Après avoir eu la chance de réaliser mon rêve d’enfant qui ne vivait que pour le skate et le pop-punk l’été dernier en couvrant le Vans Warped Tour, l’heure est venue de passer aux choses sérieuses. Il est le temps d’assouvir mes besoins de jeune adulte, et d’aller cette fois-ci du côté des terres flamande. Le Groezrock anéanti tous les autres festivals cette année en matière d’affiche alternative. A coup de grands retours avec les Descendents, de surprise avec la présence de Thursday les deux jours ou de grands classiques comme NOFX et H2O, c’est le grand rendez-vous de 2011, et vous vous doutez bien qu’on n’allait pas passer à côté d’une si belle occasion d’aller vendre du rêve à de jolies hollandaises !
Ne pouvant pas nous y déplacer le vendredi c’est samedi à 05h00 du matin que les choses commencent, on prend le volant après avoir abusé du café pour un voyage hautement sponsorisé par Monster Energy Drinks. Arrivée sur le site vers 11h00 et après m’être fait fouillé bien plus que nécessaire (le clin d’œil par ce grand vigile serait un signe ?), première constatation : c’est énorme. Une copilote anglaise va même jusqu’à me dire que cela lui fait penser à Leeds, et nous sommes en effet loin de l’image du petit festival punk-rock belge. On retrouve un premier chapiteau (maïne staïge) démesuré, la scène est très haute et un écran géant vient aider l’expérience des festivaliers. La scène Eastpak fait office de deuxième chapiteau, lui aussi particulièrement grand, les planches sont probablement aussi hautes même si on n’entasse pas autant de jeunes garçons dedans. Juste en face se trouve la scène Etnies, dont la configuration diffère rien que part l’absence de barrière, c’est donc ici que les choses sérieuses se passent et qu’on s’arrête pour commencer la journée.
Festival oblige, la ponctualité rythme cette journée et il est 12h15 tout pile lorsque les Cruel Hand investissent la scène. Bandana en place et veste encore enfilée le frontman balance un hardcore super lourd et fédérateur. Les stages divings se font tranquillement, on découvrira vite qu’à voir le nombre et la diversité des plongeons de hardcore kids de la scène dans le public qu’il y a une option piscine de mise en place au festival cette année. Bonne surprise pour ce début de journée, de la musique qui tabasse par un groupe au guitariste ayant assez de confiance pour porter une chemise avec des têtes de loup en motif.
Direction la grande scène pour continuer avec le sourire cette très belle journée (soleil + 25°) avec les skankeurs de Streetlight Manifesto. Référence absolue du punk-rock cuivré de ces dernières années, Tomas Kalnoky et ses copains assurent comme s’il n’était pas à peine moins de 13h. On a autant envie de danser que de courir que de chanter, la relève de Catch 22 sait ce qu’elle fait et le fait parfaitement. J’ai beau avoir un problème certain avec le ska, Streetlight me donne une nouvelle fois des étoiles dans les yeux, j’en veux encore et ne peux m’empêcher de retourner avec le sourire du côté de la scène Etnies.
Grave Maker lâche les décibels à partir de 13h15 pour du hardcore lourd et ultra efficace, ça cogne sec. Les fans de Guns Up!, Trapped Under Ice ou Down To Nothing en ont pour le déplacement. Autant dire qu’ils méritent de continuer leur route en compagnie de The Ghost Inside et Comeback Kid sur la tournée Through The Noise.
Passage éclair en face sur la scène Eastpak pour Asking Alexandria. Soyons honnête, c’est plus tolérable que ce que j’imaginais, et en plus ça ramène pleins de jeunes filles totalement possédées par ces mannequins L’Oréal mais n’exagérons rien, le metalcore anglais à coup de breakdown on en mange déjà assez tout le reste de l’année au Batofar. Allons plutôt voir ce qui se déroule du côté de l’espace presse, j’ai rendez-vous.
(et là en cliquant juste ici vous pouvez lire mes aventures avec Geoff Rickly, chanteur de Thursday où nous parlons de musique, de Full Collapse, de hardcore, de petits boulots et même de groupes français trop hardcore pour tourner avec eux)
Tout chamboulé après ce moment passé avec monsieur Thursday, passage du côté de la grande scène pour Sugarcult. J’ai toujours eu l’image du groupe qui ouvre pour Blink 182 en 2004 et me retrouve très agréablement surpris par leur passage. On connait finalement bien plus d’un titre, et cela reste plutôt honnête sur scène. On n’est pas devant Story of The Year mais cela joue et chante bien malgré un guitariste qui agit comme s’il était devant un stade. On n’y reste pas pour tout le set mais c’était une première pause pop-punk pas désagréable.
