Jamais deux sans trois. Après avoir annulé leurs deux précédents concerts parisiens, on était en droit de se demander si les Glassjaw allaient honorer cette date au Nouveau Casino. Apparemment, cette fois-ci, c’est la bonne. Aux alentours de 17 heures, c’est en déambulant devant la salle que j’entends les new-yorkais faire leurs balances. Un peu plus loin rue Oberkampf, Matthew d’Admiral’s Arms confirme : il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour ce soir. C’est donc avec joie et sérénité que j’attends un [team]hilikkus[/team] en retard (il aime se faire désirer, le doux salaud) pour engloutir moult fluides et interviewer Admiral’s Arms, justement – l’interview sera bientôt publiée (avec tous les détails, et tout et tout) et bordel, qu’est-ce que ces gais lurons sont tarés. Une fois l’entretien effectué, [team]hilikkus[/team] et moi-même retournons au bar pour un cocktail tout à fait désaltérant et, après m’avoir passé à tabac car je n’ai toujours pas mis en ligne le live-report du Garorock, le Dark Knight de Visual me laisse devant le Nouveau Caz’, préférant rentrer chez lui pour préparer ses vacances au soleil. Enfoiré de capitaliste.
C’est donc seul que j’entre dans le bâtiment voisin du café-restaurant Charbon (à la typographie ithyphallique), que je retire mon accréditation (où l’on se demande si [team]Marku[/team] est mon vrai prénom) et que j’accède à la salle (déjà bien remplie). Petite anecdote, c’est Daryl Palumbo himself qui me tient la porte – visiblement, on sait recevoir les journaleux de VisualMusic. Niveau dégaine, ceux qui sont restés bloqués aux photos promos de 2002 peuvent avoir une attaque. Chemise XS, jean slim, coupe à la Paul Weller : la Palombe fait dans le Notorious F.A.G. (© [team]hilikkus[/team]). Posté à ses côtés, Justin Beck (guitare) ressemble à un Sefyu palot et sémite. Sinon, sur scène, il se passe déjà quelque chose. Admiral’s Arms demande au public de vigoureusement taper dans ses mains, ce qu’il fait, et « Ideal Means Nothing » repart de plus belle. Les cinq (quasi-)français se démènent comme des beaux diables, occupent la scène avec hargne et frénésie et ne se démontent pas face à quelques problèmes techniques. Malgré un son brouillon, on reçoit bien leurs massives attaques sonores (mention spéciale à une nouvelle composition über-martiale) et, bien que le public ne soit évidemment pas acquis à leur cause, les réactions semblent plutôt positives, une brouette de têtes s’agitent et quelques tough guys s’adonnent au plaisir du pogo – et il faut dire qu’au son hardcore déglingué du groupe, on s’y prête plutôt bien. Notons tout de même une présence beaucoup plus marquée des nuances dans la musique du groupe, à l’image de l’intro de « The Path« , sorte de post-rock brumeux à mille lieux de leur habituel metal teigneux. Après des salutations discrètes, les amiraux fisteurs quitte les planches et pour moi, y’a pas de doute : musicalement parlant, ils ne sont pas là pour déconner. Comme dirait Abd al Malik : « Ca, c’est du lourd ».
Les techniciens changent le plateau et, pendant ce temps-là, [team]Bjorn[/team] me retrouve dans la fosse désormais compacte – le concert est sold-out. A peine avons-nous eu le temps de se caresser et de commander un Jack Daniel’s que Glassjaw s’installe tranquillement, sans arme, ni haine, ni violence (idéal pour que je gueule un « Wesh Vikash » absolument snobé par l’assistance) et débute son show avec un nouveau titre au mieux lymphatique, au pire mielleux. Une chute studio de « Popaganda« , peut-être. Heureusement, le destructeur « (You Think You’re) John Fucking Lennon » retentit dans la foulée et Daryl Palumbo prouve que sa fougue ne s’est pas éteinte avec Head Automatica ; officiellement unrealesed, le titre est pourtant repris à tue-tête par le public, merci YouTube. Deux pépites de « Worship & Tribute« , « Tip Your Bartender » et « Mu Empire« , s’enchainent alors, laissant exploser l’über-enthousiasme des fans, dont le mec bourré à ma droite qui m’a copieusement arrosé avec son vodka-Red Bull. Petite accalmie avec, entre autres, la douce « Ape Dos Mil » : l’occasion pour [team]Bjorn[/team] et moi de se ravitailler en bière et d’inspecter Charlotte, la tigresse d’AqME, sensuellement avachie sur les escaliers de la mezzanine. Scoop : on a vu la guest list avec [team]hilikkus[/team], et la belle a gagné sa place via un concours organisé par… Rock One. Les temps changent, les références aussi. Urgente et écorchée, « Pretty Lush » est exécuté avec brio, l’assistance interprétant toujours avec entrain les lignes de chant. Sur les planches, la présence scénique du quatuor (oui, ils ne sont plus que quatre) est contrastée : les musiciens, concentrés, restent plutôt statiques, mais vu les riffs alambiqués de Beck et la virtuosité de Manuel Carrero (basse), on ne leur en veut pas trop – par contre, Durijah Lang (batterie) n’est pas vraiment la mule espérée ; quant à Daryl « Vikash Dhorasoo » Palumbo, survolté, il impressionne par ses alternances de gémissements de vierge effarouchée, de mélopées divines et d’hurlements bovins. « All Good Junkies Go To Heaven » ne présage que du bon pour les futures livraisons du groupe (si elles sortent…), mixant riffs stridents, basse turbo-profonde, batterie Tool-ienne et putasseries vocales. On a droit à un morceau de l’inaperçu EP « El Mark » (le titre éponyme, magistral), on reprend une bière (mais pas plus, ça serait con d’être bourré pour Glassjaw vu qu’ils vont encore mettre huit ans pour passer dans le coin ; ce ne sont pas de vulgaires Motörhead, quoi) et « Siberian Kiss« , la sérénissime « Siberian Kiss« , résonne dans les enceintes du Nouveau Casino où même les plus prudes n’ont plus d’excuse pour ne pas au moins lever les bras. « Babe » fait figure de cumshot salasse et diabolique. Une fois la dixième plage de « Everything You Ever Wanted to Know About Silence » assénée, les new-yorkais se cassent de la scène et n’effectuent aucun rappel malgré les cris désespérés d’une grande partie de la populace, du kid de la génération Rock One au trentenaire de la génération Napster. On ressort de la salle le torse bombé, avec le sentiment d’avoir vécu quelque chose de fort que la plupart des fans de rock ne connaitront pas : franchement, est-ce que quelqu’un pense vraiment qu’ils rejoueront un jour en France ?
Merci à Only Talent Productions et tendre salut aux Admiral’s Arms, à Aurélie et Pierre de Bring the Noise et, bien sûr, à mes camarades chéris [team]hilikkus[/team] (et sa légendaire fougue punk) et [team]Bjorn[/team] (qui a su me montrer les charmants aspects de Paris).
Setlist
« Wolfegg«
« (You Think You’re) John Fucking Lennon«
« Tip Your Bartender«
« Mu Empire«
« Star Above My Bed«
« Ape Dos Mil«
« The Gillette Cavalcade of Sports«
« Stuck Pig«
« Pretty Lush«
« Lovebites and Razorlines«
« Pink Roses«
« Jesus Glue«
« Natural Born Farmer«
« All Good Junkies Go to Heaven«
« El Mark«
« Convectuoso«
« Two Tabs of Mescaline«
« Siberian Kiss«
« Babe«
