Smashing Pumpkins ✖︎ Ancienne Belgique ✖︎ Bruxelles (Belgique)

L’Ancienne Belgique de Bruxelles, c’est souvent l’assurance d’un concert dans de bonnes conditions, une salle aux dimensions humaines et à l’acoustique bien souvent impeccable dont le seul point faible consiste en un public parfois trop dissipé. Cela dit, je n’ai pas hésité longtemps à aller voir les Smashing Pumpkins dans cette salle car contrairement au Grand Rex, pas de système de castes ici, un tarif unique permettant d’espérer de très bonnes places pour admirer sur scène et pour la première fois de ma vie, un groupe auquel j’ai consacré plus d’une dizaine d’années en tant que fan. Et bien que je ne sois arrivé que peu de temps avant l’ouverture des portes, je parvins à me trouver une place en hauteur façon loges, au pied de la scène. Troisième concert d’une première semaine chargée pour leur retour sur scène, les Citrouilles étaient attendus au tournant, mais celles-ci entendaient bien réhabiliter leur nom à l’aide de concerts marathons de trois heures donnés précédemment à Paris et au Luxembourg, on ne pouvait donc qu’espérer un même traitement de faveur dans la capitale Belge.

Les lumières s’éteignent, le public se réveille, petite musique quasi-mystique pour l’arrivée de la formation nouvelle désormais composée de Ginger Reyes à la basse et de Jeff Shroeder à la seconde guitare. Les Pumpkins ont bien compris que pour honorer ces trois heures, il fallait avant tout être à l’heure et c’est à peine quinze minutes après l’horaire indiqué sur le ticket que le groupe entamera son show. C’est alors au tour de Billy Corgan de faire son entrée, vétu d’un grand kimono blanc (façon Raël), le chanteur ayant toujours prouvé un certain gout (douteux) pour les accoutrements les plus originaux. C’est le compère de toujours, Jimmy Chamberlin, qui ouvre les hostilités avec une batterie dynamique et lourde, accompagnée de grosses guitares qui auront vite fait de nous rassurer quant à l’orientation de ce « United States » servant d’intro au set et tiré du prochain album « Zeitgeist« . Le morceau prenant d’ailleurs vite des allures de « Silverfuck » grâce à de longs passages instrumentaux qui se révèlent intéressants à souhait mais pas forcément des plus appropriés pour chauffer une salle d’entrée de jeu, surtout sur près de quinze minutes ! Qu’à cela ne tienne, on peut compter sur la dextérité musicale et scénique de Corgan pour réveiller son monde, il s’amuse alors à solliciter le public en plaçant d’énormes riffs auxquels la salle répond désormais en alternance. Les deux titres suivants (« Today » et « Stand Inside Your Love« ) ne seront qu’une sinécure, le public étant déjà tout acquis à la cause du groupe qui va ensuite s’atteler à revenir sur « Zeitgeist » avec « That’s The Way« , dont les guitares cristallines d’introduction ne font que contraster avec une suite bien plus heavy et tourmentée faite de grosse batterie et de flots incessants de guitares. Il semblerait bel et bien que les Smashing Pumpkins ne fassent pas dans la demie-mesure pour leur retour. On est littéralement assailli par les guitares, entremélées dans une complexe et plaisante composition, Corgan est notamment épaulé par un Jeff Shroeder aussi discret et efficace que James Iha. Autre nouveauté du soir, « Bleeding The Orchid« , ouvert au clavier par Lisa Harrington (ex-musicienne de chez Disney) se révèle plus calme et ambiant mais n’empêchera pas Billy de se frayer un bruyant chemin à coup de solo et de passage a capella sur fond de batterie montant crescendo. S’en suit « 7 Shades Of Black« , où il me fût difficile de ne pas voir une certaine ressemblance avec « Zero » ; grosses guitares (encore et toujours), basse omniprésente, batterie incisive et effets à gogo contribuant à rendre toute la noirceur émanant du titre.
Retour aux compositions déjà plus connues avec « Home » et surtout « Hummer » qui permet au public de s’investir à nouveau, reprenant ainsi en choeur le morceau avec un chanteur passablement amusé et surpris de cet accueil extrêmement chaleureux. Oui, j’avoue, il n’y a pas que lui qui soit surpris, j’aurai rarement vu le public de l’AB participer de cette manière ! Un enthousiasme récompensé par un « Bullet With Butterfly Wings » à vous en faire frissonner les fans les plus blasés, le groupe étant loin de se ménager sur scène. Le charismatique frontman enchaine avec « God And Country« , composition acoustico-politique ne manquant pas d’accroche et durant laquelle le groupe en profite pour s’éclipser, le laissant ainsi seul sur scène. Prenante, la voix de Corgan qui se fait douce, s’empare d’une assistance presque dissipée et encore sous le choc d’un énorme « BWBW« . Le titre constituera en fait, le premier acte d’un passage acoustique suivi de « Thirty Three » relevé de clavier, « Rocket » avec un solo tout en douceur à la guitare sèche, la très rare « Winterlong » ou encore la touchante « To Sheila » qui permet au reste de la formation de reprendre sa place et de faire le lien avec ce qui nous attend.
