Hellfest ✖︎ Plein Air ✖︎ Clisson

vm5
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Le soleil se lève sur Clisson et on évite d’en faire trop sur l’intro parce que cette journée est déjà bien trop chargée.

Premier concert avec Elder, un trio composé comme son nom ne l’indique pas, de trois membres relativement jeunes venu nous présenter « Lore« , son impressionnant nouvel opus. Quand on parle de heavy complexe, le mot prog revient souvent, et c’est donc ce qualificatif qui est généralement utilisé pour qualifier la musique d’Elder. Avec les nouvelles compositions présentées ici, Elder s’éloigne un peu du doom pour des compositions rappelant le post-rock. Un post-rock habillé de gras en somme et le résultat s’avère plus que convaincant. Si ces quarante minutes n’étaient rien en comparaison du concert trippesque qu’ils donnèrent quelques semaines plus tard à Glazart, on retiendra leur prestation comme une date importante de l’histoire du groupe, auparavant habitué aux petites salles et qui jouait ce matin son premier « gros » concert.

Le soleil de midi rôtissant sur place tous les pauvres metalleux s’aventurant à l’extérieur, je me dis que je resterais bien sous la Valley en attendant la suite. Mais c’était sans compter sur les supplications de Boris, m’incitant à aller mirer les grosses loches des Butcher Babies sur la Mainstage 1. A en croire les discussions du soir c’était l’évènement de la journée : « Eh t’as vu les filles là Butcher Truc ? » Oui, Butcher Babies. « Elles avaient des grosses loches hein ? » Oui. « Et puis musicalement c’était pas mal hein ? » Non. Malgré un visuel assez sympathique, les poupées bouchères nous servent un metalcore assez convenu et peu entraînant. S’ajoute à cela, comme pour les cinq FDP la veille, l’impression d’être devant un bon gros produit conçu par des commerciaux bourrés. Bref, dans le genre on préférera la prestation des Pyrohex.

Retour sous la Valley et changement d’ambiance radical : ici point d’implants mammaires et de titres formatés. Lorsque Monarch! apparaît la noirceur envahit peu à peu la tente, occupant tout l’espace. Les quelques bougies posées sur le clavier de la prêtresse tenteront bien d’émettre une petite lueur, mais la lutte est inégale et elles se retrouvent rapidement submergées par l’obscurité. Les lents riffs se propagent inexorablement, emplissant l’air d’un épais bitume et provoquant une démence certaine dans les cerveaux de l’assistance. Une croix renversée coule de l’œil de la blonde prêtresse, qui alterne entre lamentations et cris déchirants. Nous nous laissons bercer lentement par cette tragique mélopée pour nous réveiller quarante minutes plus tard, parce que c’est l’heure de manger.

ASG, Assez Sans Gène, Arrive Sans crier Gare Avec son Stoner Gras et nous Assène un Son Gigantesque malgré leur Allure de Sales Gueux.

Puis, toujours pour faire plaisir à Boris, j’accepte de quitter la fraicheur de ma tente favorite pour aller voir Airbourne sur la Mainstage 1. Les ayant déjà vus trois fois en festival, c’est sans joie que je retourne voir les mêmes titres et les mêmes blagues. Les porte étendards du [s]AC/DC[/s] nouveau hard rock australien ont donné une prestation semblable à toutes les autres, ravissant sans doutes les fans et ceux qui les voyaient pour la première fois.

Il est à présent presque six heures et on entre dans la soirée de tous les clash, cette fameuse zone allant de six à onze heures, repérée longtemps à l’avance sur le running order, où tous les groupes intéressants ont été choisis pour jouer en même temps. Impossible d’en sortir gagnant, des sacrifices doivent être faits, et ça commence par faire une croix sur Slash et ZZ Top, déjà vus et trop légers face aux propositions d’en face.

