Visual se la joue globe-trotter et vous propose non pas un mais 3 reports pour la tournée desSmashing Pumpkins : Lopocomar à Lille, Kromagnon à Barcelone et Theghostchild à Paris.
Le 4 Juillet au Zénith de Lille
17 ans après « Mellon Collie » et sous une nouvelle formation, le despote Billy Corgan nous honore de sa présence au cours d’une tournée mondiale commencée l’année dernière. « Oceania » avait ramassé un accueil critique plutôt bon et les derniers échos live laissaient entendre que notre ami chauve n’avait pas été aussi impliqué depuis la fin des 90’s. Succédant à une première partie rapide comme l’éclair et fantomatique, les Smashing installent une pyramide d’écrans et 2 triangles de lumières de chaque côté de la scène afin de nous en mettre plein la face. Et c’est chose faite dès les premières secondes grâce à un light show ingénieux à rendre la planète épileptique. Le génie qui a inventé cette histoire n’a jamais du se mettre en fosse, vu le degré d’aveuglément de la chose. Les débuts ne sont pas des plus convaincants avec 2 premiers morceaux bien exécutés mais accompagnés d’un son noyé sous les effets. Heureusement avec le temps, on se laisse apprivoiser par un show maîtrisé et des lumières moins agressives. Les classiques font leurs apparitions, sporadiquement, laissant la part belle à « Oceania » et « Zeitgeist » dans la première partie. Une setlist longue et surprenante, à l’instar de ce « Bullet with Butterfly Wings » qui débarque comme si de rien n’était. Billy est vraiment bon au chant et il compense son côté statique par une envie de bien faire et le résultat est là. Sauf sur « Ava Adore », torchée comme jamais lors du quart d’heure conventionnel où 3 morceaux de cette époque ont été joués à l’affilée.
Pour la revue d’effectif, le line-up s’en sort relativement bien pour la partie musicale. La jeune bassiste fait dans la minauderie aggravée avec des chœurs féminins bateaux et un jeu d’épaules tout en poses. Le guitariste était tellement amoureux de ses solos qu’il a du nous adresser 2 regards en 2h30. Il reste le batteur, survolté, tabassant ses fûts sans relâche à tel point qu’il donnait le sentiment de toujours taper 3 fois supplémentaires juste au cas où. Malgré une chemise boutonnée jusqu’en haut pas très rock’n’roll, le monsieur remplit la lourde tache de succéder à Jimmy Chamberlain.
Fan du groupe, « Gish » et « Siamese Dreams » ne sont pourtant pas mes albums préférés. Ce sont pourtant ceux qui seront mis en avant lors des rappels avec « I Am One », « Cherub Rock », « Siva ». Bien des occasions de ressortir la DeLorean et de nous propulser directement à une époque où Billy avait des cheveux et nous des cartables sur le dos. Dans une foule à 90 % masculine, les Smash n’auront eu aucun mal à motiver son public au grès de tubes attendus et acclamés. Malgré des périodes de flottements avec des ponts à rallonges, le concert était agréable et généreux. Le groupe, muet pendant le show, a pris le temps de saluer le public plusieurs fois avant de partir et Billy Corgan de repartir toujours vêtu de son t-shirt au-dessus de son maillot à manches longues comme en 1997. La police de la mode ne l’a pas arrêté, tout comme celle de la haute déf’ n’a pas sanctionné le bonhomme à ma droite qui a filmé l’intégralité du concert à bout de bras avec son BlackBerry.
Entre tradition et modernité, voir les Smashing Pumpkins en 2013, c’est différent mais les frissons procurés valaient le déplacement.
Le 27 Juin à Barcelone au Razzmatazz
C’est au rythme placide de vacanciers et avec un quart d’heure de retard que TGC et moi arrivons au Razzmatazz de Barcelone. À notre grande surprise le set des Smashing Pumpkins est déjà lancé plein pot devant une salle comble, hypnotisée par le spectacle. Merde. Pas de « Quasar », de « Panopticon » et de « Rocket » pour nous: le groupe a inopinément décidé de commencer à jouer 45 minutes plus tôt que prévu. Nous voilà temporairement condamnés à une place de second choix, gênés par les colonnes de la mezzanine. Qu’importe, le Razzmatazz reste un lieu aux dimensions assez intimes et la belle reprise de « Space Oddity » excite déjà les sens. Il n’en faut pas plus pour décider d’avancer sans attendre vers un coin plus digne des hauts émissaires visualiens que nous sommes, c’est-à-dire plus près de la scène mais pas trop loin du bar. Il fait chaud là-dedans. « XYU », « Disarm » et « Tonight, Tonight », rien que ça, provoquent une immersion intense et instantanée dans l’illustre répertoire des Pumpkins. Sur cette tournée, le but est visiblement de retrouver des sensations perdues et non de surprendre: Billy Corgan semble heureux de revisiter sa discographie telle qu’elle est perçue par le grand public, sans complexe ou concept particulier, sans peur de la nostalgie et avec ce qu’il faut de tubes imparables sous le bras. Parfait pour les dilettantes dans mon genre, tout aussi appréciable pour les vieux fans endurcis comme TGC. Nouvelle formation ou pas, plusieurs de ces chansons sont désormais des classiques avec tout ce que cela véhicule et le groupe l’assume pleinement, conscient d’être à la fois une réincarnation discutée et une évolution plus qu’honorable, un groupe ultra-compétent mais pas figé pour autant. C’est certainement prometteur en tout cas, à part pour les irrécupérables puristes qui, en théorie, ne sont pas là ce soir. Mon œil, tiens. De plus, Nicole Fiorentino a vraiment de jolies jambes et ce n’est pas tous les soirs qu’on