Nine Inch Nails ✖︎ A l’étranger

vm5
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La vie est mal faite. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ceci n’est pas le sentiment des fans européens lésés par des rumeurs d’une tournée US unique en son genre, mais bien celui des fans américains de NIN privés de tournée pour « Year Zero. » Le groupe n’avait plus tourné chez lui depuis « With Teeth« . Autant dire une éternité ! Alors, il faut reconnaître que l’attente était énorme de ce côté de l’Atlantique. Sachant de plus que le light show était supposé être dément, j’ai résisté aux vidéos sur youtube, aux setlists sur les forums de fans… Je voulais en prendre plein la tronche, être surpris… et fuck yeah, j’en ai eu pour mon argent ! De plus, Red Rocks est un endroit merveilleux, surréaliste même pour un concert de rock. Amphithéâtre à ciel ouvert inscrit dans un canyon de pierre rouge, auquel on accède par un très très long escalier. Ah oui, ça se mérite ! Seulement ce soir, le ciel est gris et couvert, et il fait froid, alors qu’hier, on frisait les 35 degrés. Mais c’est le temps du Colorado, on ne sait jamais ce qui nous attend le lendemain. Autre particularité, pas de fosse, seulement des bancs sculptés à même la pierre. Donc pas de crowd surfing, de pogo ce soir, ce qui est vraiment appréciable pour un amateur de musique. Le point noir c’est qu’à l’inverse si on bénéficie d’un espace respectable pour soi, on ne peut que remuer la tête.

J’arrive donc au concert avec mon précieux sésame à 19h00, juste à temps pour arriver à mon « siège » numéroté, rang 5, siège 69. Une fournée de gardiens vont s’assurer pendant toute la soirée que l’on est bien assis à la bonne place, tout contrevenant (même durant le concert !!!) sera renvoyé manu militari d’où il vient ! Autant dire que je suis très proche, la scène étant à portée de bras du 1er rang. 19h30 et Deerhunter arrive. Le chanteur doit être l’homme le plus maigre du monde. C’est la seule chose que je retiendrai de ce groupe de post-rock noise qui va nous infliger 40 minutes de douleur auditive.

Il est presque 21h quand résonne « 999,999« , s’en suivront un peu plus de 2h de show incroyable, je ne peux pas le cacher. Le début du concert est d’ailleurs tout à l’honneur de « The Slip« , puisque s’enchaînent sans temps mort « 1,000,000« , « Letting You« , « Discipline » et « Head Down« , avec pour seul intrus un « March Of The Pigs » nous rappelant que Trent peut piocher dans une longue discographie. On est contents de le voir sauter, balancer son pied de micro ou son piano dans les airs, de voir Robin Finck enchaîner les poses improbables. Le groupe est en forme, enchaînant « Closer » ou encore « The Frail« . Une réelle surprise pour moi car ce sera le seul morceau de « The Fragile » durant le concert (l’album détesté des fans américains qui sont pour beaucoup restés scotchés sur « Pretty Hate Machine« , « Broken » et « The Downward Spiral« ), s’en suit un « Gave Up« , souvent annonciateur de changement de set up dans le concert.

Et le light show dans tout ça ? Ben pour l’instant, rien de transcendant. Si des belles lumières, rouges pour « Closer » par exemple, mais rien qui ne défonce la tête… quand les grilles descendent ! Deux exactement formant une sorte de cage autour du groupe avec désormais, trois ordinateurs portables trônant devant de la grille d’où émane « Me I’m Not« . Les fans américains sont comblés avec ce passage électro se prolongeant avec « Vessel » et « The Great Destroyer » se terminant tous deux, en une orgie sonore orgasmique mettant le public en transe. Et à chaque fois, sur les écrans, des images subliminales croisent des visuels plus étranges encore.

D’ailleurs, à chaque concert de NIN, il y a toujours un point d’orgue trippant. Rappelez-vous « La Mer/The Great Below » pour la tournée Fragility, « Right Where It Belongs/ Beside You In Time » pour la dernière tournée US et à chaque fois, un visuel venu de nulle part qui nous en mettait pleins les yeux. Ce soir, on allait y avoir droit avec un passage de 3 titres de « Ghosts » (« 3 – Ghosts III« , « 6 – Ghosts II » et « 19 – Ghosts III« ).
Imaginez un écran géant derrière le groupe représentant un désert, un autre écran au dessus du groupe pour le ciel et un dernier écran juste devant le groupe figurant une dune désertique et vous avez une sensation de 3D et de profondeur incroyable. La fumée ajoutant au tout un soupçon de dépaysement renforcé par le mouvement de ces images ! Pour le second morceau de « Ghosts« , on est ici dans un marécage mais surtout, le groupe va échanger ses instruments et équipement électro de prédilection pour du xylophone (Trent) ou du pipeau (Robin). Ou comment montrer l’étendue de la palette musicale de NIN. Rien ne semble donc étranger au Maître. C’est bien simple, il n’y a aucune barrière, il peut tout faire, même une version de « Piggy » au banjo et cuivres (en fait de cuivres, ce sont des samples utilisés par Alessandro Cortini). Bizarrement, ce ne sont pas des morceaux de « Ghosts » que j’apprécie vraiment. J’ai plutôt tendance à les zapper quand je les écoute, mais ce soir, ils donnent une véritable ambiance tantôt oppressante, tantôt féerique. Une pause bienvenue en fin de compte.