Premier évènement : L7, qui provoquera des réactions absolument opposées dans le public. Les anciens, à genoux devant l’inespérée résurrection, les plus jeunes qui squattent les mainstages qui ne savaient pas qui c’était ces vieilles-là « L Sept », mais c’était pas terrible (tout en plaçant un malheureux jeu de mots en référence aux L5), et les casus, venus constater que « qu’est-ce qu’elles ont pris dans la gueule quand même« . En l’absence de nouvel album, la setlist était logiquement composée de classiques et si la performance n’était pas exceptionnelle, on était tout de même bien contents d’avoir pu voir L7 sur scène, enfin pas en entier puisque la fin de leur set empiète sur le début de celui de Terror.

C’est dans une Warzone déjà bien remplie qu’on se faufile pour assister au concert déjà commencé de Terror. Comme le chanteur avait piscine pour cette tournée, c’est le bassiste David Wood qui le remplace. Un fort bel exemple pour tous les bassistes du monde qui attendent leur heure dans l’ombre, espérant secrètement qu’un jour les fans apprennent leur nom. Ce chamboulement de line-up n’empêche pas le groupe de grandement tabasser, tout comme son public, qui les honore en leur offrant la bagarre du week end. Les anciens titres sont des coups de pieds dans la gueule, les nouveaux de jolies claques. C’est propre et efficace, rien à dire, on y retournera pour les voir au complet.

Retour à la Valley pour Brant Bjork, qui représente le quota de membres de Kyuss obligatoire par Hellfest. Le son est doux et planant. On se laisse porter par ces courants d’air chaud en se disant qu’au lieu d’attendre l’album de [s]Kyuss Lives[/s] Vista Chino on aurait mieux fait de se pencher plus en détail sur la discographie solo du batteur casquetté. Marathon oblige, on est arrachés à notre rêverie par la montre, qui nous oblige à nous barrer un quart d’heure avant la fin pour aller apprécier Killing Joke sur la grande scène numéro 2.

Et c’est devant une Mainstage tristement clairsemée qu’on retrouve Killing Joke. Ils ne joueront pas « The Sun Goes Down » mais on aura quand même droit à un début de soleil couchant pour l’ambiance. Le line-up original est toujours là depuis sa reformation en 2008. Big Paul martèle ses rythmiques tribales. Geordie Walker et Youth, par leur union mécananthrope, nous gratifient de leur glorieuse mélodie industrielle. Jaz, les yeux écarquillés, prêche comme jamais ses sermons de prêtre automate. Le set fera plutôt honneur à la face new wave de Killing Joke, l’indus étant tout de même fièrement représenté pour l’obligatoire et tonitruant « Asteroid« .

Une fois le groupe sorti de scène on se remet à courir pour aller assister au concert de Body Count, déjà commencé depuis une demi-heure. Plus on avance vers la Warzone, plus la population se fait dense, avant de finalement se retrouver confrontés au fameux problème évoqué par nombre de spectateurs dans leurs bilans du festival : le goulot d’étranglement qui donne accès à la scène est bouché. On se croirait à Châtelet un jour de grève du rer A. Alors que certains ont dû renoncer au concert à cause de ça, on ne se décourage pas et c’est en mettant à contribution nos incroyables skills de faufilage qu’on arrive finalement pas trop mal placés.
Ice-T, toujours accompagné de son bras droit Ernie C, balance un bon paquet de classiques (sept titres de l’éponyme en tout), une reprise de The Exploited (Warzone oblige) et démontre l’efficacité des nouveaux titres, le semi-automatique « Talk Shit, Get Shot » en tête. Le set se conclu par le tant attendu « Cop Killer » sur lequel Ice-T invite son fils à venir chanter avec lui, et c’est alors que tout le public chante « fuck the police » le doigt tendu qu’un gendarme choisi de passer de passer dans la foule. Malaise.

Pour finir, l’arrivée du marathon se fera sur le plus beau clash du festival : Orange Goblin et Faith No More. Le premier bouffant d’un quart d’heure sur le set du deuxième, et le deuxième étant quand même la tête d’affiche [s]de la journée[/s] de l’année sur une mainstage.