Transition du côté de la scène Eastpak pour la venue des hooligans de Boston, ces punks à chien de Street Dogs. Le son est cette fois bien plus difficile à supporter que lors du reste du festival. Non pas qu’il soit particulièrement bon en général, il ne met pas du tout en valeur les riffs pourtant efficaces du groupe. On passe néanmoins un bon moment à apprécier Mike McColgan mettre une ambiance certaine, avec une bande qui semble plutôt sincère.
On bouge vers la grande scène pour voir ce que donne Goldfinger en 2011. Pour être totalement honnête, Goldfinger s’arrête pour moi avec Hangs-Ups, 1997. C’est le groupe qui a fait une chanson de ska-punk géniale et qui s’appelle en plus « Superman« . Autant dire que j’ai bien mérité l’énorme claque que m’offre gracieusement John Feldmann. Le bonhomme de plus de 43 ans a une forme incroyable, et saute partout, et bien plus que les groupes qui peuvent dépasser à peine la majorité. La voix n’a elle aussi rien perdu. Gros show à l’américaine par un groupe qui montre très clairement ce que représentent plus de 15 ans de scène. Mes hommages.
Retour sur la scène des sacs à dos pour Comeback Kid. Gros riffs lâchés, « We are Comeback Kid from Canada » lancé par Andrew et les premiers notes de “Broadcasting” sont envoyées. Les lignes de voix sont aisément reprises par le public, et on regrette clairement que le groupe ait à jouer sur une scène défavorisant autant la participation des fans, mais à voir ce chapiteau rempli comme jamais jusqu’à présent, on imagine bien qu’il aurait été suicidaire d’organiser les choses autrement. Malgré une basse qui a rapidement lâché, le groupe prouve une nouvelle fois pendant ces quelques chansons qu’ils n’arrêtent pas de gagner en puissance. L’efficacité des compositions de Comeback Kid n’est pas à revoir, et le groupe s’affirme très clairement comme la référence actuelle de punk-hardcore, et ce malgré une discographie qui perd en spontanéité à mon humble avis. L’ancienne bande de Scott Wade met tout un festival d’accord, inutile de débattre d’avantage là-dessus, et mes photos totalement ratées peuvent en témoigner. Chanter et shooter en même temps : cela ne fonctionne pas.
Ceux qui pourront avoir une bonne raison de ne pas adorer Comeback Kid sont bien les messieurs de Thursday. Attendus à 17h05 sur la main stage, on n’est pas bien nombreux devant. La bande de Geoff Rickly affiche une aisance communicative en arrivant en scène, leur concert de la veille y jouant probablement pour beaucoup. Ils sont ici pour nous présenter leur nouvel album, No Devolucion, et entrent directement en matière avec “Fast To The End”, ouverture de ce nouvel enregistrement. C’est une façon totalement différente d’appréhender Thursday tant ces nouvelles chansons poussent plus à être vécues personnellement plutôt qu’en se jetant sur le bonhomme d’à côté. Le son est bon, le groupe est décontracté et ne donne pas dans le spectacle. Une fois les chansons du nouvel opus présentées le groupe nous lâche quelques classiques issus notamment de War All The Time. La présence de la bande du New Jersey a clairement joué en ma venue au festival cette année, et j’ai réellement apprécié leur prestation du jour, trouvant leurs dernières compositions particulièrement réussies. Dommage de ne pas avoir vu une foule perdre le contrôle devant quelques hits de Full Collapse, mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même (le groupe ayant joué cet album dans son intégralité le soir précédent).
A peine le groupe quitte la scène que Snapcase investit la Eastpak. Difficile de parler d’un groupe comme celui-ci sans l’avoir connu à sa grande époque. L’auditeur de base que je suis reconnaît cependant quelques chansons, bien exécutées sans donner dans la folie visuelle pour autant.
Je cours plutôt en face où le hardcore teinté metal de The Ghost Inside arrive à la fin de son set et on découvrir réellement pour la première fois toute la magie de cette Etnies Stage. C’est n’importe quoi, la scène appartient autant au groupe qu’au public souhaitant participer, sans pour autant voir aucun problème. Les vigiles se font très discrets, et leur travail est vraiment à souligner tant les slammeurs et autres mosheurs sont bien traité tout au long du festival. The Ghost Inside est un groupe déjà très bon dans des conditions de concerts “normales”, et là leur spontanéité accouplée avec l’excitation très visible de ceux présents donne un résultat explosif. Une fois le discours pour introduire “Faith Or Forgiveness” achevé, le cirque du soleil constitué de kids à casquette prend place sur scène pour retourner faire des plats ou des saltos dans l’océan humain. La scène est rapidement envahie, le groupe termine son set derrière le batteur, et The Ghost Inside marque clairement tous ceux qui sont venus assister à leur prestation.
