Les habitués des concerts parisiens le savent, Pigale compte une grosse concentration de salles de spectacle. Ce soir on n’en était pas si loin géographiquement, à deux stations de métro exactement, et pourtant l’expérience aurait difficilement être plus dépaysante.
L’Archipel, situé au 26 bis rue Saint-Pétersbourg est un couvant construit au XIXe siècle, reconverti aujourd’hui en lieu associatif pour les jeunes, et surtout pour les plus démunis puisqu’il fait office de centre d’hébergement d’urgence.
[img]https://www.visual-music.org/images/photos/big/172_2647_4309.jpg[/img]A peine arrivés dans la chapelle aux murs recouverts de livres, nous voilà saisis de stupeur. Debout au milieu du chœur se tient devant quelques fidèles… Jésus ! Baigné d’un halo de lumière, le prophète à la voix éraillée prêche ses sombres récits accompagné de son auguste guitare électrique. Il s’agit en fait de Bellhound Choir, le projet dark folk de l’ancien chanteur de Pet the Preacher, Christian Hede Madsen. Ses complaintes s’élèvent doucement, pour finalement remplir la petite chapelle de sa mélancolie clochardesque. « L’avantage quand personne ne te connait, c’est que les gens ne se rendent pas compte quand tu joues une nouvelle chanson » s’amuse-t-il. Il y a fort à parier que la grande majorité des spectateurs présents n’avaient jamais entendu ses compositions, mais en gardera un souvenir impérissable. La théâtralité du lieu et son acoustique en ont fait le cadre parfait pour une performance mémorable.
Après une petite pause, c’est à présent au tour de John Garcia de passer sous la voute de l’ancienne chapelle. Il est accompagné pour sa tournée acoustique par Ehren Groban, guitariste présent sur son premier album solo et qu’on retrouvera sur le suivant mais aussi sur un album acoustique prévu pour l’an prochain. La setlist de la tournée est composée à proportion quasi-égales des reprises acoustiques de Kyuss, de chansons de son premier album solo, et de nouveaux titres. On sentira bien sûr le public plus réactif sur les chansons de Kyuss et c’est avec un magnifique « Phototropic » que s’ouvre le concert.
[img]https://www.visual-music.org/images/photos/big/172_2647_4310.jpg[/img]Les deux hommes se tiennent séparés par une table basse sur laquelle trônent divers alcools de qualité. L’ambiance se fait moins christique, mais très conviviale. Le père Garcia est assez bavard entre les morceaux, pour donner à Ehren le temps de s’accorder. On aura donc le droit à pas mal d’anecdotes, comme le fait qu’ils ont dans un premier temps essayé d’adapter « Dark Horse » d’Hermano en acoustique et que le résultat était tellement horrible qu’ils se sont trouvés obligés d’y renoncer. La place laissée sur la setlist a donc été comblée par une reprise de « El Rodeo » de Kyuss, qui a évidemment mis tout le monde d’accord. Garcia était tellement fier de son Ehren qu’au milieu du set il a préféré aller se positionner sur le côté de la scène pour le regarder interpréter un morceau instrumental de son cru. Le titre, qui comporte une part d’improvisation variant chaque soir, a d’ailleurs provoqué un soudain silence admiratif dans la chapelle-bibliothèque.
[img]https://www.visual-music.org/images/photos/big/172_2647_4311.jpg[/img]Pour un chanteur habitué à chanter par-dessus des guitares ultra-heavy, se présenter seul accompagné d’une guitare acoustique c’est un peu se retrouver à poil et ça ne laisse que peu de place à l’erreur. On le sent concentré, à la recherche de la perfection vocale. Il s’agit de sa première tournée acoustique et l’homme est nerveux. Il l’avoue lui-même, et le répète comme un prétexte à chaque vodka orange qu’il se ressert. Mais comme boire seul c’est triste, il n’oublie pas de se montrer généreux et distribue des verres aux spectateurs les plus proches. Et pour terminer de façon encore plus conviviale, il invitera même quelques photographes à prendre place sur le canapé derrière lui, les avisant toutefois de ne pas en profiter pour lui tirer son portable et ses bouteilles. C’est sur une version acoustique de « Space Cadet » que s’achève le concert. Une version sans basse donc, qu’on aurait pu considérer comme une hérésie mais qui a pourtant retranscrit parfaitement l’esprit de ce sommet de chillisance.
Pendant quelques heures on s’est trouvés dans une dimension parallèle entre Palm Desert et Poudlard où la pesanteur se faisait légèreté, si bien qu’en sortant, on était presque surpris de se retrouver à Paris.
Setlist :
Phototropic
Kentucky
Don’t Even Think About It
Her Bullets’ Energy
5000 Miles
Argleben
The Blvd
Le morceau à Ehren
El Rodeo
Cheyteilla
• (Dark)
Gardenia
Green Machine
Space Cadet