On ne profitera donc que d’une petite demi-heure du Goblin, mais c’est suffisant pour se rendre compte que la setlist est la même que sur la dernière tournée, et la même que sur l’avant-dernière tournée plus trois morceaux de « Back From The Abyss« . Comme à chaque bataille le Goblin détruit tout sur son passage, ravi les cœurs des fans et des autres, mais on aimerait bien avoir un petit changement de setlist pour la prochaine fois, vu le nombre de pièces de hautes factures comprises sur leurs premiers albums ce serait dommage de s’en priver.

Place enfin à la tête d’affiche des non-beaufs, un concert qu’on attendait depuis leur second coming en 2009 : le retour de Faith No More ! Le groupe revient en terres françoises pour défendre son nouvel album « Sol Invictus« , dont ils ne joueront pas moins de six chansons. Le concert commence d’ailleurs par le nouveau single « Motherfucker« , puis comme pour rassurer les vieux fans, enchaîne avec « Be Agressive« , « Caffeine« , « Evidence » et « Epic« . Bim. On pouvait déjà repartir satisfaits alors que le meilleur était à venir : l’hymne « Midlife Crisis » et les oufissimes « The Gentle Art of Making Enemies » et « Cuckoo for Caca« . Pour le rappel on apprécie tout particulièrement le traditionnel « We Care A Lot« , plus que jamais d’actualité.
Côté scénographie, la bande à Patton a choisi de couvrir la scène de fleurs artificielles et de revêtir de légères chemises blanches, réussissant ainsi à faire du mauvais esprit dans le temple du mauvais esprit. « Fuck the Hellfest! » s’écrie Patton. « We’re gonna put some Heaven into the Hellfest. And you know what? You’re gonna like it!« , appelant à partir de ce moment-là le festival « Heavenfest« . Il faut dire que question communication avec le public on a été servis, Mike Patton et Roddy Bottum nous faisant profiter de leur impeccable français (« Bon ou merde? Heavy metal ou heavy merde?« , « Tu es magnifique!« ). On remarquera aussi la descente de scène de Patton pour aller échanger sa chemise contre un des t-shirts jaune fluo d’un des membres de la « sécourité » bien trop grand pour lui qu’il gardera jusqu’à la fin du concert.
Une prestation impeccable menée par des musiciens au sommet et un Patton toujours aussi incroyable vocalement. On s’en souviendra un moment, enfin jusqu’à leur prochain passage qu’on espère pas trop lointain.

Les regards se tournent alors vers les écrans, qui à travers quelques stats bien senties et des photos des précédentes éditions, nous rappellent pourquoi ce festival est exceptionnel. Le Hellfest a beau grossir un peu plus chaque année, il reste comme au premier jour un festival fait par des fans pour des fans et ça se ressent. S’en suit alors le fameux feu d’artifice des dix ans qu’on ne vous décrira pas parce que vous avez surement tous eu les photos sur vos feeds facebook.

Puis vient le moment tant attendu des papas : Scorpions ! Pour les avoir vus à la fête de l’Huma un peu plus tôt cette année, la première impression est que ça fait un peu moins beauf au Hellfest. Quelques minutes plus tard il faut pourtant se rendre à l’évidence, Scorpions ramène la beaufitude partout où il passe. Prenez la plus classe de toutes les soirées de l’ambassadeur et imaginez maintenant les convives en train de chanter « still loving youuuuuu! ». Voilà. Démonstration faite.
Comme pour Judas Priest, les allemands ont déjà quelques tournées d’adieux à leur actif, si bien qu’en l’absence de communication sur celle-ci on se dit que ça doit pas être la dernière.
Klaus Meine est toujours le parfait sosie de Bourvil, chose d’ailleurs assez déroutante puisqu’on s’attend toujours à ce qu’il nous fasse « Les Abeilles » (et qu’il la fait jamais).
Le set comptera tout de même quelques bons moments, comme les répliques de feu d’artifice sur le côté de la scène, le moment où le son a sauté (et où ils ont continué à jouer comme des cons), et les fameux « ce soir j’ai les pieds qui puent » de « Still Loving You » repris par toute la foule.