zieute autant les lignes de basse ou aux alentours. L’harmonie collective laisse bien peu de place au cynisme et « Today » achèvera la soirée dans une belle communion passé-présent, les jeunes recrues sortant ovationnées tandis qu’un pumpkin en chef décontracté et tout sourire s’attarde seul avec les fans des premiers rangs. On le sait et Corgan le sait aussi, les innombrables groupes inspirés par la vague alternative des années 90 n’ont pour la plupart pas su se hisser à la hauteur des originaux. Le grand chauve quarantenaire à la brioche naissante passe la soirée à ridiculiser tranquillement tous ses suiveurs et pseudo-héritiers en place publique. Chaque pont adroitement maitrisé, chaque solo sorti de derrière les fagots transpire la classe, jusque dans la subversive tension adolescente qui se dégage encore des titres les plus anciens. Billy fucking Corgan. Le riff tranchant de « Zero » et la pop passionnelle de « Ava Adore » provoquent inévitablement davantage de cris et de remous que l’élégance posée de « Pale Horse » mais l’ensemble est équilibré, estampillé sans colorant et autres édulcorants, toujours authentique. En tendant bien l’oreille on pourrait même dire que c’est dans les reliefs de « Pinwheels » et « Oceania » que le charme du nouveau line-up opère le plus, de façon insidieuse, avec une entente déjà bien en place qui pourrait porter de beaux fruits dans les temps qui viennent. Du coup on a soif et on commet la deuxième erreur du jour: être en attente au bar pendant le rare « Blank Page », sa délicate mélodie à moitié couverte par les bavardages des alcoolos de service (le mec devant moi commande la bagatelle de cinq bières, trois vodka-tonics et un bacardi-cola, faisant ainsi naître des envies de fist). Cela n’empêche pas Corgan de finement remercier les catalans (« Speak catalan », dit-il à son guitariste) venus rendre hommage aux Smashing Pumpkins le même soir que la rencontre Espagne-Italie de la Coupe des Confédérations, match soldé peu après le concert par une navrante séance de tirs au but. Notons bien que 90% des groupes anglo-saxons y vont habituellement de leur « Hello Spain », bravant ainsi la sensibilité à fleur de peau de la clientèle locale. Mais ça, c’est une autre histoire. L’histoire qui nous intéresse ce soir est celle d’une aventure qui continue, celle d’un renouvellement inespéré qui passe certes par des changements radicaux mais qui permet enfin de croire à la survie des SP. Enthousiasmé par un morceau peu familier, incendiaire, virulent et parfaitement balancé, je me tourne vers TGC: « C’était quoi ça ? »
– « The Imploding Voice. C’est sur Machina. »
– « Ah ok. C’est vachement bien. »
Le 24 Juin à Paris au Zénith
Mais qu’est ce qui lui est arrivé ?
Depuis la reformation, Billy Corgan n’a jamais paru aussi léger (même s’il -mon Dieu- a grossi), aussi décontracté, aussi heureux. Le bon accueil d’Oceania doit y être pour beaucoup. Même si le disque n’a pas fait une flambante unanimité il a prouvé que les Smashing Pumpkinsavec ce line-up, avec 20 ans d’histoire(s) et autant de millions de disques vendus pouvaient se conjuguer au présent. C’est donc un groupe qui joue serré et sûr de son talent qui arrive sur scène dans un Zénith plein -certes en petite configuration- de trentenaires bedonnant myopes (j’avoue : c’était là mon premier concert à lunettes) mais pas l’ombre de nouveaux fans. « Quasar » et « Panopticon » d’entrée, on se croirait en novembre 2011 avant que ne débute « Starz », une chanson au gros cul de « Zeitgeist » ici remaniée, dégraissée et franchement réussie.« Rocket » pour la route avant que le concert décolle vraiment avec « Space Oddity » de Bowie transformée en chanson des Pumpkins (tout l’inverse de la reprise note pour note de Immigrant song en rappel) et durant laquelle Billy reprend les poses christiques de la fin des 90s et fait alternativement hurler et pleurer sa Fender. A peine remis de nos émotions que le groupe nous sort les 9 minutes de rage de « XYU » et on hallucine devant le spectacle du guitar hero désormais bedonnant se frappant le torse du poing, hurlant comme on ne l’avait pas entendu hurler depuis un soir d’octobre 2000. Dès ce moment, l’intensité ne baissera plus, le groupe a la bonne idée de débuter ses tubes par des mini teasings (« Tonite’s Reprise » avant « Tonight, Tonight », les cordes de « Disarm », la boite à rythme d’Ava Adore, le riff de « Bullet With Butterfly Wings ») et comme d’habitude jongle entre nouveautés, hits et bonbons pour les fans hardcore. Le bonbon de cette tournée est « Blank Page » jouée au piano par Corgan ensuite rejoint par le groupe pour le final alors que Nicole assure les/aux chœurs. L’autre surprise est l’apparition de « The Imploding Voice » sur la setlist, ici jouée serrée et souple là où la version album est ample et rigide. Et les chansons d’Oceania ? Petite déception car le groupe joue des chansons déjà entendue en live en ces mêmes lieux en novembre 2011 alors qu’on aurait adoré entendre « The Violet Rays » ou « Inkless », cela ne nous empêche pas d’ecrire que « Pale Horse » est une sacrée grande chanson. « Zero » et « Stand Inside Your Love » plus tard, Mike (le batteur qu’on trouverait génial s’il ne passait pas après le meilleur batteur du monde) lance « United States » devant un public heureux et réceptif (tout le contraire de Lille). Un petit rappel et « Today » pour nous convaincre que oui, Smashing Pumpkins se conjugue toujours bien au présent.