Car c’est là aussi tout le plaisir de voir les Smashing Pumpkins en concert, il y a une recherche constante du groupe à proposer les titres les plus connus (et moins connus) retravaillés pour ne jamais lasser et toujours surprendre. Et pour le coup, il s’agît de « Glass & The Ghost Children » qui se fait moins atmosphérique que sur « Machina, The Machines Of God » mais plus rentre-dedans, le réarrangement ne manquant au final pas de panache et d’intérêt. Le chanteur quitte alors son long kimono pour se révéler dans une combinaison blanche et sous pull à rayures qui feraient certainement l’envie des Oompa Loompa de « Charlie et la Chocolaterie« . Un délestage non négligeable qui trouvera tout son écho sur « Tarantula« , composition faisant la part belle aux instruments et qui, du coup, met littéralement le feu à la salle et ce, peut-être à la plus grande surprise de tous ! Y compris un Billy totalement halluciné par l’accueil fait au récent single et qui n’hésitera pas de ce fait (car totalement emporté par l’ambiance) à improviser un solo suscitant les hourras du public et donc les rires du chanteur.
Autre nouveauté, « Starz« , composition quasi-stellaire avec ses passages au clavier dont les notes suspendues, entrecoupées d’envolées guitaristiques et qui se révèle bien plus fédératrice que ne le laissait présager un début « trompeur ». « Neverlost« , sonne déjà plus comme une accalmie musicale résonnant aux confins de la salle et dont la douceur aura permis d’évacuer un peu de cette saine tension accumulée jusqu’alors.
« Is Everyone Afraid ? Has Everyone Changed ? » C’est sur ces mots que Corgan entame « Doomsday Clock » aux allures de « Geek USA« . Grosses guitares comme d’habitude, grosse batterie, il n’y a pas à dire, le chanteur a toujours balancé à qui voulait l’entendre l’importance de Chamberlin au sein du groupe, on peut dire que le batteur aura été brillant ce soir, malmenant ses fûts avec force pour notre plus grand bonheur et apportant une frappe de percussion non négligeable comme ce sera le cas ensuite sur « Zero » ! Nous voici revenus à la grande période des Citrouilles, hurlements d’un Corgan investi à à 200% dans son concert devant un public totalement déchainé. Les titres vont alors se succéder aussi vite que dans un rêve, le très rare et quasi destructuré « Lucky 13« , « 1979« , l’énorme « Cherub Rock » ou encore « Untitled » pour secouer la pulpe et éviter qu’elle ne reste en bas. Fait marquant de la soirée, Billy est tout sourire, se ralliant même à Jeff le temps de quelques face-à-face musicaux témoignant de cette bonne humeur ambiante s’étalant désormais sur plus de deux heures.
Intensives, ces deux heures sonneront quasiment l’arrivée du premier rappel et d’une petite pause pour la formation, qui nous revient avec un titre à nouveau réarrangé, « Shame« . Et si sur « Adore« , il ne disposait pas d’une batterie mais d’une simple boite à rythmes, c’est l’occasion pour le duo Billy/Jimmy de bousculer un tempo originellement lent grâce à des guitares claires qui conféreront à la composition un faux air de « Stand Inside Your Love« .
Autre moment de bravoure du show, l’énormissime « Silverfuck« , s’étalant sur près de quinze minutes taillées faits de passages survoltés et calmes, qui se transformera subtilement en reprise du morceau « The End » de The Doors dont quelques paroles échapperont à Billy nous honorant ainsi d’un rigolard « …something like that » avant un ultime déchainement de décibels.
« Muzzle » signe le second et ultime rappel, permettant à Jimmy de se livrer à un petit solo et d’enflammer le public une dernière fois car le titre final révélé ce soir, « Gossamer« , est une composition aux relents Pink Floydiens avec de longues plages de guitare et de synthés dispensées sur près de vingt minutes ! Le leader de la formation n’hésitant pas même à se reculer du devant de la scène afin de s’asseoir sur son ampli le temps de ce long et planant passage instrumental se jouant entre Jeff et Lisa, devenus centres de toutes les attentions. Trippant mais jamais lassant, le retour de Corgan après cet « interlude » lui permet de se livrer à un grand numéro guitaristique. Comblé, le frontman conclut même la soirée par un « It’s been a real wild party tonight« , au point qu’il sera le dernier à quitter la scène, trainant littéralement les pieds après que le tour manager ait tenté en vain durant cinq minutes de le prévenir que les 3 heures de concert à l’AB avaient expiré.

Á la sortie, le leader du groupe recouvert d’un discret bonnet noir, se fendra d’un large sourire et d’un petit signe de main avant de monter dans le bus malgré le faible nombre de fans restés sur le pavé bruxellois pour voir la star de près. Au final heureux de l’énorme prestation toute en puissance et tension mais aussi faite de douceur et de subtilité, personne ne saura tenir rigueur au groupe de ne pas s’être arrêté faire un p’tit coucou aux fans, ces trois heures de concert parlant plus que toute autre chose. Billy Corgan prouvant ainsi aux plus sceptiques qu’ils auront eu tort de le penser fini depuis l’aventure Zwan ! Le frontman se chargeant de clouer le bec de ceux-ci à coup de riffs ravageurs et de solos endiablés qui trouveront toute leur saveur sur un « Zeitgeist » plus qu’inespéré, rappelant au passage toute la puissance du rock des années 90. Les Citrouilles sont de retour et prêtes à écraser tout ce qui sera sur leur chemin, qu’on se le dise.