Mon téléphone n’arrête pas de vibrer, le très sympathique Thomas des relations presse m’invite à le retrouver dans l’espace dédié où je suis invité à poser des questions à un vieux monsieur.
(et d’ici mi-juin en cliquant ici il sera possible de lire une interview avec Karl Alvarez, le bassiste des légendes de Descendents)
Ce moment passé avec ce prof d’histoire du punk/hardcore m’a quelque peu donné la plus grosse claque à laquelle j’ai eu le droit pendant ces quelques années à écrire sur différents webzines. C’est bien grâce à des messieurs comme Karl Alvarez qu’on comprend pourquoi on passe autant de temps à soutenir et promouvoir la scène musicale qui nous touche.
Ajoutons à cela le grand retour de Boy Sets Fire et ce début de soirée est officiellement parfait. Les américains tout juste reformés ont visiblement bien profité de cette pause à voir leur forme surprenante dès leur arrivée sur les planches et la scène principale. Nathan est méconnaissable contrairement à leur dernière date française au Glazart devant 30-40 personnes où le monsieur semblait avoir abusé de farine dans l’après-midi. Les hits s’enchainent, que ce soit les chansons plus énervées de After The Eulogy à celles plus barrées de The Misery Index. On arrive à l’incroyable “Handful of Redemption” qu’il est l’heure pour moi de bouger presque à contre coeur vers la scène la plus obscure du festival, mais là on ne parle plus de musique mais de sentiments.
Les copains d’Admiral’s Arms sont en finale du tremplin organisé par Macbeth avec sa concept-stage de 2m². Je profite du passage d’Attack Attack (la version pop-rock anglaise et non la blague crab-core américaine) pour aller acheter des cds sur les nombreuses distros présentes et assurer le trajet du retour. Admiral’s Arms monte en scène et balance les décibels, dont l’incroyable « Exposure ». Ce samedi manquant clairement de post-hardcore les parisiens comblent aisément ce vide. Matthew (basse) finit le concert au milieu de la foule entre les français déplacés à cette occasion et quelques étrangers de passage visiblement impressionnés par la prestation.
A peine le temps de souffler qu’il faut se rapprocher de la scène principale pour assister au très attendu retour des légendes de Descendents. Les papas entrent directement dans le vif du sujet en nous jouant… Descendents ! Les plus jeunes découvrent, les autres chantent, l’ambiance est particulièrement sympathique. La chanson est suivie de Hope, qui n’a pris aucun coup de vieux contrairement aux musiciens dont même les crèmes Nivea à 30 € ne pourraient cacher les rides. Ce live est à l’image de ce que nous propose le groupe depuis plus de 30 ans, la vision la plus positive du punk-rock. La setlist pioche très aisément entre les chansons très épurées de leurs débuts et les riffs plus mélodiques issus du dernier album “Cool To Be You”. Milo a la voix identique à celle que nous connaissons sur les albums, et le groupe nous donne juste une grosse leçon de punk-rock, autant au niveau de l’attitude que du son qui n’a absolument pas vieilli. L’occasion unique de voir dans des conditions optimales ceux grâces à qui des grosses machines comme Blink 182 ou Green Day ont vu le jour, et dont les tournées semblent de plus en plus compliquées à mettre en place à voir le concert de la semaine suivante annulé à Londres, Milo ayant perdu sa voix. Le groupe nous quitte après pas moins de 22 titres avec “I’m Not a Loser”, avec une prestation très difficilement critiquable.
A ce moment même débute la pop mielleuse de Saves The Day sur la scène Eastpak. Pourtant amateur du groupe sur cd leur prestation passe difficilement, le chanteur ayant peut être une voix encore plus pop que sur les enregistrements. Ou peut-être qu’il sourit trop, ou qu’il semble trop sorti d’un teen-movie américain, ou tout simplement que je n’arrive pas à me poser pour un concert aussi calme à cet instant de la journée. J’apprécie donc de loin, et regrette un petit peu de manquer CIV qui jouent en même temps sur la Etnies.
Je me ruine rapidement au bar en bouteilles d’eau de 25cl (le Groezrock est plus efficace que Home niveau prévention de l’importance et du luxe de boire de l’eau) et me rapproche de la grande scène où Boston sera bientôt à l’honneur.
Référence absolue de groupe punk festif, les Dropkick Murphy’s font évidemment partie des artistes les plus attendus de ce deuxième jour de Groezrock. N’ayant tout simplement pas écouté leur dernier l’album difficile d’entrer dans leur set ouvert par la chanson ouvrant ce dernier opus. Tout va mieux avec l’enchainement avec “The Fighting 69th” et la très fédératrice “Barroom Hero” où le groupe se voit rejoint par le frontman de Street Dogs, qui n’est autre que le chanteur d’origine de DKM. Les messieurs de Boston maîtrisent assez parfaitement l’occupation d’une scène aussi démente, et on ne doute pas une seconde du reste de leur performance, les ayant déjà fortement apprécié à plus d’une reprise. Cependant H2O commence juste après sur la scène Etnies, et je me laisse cette fois tenté par le groupe que je ne connais que trop peu.
