24 heures après s’être infligé le début du concert de Muse sur Myspace, voir Pavement débarquer sur scène est au choix d’un impressionnant misérabilisme ou d’un je-m’en-foutisme rafraichissant. Afin de mieux comprendre ce live-report et ne laisser aucune part au doute, c’est la deuxième option qui est ici de mise.

Retour en arrière. 19h, McDo fraichement ingurgité, se dirige vers le Zénith dont la grave architecture porte de Pantin laisse toujours pantois. L’auteur de cette chose s’est forcément suicidé peu après. Portes déjà ouvertes, tant mieux, ça évite à votre ami de plus en plus misanthrope d’avoir à se farcir les considérations clichés des files d’attente de concerts : le toujours très chic groupe de potes patientant avec le pack de Kro, les jolies filles qui font semblant de ne pas voir que vous les cherchez du regard (étrangement un concert multiplie toujours le taux d’hormones), le mec qui drague à coup d’anecdotes débiles et de fausse érudition sur un sujet que vous maitrisez évidemment mieux que lui (rien de pire que de prétendre maitriser un savoir qu’on ne connaît pas, big up à l’ami gay-friendly du concert de She&Him et son explication aussi hilarante que fausse du syndrome de Münchhausen par procuration) et l’inévitable mec qui l’air de rien parle fort des trente-six mille concerts qu’il a vu, des films qu’il kiffe et qui souvent sont les mêmes que les vôtres. Rien de tout ça ici, ouf.

Sans trop de surprises, la salle est quasiment vide. Si un groupe reformé comme les Pixies a connu un succès post-albums grandissant de par son influence sur la génération suivante, ce n’est pas le cas de Pavement qui reste une sorte de trésor indé bien caché. Un truc d’érudits indé geeko-branleurs. Pavement n’attire pas, n’impressionne pas, inutile d’espérer quoi que soit avec une jeunette en fac de lettres en dissertant sur « Wowee Zowee« . Ceci doit expliquer, alors que la salle se remplit très difficilement, que le public est à 90% masculin. Et dans ces 90%, votre ami presque trentenaire se sent très jeune : personne ici n’a moins de 25ans, même à Deep Purple ou Bob Dylan la moyenne d’âge est plus basse. Rapide coup d’œil autour de nous et l’évidence s’impose que nous ne sommes pas à un concert mais à un symposium de rock critics. Tous les Inrocks, Magic, Noise, Eldorado et Rock&Folk sont là. Tous sapés pareil. Tous les grosses lunettes, la barbe, les converse, la petite veste velour/coude en cuir. Deux discutent devant nous, hilarité obligatoire : ce sont les mêmes, mais s’en rendent-ils seulement comptent ?

Les deux rock-critics ont en tout cas dû piger que deux gugusses se foutaient allégrement de leur gueule si l’on tient compte de leurs regards furieux mais c’est heureusement là que débarque The National. Et l’ovation réservée aux potentiels nouveaux rois indé confirment ce qu’on pressentait, à savoir qu’un bonne partie du public est là pour la première partie. Les américains livrent un set carré, rigide comme le petit costume cintré du chanteur, très professionnel dans le style grande messe lyrique hérité d’Arcade Fire (ironie du sort lorsque durant le trajet votre chroniqueur préféré dissertait sur le mal que fait Arcade Fire à la scène indé actuelle). Le public est fou, hurle et danse, les nouveaux titres « Anyone’s ghost« , « England » ou « Terrible love » sonnent déjà comme des classiques et les extraits de « Boxer » enfoncent un clou déjà neuf pouces sous terre. Oui mais ça ne prend qu’à moitié. Trop de lyrisme tue le lyrisme surtout lorsque celui-ci est servi sur un plateau, l’émotion ne se répète pas, ne se travaille pas au sound-check et un groupe misérabiliste comme The National, s’il fait fondre la surface n’atteint jamais le cœur. Trop de poses indé à la Bloc Party achèveront de nous convaincre que nous ne sommes pas convaincus. Avis minoritaire compte tenu du triomphe offert par un Zénith désormais au 2/3 plein (les gens sont arrivés par groupe de 30, véridique !) après une heure de set, soit plus une co-affiche qu’une première partie.

