Deuxième jour. Réveillés par le soleil et les cris, on doit avoir dans les trois heures de sommeil mais on est chauds. Pas le temps de traîner, on se met en route pour le festival afin d’éviter de manquer le début de Hark qui commence à dix heures et demi.
Comme tous les artistes qui jouent à cette heure matinale, Jimbob Isaac sait qu’il a trente minutes pour défendre son nouveau projet alors il arrive à l’heure et il ne perd pas de temps. Trente minutes d’un sludge acharné qui part en guerre contre nos tympans, la fleur à la guitare. Le chapiteau est bien rempli malgré l’horaire peu avantageux et ça fait visiblement plaisir à Jimbob qui passe cette demi-heure le sourire aux lèvres.
Puis vint Herder. Une bande de flamands qui a fait du mauvais esprit sa marque de fabrique. Pour vous donner une idée, leur chanteur Ché passe une bonne partie du concert à faire des doigts au public, et à se tripoter une bite imaginaire avant de jeter son foutre imaginaire au visage des spectateurs. Herder fait du sludge, oui comme les précédents, sauf que ça n’a rien à voir puisque le terme est utilisé pour définir pas mal de trucs assez différents. Herder c’est violent, c’est sale, et c’est lourd mais implacable.
Ils feront revenir leur ancien chanteur Nico le temps d’une chanson, de quoi bien faire plaisir aux fans. Toutes ces histoires de saucisses m’ayant mis en appétit et le set se terminant à midi, il est alors grand temps de faire une pause bouffe et d’aller aider le Leclerc de Clisson à battre son record de fréquentation.
Retour pour Witch Mountain qui nous accueille avec un doom relativement traditionnel. L’influence du Big 4 (du doom, pas du thrash) est clairement palpable dans la musique des américains, qui apportent toutefois quelques mises à jour au modèle de base. On en retiendra une rythmique briseuse de nuques relevée par quelques soli et une petite sorcière au coffre polyvalent, tant Bonnie Lizzie que Mother Malkin, qui passe de la plus vigoureuse des incantations au plus profond des râles morbides.
Direction la Warzone pour y voir les classic coreux de Bl’ast. Ceux-ci bénéficient d’un line up 2014 à la section rythmique particulièrement qotsienne avec Joey Castillo à la batterie et Nick Oliveri à la basse. Ces deux-là ont toujours été un peu keupon dans l’âme et on ne saurait trouver meilleure fondation pour permettre à la rage de Clifford Dinsmore (chant) et Mike Neider (guitare) de s’exprimer. Trente ans après Bl’ast parait toujours aussi sincère et semble cette fois parti pour durer, en tout cas c’est ce qu’on leur souhaite.
Note : au cas où on l’aurait oublié, Joey Castillo est un monstre.
On part ensuite visiter la « 2 Wheel Nation » d’Acid King qui projette des vidéos de bikers sur l’écran au fond de la scène. Lori et ses potes sont à peine arrivés qu’on sent le sang battre dans nos veines, le son des guitares monte, les motos démarrent, si bien qu’il suffit d’une étincelle pour qu’Acid King foute le feu. On se laisse volontiers bercer par ce lourd ronronnement fleurant bon le gasoil et le goudron brûlant.
En attendant le groupe suivant, on constate que la Valley commence à se remplir, encore, encore, encore, jusqu’à menacer d’exploser. Le groupe suivant c’est Clutch et selon l’avis général ils auraient bien mérité un passage sur la Mainstage considérant leur popularité. Neil Fallon prêche l’élévation par le rock n’ roll à une foule de fidèles touchée par la grâce qui célèbre la grandeur du riff par ses danses endiablées. Puis il en attrape un et par simple apposition des mains le guérit des écrouelles et de la frigidité. « Tu vois la lumière ? Tu vois le seigneur Elvis dans sa beauté resplendissante ? » hurle-t-il. « Ouiiiiiii ! » lui réponds le malheureux. Une armée de slammeurs à majorité féminine occupe continuellement la surface du troupeau. Tous leurs péchés sont abouts par le Saint Groove. Lorsque la purification sonore s’achève nombreux sont ceux à refuser de quitter la Valleydrale dans l’espoir de bénéficier d’un dernier sermon.
L’heure qui suit sera consacrée à une petite randonnée dans le festival, suffisamment courte pour pouvoir retourner à la Valley et se placer pour Monster Magnet. On commence donc par aller jeter un œil à Soulfly sur la Mainstage 1, avant de rapidement repartir devant la tristesse du spectacle. Suite du voyage à la Warzone où Comeback Kid joue devant un rideau de poussière qui par moment cache complètement la scène. Vous l’aurez compris, c’est la guerre. Les coreux donnent tout ce qu’ils ont et le public répond comme il se doit, en se foutant joyeusement sur la gueule. Malheureusement l’heure tourne et il faut déjà repartir après trois morceaux.
Monster Magnet restera sûrement pour moi le concert du festival, et si on considère le poids du reste de l’affiche, ça en dit beaucoup. La bande à Dave Wyndorf ouvre avec « Superjudge« , déclarant que « we’re all gonna lose it now« . Ils ne se trompent pas puisque la folie débute dès l’intro et ne risque pas de cesser vu le reste de la setlist qu’ils nous ont préparée. Un détour par « Spine Of God » avec « Medicine » et « Nod Scene » pour enchaîner avec l’hymne du hippie moderne « Dopes To Infinity« . « Tractor« , « Twin Earth« , « Look To The Orb For The Warning« , « Powertrip » et l’inévitable « Space Lord« … est-ce qu’on a vraiment besoin d’en dire plus ? Alors que certains ont été déçus de la dernière tournée pour laquelle ils jouaient « Last Patrol » en entier, ils n’en ont ici joué aucun morceau pour se concentrer sur les classiques et nous offrir une bien belle setlist. De son côté le groupe a l’air de se faire plaisir autant que nous et livre une prestation impeccable. Les riffs coulent à flots et les refrains sont hurlés à gorges déployées. Mémorable.