Autant dire que ce soir, j’ai pris la meilleure décision de ces vingt premières années de ma vie. Je n’arrive pas à expliquer pourquoi je n’arrivais pas à accrocher aux albums de la bande de chimistes tant je me suis pris une leçon monumentale ce soir au Groezrock. Premier objectif, atteindre la scène pour pouvoir prendre des photos, parcours du combattant tant le public est compressé, je grimpe donc tel un déménageur de l’extrême en balançant mon matériel sur scène avant de sauter à mon tour (sous les applaudissements du public). Difficile de décrire l’heure qui a suivie. Imaginez déjà la tente Etnies totalement blindée, certains montent sur les pilonnes pour voir tandis que la foule dépasse sans souci l’espace du chapiteau. Sur scène, même scénario, quasiment tous les groupes présents sur le festival sont sur le côté à reprendre les mots de Toby Morse. On oublie tous les concerts de punk-rock que l’on a pu voir avant devant la perfection à laquelle on assiste ce soir. Celui qui veut chanter monte sur scène et chope le micro avant de faire une acrobatie dans le public. Le discours du groupe est très positif, la “Positive Mental Attitude”, et la volonté du frontman de montrer qu’il a toujours été straight edge et se porte très bien. Les américains se voient rejoints sur scène par le chanteur et le bassiste de Madball pour reprendre Are You Ready du all star band Hazen Street. L’ambiance est sincèrement indescriptible, on appartient tous à un ensemble atomique, on a ce soir la démonstration de ce qu’est réellement le punk-rock, de la communion entre les fans et les groupes sur une scène où tout le monde a son importance. Le concert gagne en puissance jusqu’à ce que commence la ligne de basse de What Happenned, à partir de ce moment il n’y a absolument plus aucun contrôle. Le public envahit totalement les planches, difficile de retrouver les membres du groupe dans cette foule, qui se réfugient finalement sur la batterie pour finir la chanson. Le guitariste de Cruel Hand devient totalement fou et se paye le luxe de slammer sur la fouler déjà sur scène, rien que ça.
On a sincèrement l’impression d’avoir vécu un de ces grands moments, auxquels seront comparés les futurs concerts du genre. H2O a réussi à mettre d’accord quiconque ayant seulement pris la peine de les apercevoir ce soir, et donné une prestation à la hauteur de leur image et de leur message critique de l’évolution du punk-rock. Si un tatoueur exerçait sous une tente décathlon ce soir, pas impossible que sois reparti chez moi avec un beau H2O sur le front.
Direction la main stage pour la dernière épreuve de la journée, et autant dire que les NOFX semblent beaucoup plus en forme que moi. Fat Mike et ses acolytes arrivent assez atteins sur scène, le regard du gros Mike est simplement vide. Il nous explique rapidement qu’il a pris une petite pilule avant de monter, et à voir comment il vit chaque gorgée de son énorme gobelet, on peut affirmer sans risque que sa vodka n’est pas diluée. C’est donc un NOFX comme on l’aime qui lâche les notes de “Dinosaurs Will Die”, et nous impressionne une nouvelle fois à pouvoir jouer aussi bien dans un état aussi attaqué. C’est moi qui lâche rapidement le fil du concert, le seuil final de fatigue étant atteint après avoir photographié les trois premières chansons.
Je finis le concert dans le bar presse où au détour de quelques rencontres je me retrouve à chanter « Franco-Un-American » avec les musiciens de While She Sleeps dont le taux d’alcoolémie semble assez intéressant. C’est aussi tout le charme de ce festival, où un certain esprit punk-rock est parfaitement préservé, où on peut voir le chanteur de Thursday aller prendre un verre avec celui d’Every Time I Die. Comme à son habitude NOFX termine son set avec une sorte de final digne d’un spectacle de fin d’année d’une classe de CP, pendant que les festivaliers quittent petit à petit l’enceinte du Groezrock.
Arrivée chez moi à 9h après un retour plutôt éprouvant, où la Monster devient très très difficile à avaler et lors duquel les sandwichs triangle de la station-service sont dégustées avec autant de passion qu’un repas au Fouquet. Je ne sens autant plus mes jambes que la fatigue, et ne pense plus qu’à y retourner l’année prochaine. Le Groezrock a très clairement confirmé son rôle d’événement punk-rock majeur en Europe, et a fêté ce week end son vingtième anniversaire de la plus belle des manières, et avec une certaine sincérité qui m’avait cruellement manqué dans la musique.
Merci, le retour à la réalité parisienne a rarement été aussi éprouvant.