Pendant les inévitables « one, tiiiiooooouuuu » des roadies, on jette un coup d’œil à l’éclairage qui est à mourir de rire. Une sorte de guirlande d’ampoules disposée n’importe comment et probablement achetée d’occaz à la commune d’Astoria après l’arbre de Noël 1987. Les lumières s’éteignent et débute une chanson à boire bien française, bretonne dans l’âme. Frissons : est-ce que Manau va débarquer ? 2 minutes de rires et entrée sur scène Pavement. L’allure est magnifique. Cinq quarantenaires plus branleurs tu meurs, à droite Scott ‘Spiral Stairs’ Kannberg porte son traditionnel béret, Mark Ibold au centre a un peu forci mais n’a rien gagné en charisme et à gauche la grande asperge de Stephen Malkmus offre un spectacle vestimentaire totalement désuet fait d’un T-Shirt XXS et d’une chemise de bucheron XXL. Et ce soir la musique est en accord avec le vêtement. Les mecs de The National portaient des petits costumes serrés chicos frimeurs pour des chansons rigides, Pavement porte d’amples loques en adéquation avec la souplesse de leur musique. « Welcome back to 1992 » dira à plusieurs reprises Kannberg, tu l’as dit mon pote. Et « Silence Kit« . Dès les premières notes on devine plus la chanson qu’autre chose, soit le cafouilleux de la sono cafouille, soit Pavement n’a pas jugé bon de faire une balance digne de ce nom. Le son s’arrangera après deux titres (sans toutefois est être parfait, l’option très noisy des guitares et les voix en arrière n’arrangeant rien) juste au bon moment pour « Stereo« , ou du grunge joué par le Beck de 1995. Attitude de branleur géniale, Stephen Malkmus s’y reprend à trois fois pour lancer « Shady Lane » et là, pour la première fois mais sûrement pas la dernière de la soirée, on se dira que le bonheur est à Paris et s’appelle Pavement. Le groupe ne fait rien pour arrondir les angles et triture d’une manière assez sensationnelle « Fight this generation« , un des malheureusement trop rares extraits de « Wowee Zowee » (superbes « Grounded » et « Kennel District« ). Les ricains puisent beaucoup dans « Slanted & Enchanted » et dans « Crooked Rain Crooked Rain » (le point de départ idéal pour s’initier). De ce dernier, on retiendra le céleste « Gold Soundz » et le moqueur « Range life » et sa blague anti Smashing Pumpkins qui n’a finalement pas pris une ride. On repense à ce que répondait Corgan à l’époque : personne ne se réveille en chantonnant une chanson de Pavement. Sur ce coup-là, tu as tout faux Billy car lorsque Malkmus et sa clique lancent « Stop breathin’« , impossible de ne pas se dire qu’une si belle chanson tout en lévitation est trop rare, trop précieuse pour ne pas imprégner ad-vidam eternam tous les cerveaux la découvrant. On en vient même à presque regretter que le groupe ne fasse pas tout le concert sur ses fantastiques mid-tempos. Les extraits du premier album donnent eux lieu aux moments les plus noisy de la soirée, toujours annoncés avec un charisme débordant « yeah Here », « yeah Summer babe ». Conclusion du set principal avec le rigolo « Cut your hair« , le Zénith exulte « NO BIG HAIR », nous sommes entre gens civilisés que diable, et l’attitude est encore une fois fantastique : seule la musique compte, pas de « this is the last song », pas de « all together now », pas de refrains rallongés, pas de « tapons dans les mains ». La chanson et c’est tout, elle est assez bonne pour ça. Ils auraient pu la jouer en septième position, c’eut été pareil.

Deux rappels. Visiblement le couvre-feu approche ou Malkmus est pressé d’en finir car le deuxième semble un peu court « Conduit for sale ! » et basta. La guirlande s’éteint, les lumières s’allument. Pour la première fois, l’impression est sans équivoque, aussi éphémère que peut être cette réunion nous venons de voir Pavement. Pas Pavement reformé comme on a pu voir Iggy & the Stooges pour palier le désert créatif d’Iggy Pop,pas les Pixies remplissant les comptes en banque ni Billy Corgan & The Smashing Pumpkins. Non Pavement, rien de nostalgique là-dedans car ces chansons là sont d’une qualité d’écriture tellement supérieure au marasme des années 90 qu’on les écoute autant qu’hier, font autant partie de la BO de la vie en 2010 qu’en 97. Elles ne vieillissent pas. Ce qui ne semble pas être le cas du public, les réactions semblent mitigées et beaucoup (mais pas trop quand même) se plaignent d’un groupe sans étincelle écrasé par la prestation lyrique de The National. Les gens aimant la musique en tant que telle et non comme object defining coolness n’ont eux aucun doute : Pavement a tout, l’attitude, les chansons, les albums. Triste de se dire qu’il ne manque que le succès, même s’ils étaient habillés pour.

Silence kit
In the mouth of the desert
Stereo
Frontwards
Father to a sister of thought
Two states
Shady lane
No life singed here
Gold soundz
Grounded
Perfume V
Kennel District
Fight this generation
Range life
Spit on a stranger
Trigger cut
Starlings of the slipstream
Unfair
Summer babe
Stop breathin’
Cut your hair

Box elder
Date with Ikea
Elevate me later
Here

Conduit for sale!