Place à la tête d’affiche du jour, Aerosmith. Les papys sont toujours bien vivants et le prouvent avec une prestation plus que convaincante. Ils sont venus accompagnés d’un show conséquent dont une rampe sur laquelle Steven Tyler et Joe Perry ne cesseront de courir pendant tout le concert, satisfaisant ainsi les fans de toute la fosse.
Les musiciens sont carrés et on peut dire que Tyler n’a rien perdu de sa voix, prouvant sa maîtrise même dans les passages les plus techniques. Chose étonnante, le son reste peu fort mais très propre.
La setlist est clairement orientée classique et seules deux chansons du dernier album seront infligées au public : « Oh yeah« , dont on devine l’efficacité live de par son titre même, et « Freedom FIghter » chantée par Joe Perry, qui a pensé à nous mettre les paroles de la chanson sur l’écran derrière lui pour que tout le monde puisse chanter même si personne n’a écouté l’album. Et au cas où les paroles commenceraient à nous fatiguer, il diffuse à la fin de la chanson un clip où on le voit jouer devant la Tour Eiffel et faire la manche à Paris, le tout synchro avec le morceau live.
Le show est assuré jusqu’au bout avec un rappel entamé par « Dream On » sur laquelle Steven Tyler joue d’un flamboyant piano blanc au bout de l’avancée pour conclure avec « Sweet Emotion« .
Avenged Sevenfold enchaîne sur la scène voisine et la transition est rude. Alors qu’Aerosmith avait préféré se limiter à un volume sonore raisonnable pour servir une prestation ultra-propre, la Mainstage 2 dégueule d’un son inutilement fort et incroyablement dégueulasse. Malgré quelques déplacements de gauche à droite et des premiers rangs jusqu’aux stands de merch à l’entrée du festival, le son reste invariablement mauvais.
Le groupe ouvre sur “Shepherd Of Fire” et ses riffs metallicisants surplombés d’un chant mielleux. Les moreaux se succèdent, chacun rappelant des bouts de chansons de Metallica, Iron Maiden ou autre.
Avenged Sevenfold c’est le nouveau Metallica, les journaleux de Metal Hammer et compagnie l’ont décidé depuis bien longtemps. Un groupe de heavy metal dont les riffs sont facilement assimilables et sonnent comme un best of des autres groupes à t-shirt, associés à des refrains efficaces qui restent en tête. Puisqu’aujourd’hui les seuls groupes suffisamment mainstream et fédérateurs pour avoir le droit d’occuper le haut de l’affiche sont les groupes des années 80, Avenged Sevenfold a simplement décidé de devenir un groupe des années 80. Un groupe reconnu comme “vrai” par tonton, qui garde tout de même une base metalcore pour permettre à ton petit cousin de faire sa rébellion conventionnelle. On pourrait dire qu’Avenged Sevenfold est prêt à conquérir le monde, mais ce serait faux, parce qu’ils l’ont déjà fait. Preuve en est, ils ont headliné le vendredi au Download cette année.
Après un faux rappel à l’hypocrisie assez couillue (“On a plus de temps, ce sera la dernière” à dix minutes de la fin, puis “on s’en fout, vous êtes tellement beaux qu’on va en faire une autre”), le groupe termine pile à l’heure et clôture cette seconde journée avec un feu d’artifices.
La journée de Boris
Le réveil se fait avec les dames de Lez Zeppelin. Les titres sont évidemment très bons et connus de tous (oui, ce sont des reprises), mais il y a comme un manque de panache, de grandeur. Pour ne pas dire de couilles.
Le quintette de Subrosa est plaisant, même si la touche d’originalité de leur doom, deux violons, se fait peu entendre sous la Valley. On se satisfait donc d’un doom/sludge cérémonial, sombre mais accessible. Autre groupe à chanteuse sous la Valley, Witch Mountain, unanimement déconseillé autour de moi à cause de sa chanteuse. Rien de choquant à mon gout pour un groupe à chanteuse : cris et envolées lyriques sur une base doom solide et puissante. Mais il est vrai que sur album le timbre est un peu moins supportable.
Après la dose de testostérone gracieusement fournie par Acid King, voici le tour de Clutch : un truc de malade. Un Neil Fallon sous amphet, un public hystérique, un son parfait, pas une minute de répis, des boobs, des gens qui grimpent aux poteaux de la Valley, etc… A part pour Kyuss ou Red Fang, j’ai rarement vu la tente aussi bouillante.
Les derniers albums ne m’ayant pas enchanté plus que ça, j’hésite longuement entre Monster Magnet et Deep Purple. Sous l’influence des potes, je retourne à reculon sous la Valley (pas facile) et avec la setlist best-of déjà présentée par [team]FooFree[/team], je n’ai pas eu le temps d’être déçu et je me prends mon deuxième concert énorme du jour. Aucun regret donc d’apprécier la fumée des herbes de provence de l’aquarium que devient la Valley, à défaut de Fumée Sur l’Eau.
Je me finis avec une bonne tranche de punk rock californien offerte par Pennywise, mais c’est bien Clutch et Monster Magnet que j’ai toujours en tête en finissant ce deuxième jour.