Le concert suivant est un peu particulier puisqu’il s’agit de la non-déception de la journée. Marilyn Manson est connu pour ses prestations vocalement dégueulasses et les quelques pro shots du début de sa tournée des festivals ne nous avaient pas rassurés. On s’attendait donc au pire… mais c’est en fait une performance plutôt honorable que nous a servi le Révérend. Rien de fou ni de marquant rassurez-vous, mais certainement pas la catastrophe annoncée. Les morceaux de son également honorable dernier album passent très bien l’épreuve du live et les classiques reçoivent une interprétation loin de faire grincer des dents.

Aussi quand on constate qu’une grande partie des festivaliers repart déçue, on est dans un premier temps surpris, avant de comprendre que cette déception-là n’avait rien à voir avec la prestation musicale de l’élève du Maître. Beaucoup s’attendaient à enfin voir en vrai la star des légendes urbaines de leur adolescence, le méchant clown qui piétine des poussins, qui demande à son public de décapiter des petits chiens ou qui jongle avec des tronçonneuses en s’auto-suçant grâce à ses côtes chirurgicalement démises. Rien de tout ça, un décor relativement simple, un effeuillage de Bible, un léger malaise lorsqu’il menace de ne pas continuer le concert tant que les fans n’auront pas jeté leurs soutifs sur Twiggy dont c’est l’anniversaire (et qu’elles ne le font pas) et un sacrifice de tortue gonflable. Alors « tout ça pour ça » ? Ben oui, le méchant clown de la génération MTV n’est pas si méchant que ça, juste un peu déchiré, mais ce soir il chantait juste et ça c’est exceptionnel.

La journée de Boris

Pour faire court après Foofree, une journée qui se résume en trois noms et des brouettes.

Elder, dont le concert n’a fait que confirmer l’excellente impression des albums. Il y a tout dans Elder : les gros riffs abrasifs, les rythmiques incisives, les passages clairs bien planants et finement ciselés, le tout généreusement servi dans des titres de 10 minutes. Donc forcément, un concert de 30 minutes ça passe vite, juste le temps de se dire que c’est aussi jouissif en concert que chez soi. Les applaudissements abondants pour un concert à 11h40 l’ont montré.

ASG, pour mon premier vrai gros set de stoner bien classique de cette édition. Un grand plaisir ce concert, malheureusement un peu court, d’autant que le groupe commence à avoir de quoi remplir avec ses cinq albums et demi. Orgasme atteint sur l’énorme « Day’s Work« .

Dans les brouettes, il y a Orange Goblin et Brant Bjork en très bien aux ambiances opposées, flux tendu et agressif pour l’un, posé et coolitude hippie pour l’autre. Il y a aussi les concerts du jour dans la catégorie j’ai tenté mais non merci : les hurleuses de Butcher Babies, malgré une jolie performance vocale ; Monarch! et son tempo 50 / 1 note par minute sur fond de hurlements, pas assez palpitant à mon goût ; Airbourne, spoilé par Foofree (qui va finir par donner l’impression que j’ai des goûts de chiottes). Il y a enfin un bien joli feu d’artifice parfaitement rythmé par les classiques du métal et la pièce manquante de 2011, « Wind of Change« , pour se dire que Scorpions en concert c’est fait et plus à faire.

Et pour finir, le troisième nom du samedi est évidemment Manson, avec une déception qui n’était pas là où je l’attendais : titres en place et interprétation correcte, donc pas grand chose à redire sur le contenu. Par contre sur la forme, ennui profond. Les deux minutes de scène éteinte entre chaque titre n’ont pas aidé à rendre le set palpitant. Un concert sans éclat, bien résumé par mon collègue.

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