Mais ce n’est pas fini ! Un écran recouvre maintenant toute la scène et on y voit d’étranges formes sur le titre « The Greater Good« , bougeant et changeant selon la lumière ! Et à la manière du clip « Only« , on y aperçoit les formes du visage de Trent chantant. Incroyable !
« Pinion » résonne le temps que les très nombreux roadies changent la scène pour faire place aux titres « Wish » et « Terrible Lie« , contrastant plus que jamais avec ce long passage planant dédié à « Ghosts« . Le son qui était parfait ce soir, devient de plus en plus fort, au point que l’on distingue parfois difficilement la voix de Trent au bénéfice de la guitare de Robin, parfois un peu à côté de la plaque. Mais son charisme arriverait à faire passer la danse des canards pour cool contrairement à l’ancien bassiste de Beck appelé en renfort pour cette tournée, Justin Meldal-Johnsen, qui fait un peu tâche avec ses affreuses chaussures à pointe et son afro, se la jouant avec autant de présence scénique qu’un Jeordie White. Niveau ectoplasme scénique, faut le faire. Mais on lui pardonne, car il joue de tout ce soir. Josh Freese est égal à lui-même ; une vraie machine. Mais c’est Alessandro le véritable architecte sonore ce soir. On le voit peu, mais sans lui, le son serait bien différent, utilisant les machines tout autour de lui pour en retirer d’improbables sonorités. N’empêche qu’il est vraiment dur de regarder quelqu’un d’autre que Trent, lutin dégageant une aura incroyable et ayant su s’entourer comme toujours puisque ne touchant quasiment jamais un instrument.

« Survivalism » donne encore dans le bel effet visuel. Un écran géant derrière le groupe représentant 4 caméras de surveillance en mode vision nocturne, renvoie au clip même du titre. On y voit ainsi le public mais aussi le groupe sous différents angles. En tout cas, « 31 – Ghosts IV » redonne dans la pause instrumentale mais cette fois bien électrique, avant d’enchaîner sur « Only » qui donne droit à un nouvel effet visuel bien senti. Derrière un écran de pixels, le groupe joue, invisible. Mais lorsque Trent s’approche de l’écran, les pixels s’effacent pour laisser apparaître le chanteur. Mieux, par des gestes, il « ouvre » les pixels et les repousse dans une direction. Dur à expliquer, mais terriblement efficace.
Séquence souvenir avec « Down In It » et « Head Like a Hole » (LE tube de NIN de ce côté de l’Atlantique et le plus diffusé à la radio) se concluant notamment dans un larsen final le transformant en « Corona Radiata » alors que la grille descend et offre à voir, énorme, le logo de NIN. Pas le temps de s’émerveiller outre mesure avec un « Reptile » heavy à souhait sur fond de lumière verte.

Puis Trent se fend d’un petit discours car à part des « Thank you« , il n’avait pas adressé la parole au public, il révéle que le site de Red Rocks est l’un de ses endroits préférés pour jouer (on veut bien le croire) car la foule est tellement proche de lui qu’il peut toucher le visage de chacun d’entre nous, ce qui est très intimidant. D’habitude, il y a une masse de t-shirts noirs, là, c’est comme des millions de visages qui le scrutent (un peu optimiste sur le coup mais sûrement dû à l’inclinaison du sol). Enfin, il se plaint du temps : « Je me trompe ? On est en été, non ? Je ne sais pas si j’ai mis des fringues qui y correspondent mais j’ai mis tout ce que je pouvais mettre sur le dos et je me gèle les couilles !« 

Suit alors « God Given » avec un final électrique assourdissant se terminant par le visuel d’une arme devenue croix catholique. « Hurt » qui suit se fait le passage obligé des briquets allumés. Un truc bien niais, donc forcément américain. Le show se termine sur une note inattendue : « In This Twilight« . Le groupe joue, et derrière eux, la vidéo d’une ville vue de loin. Au centre, d’immenses usines dont les longues cheminées rejettent d’immondes fumées que l’on devine toxiques. Puis au fil du titre, ça et là, des explosions, détruisant petit à petit la ville désormais condamnée à disparaître. La chanson s’étire et peu à peu les membres du groupe quittent la scène dans un dernier salut au public. Ne restent plus que Trent et son piano. Lentement, il quitte à son tour la scène avec une révérence. 2h se sont écoulées. Magique, inoubliable, les mots n’existent pas pour décrire l’expérience que l’on vient de vivre.

Il y a tant de choses à retenir et tellement peu de critiques. Citons quand même un show peut être trop segmenté en albums, un passage « The Slip« , un passage « Ghosts« , etc… qui ne donne pas vraiment d’unité au tout, mais qui rend compte de l’évolution d’un groupe indus vers un rock électro expérimental. Le son parfois trop fort (surtout pour la guitare) mais toujours clair, dans le sens où on pouvait entendre tous les membres du groupe et surtout les vendeurs de bières et Mike Hard Lemonade qui passent en plein milieu du concert pour vendre leurs bouteilles. Incroyable. Espérons pour vous Européens, que vous puissiez avoir droit à un tel show, mais pour pouvoir installer tout l’équipement, il faut avoir une scène de la taille d’un Bercy au moins, et je vois pas NIN remplir Bercy en France. Pire, avec le taux dollars-Euros, ça doit coûter une petite fortune de tout amener en Europe (déjà, le besoin en électricité doit nécessiter à lui seul une petite usine nucléaire).
La dernière chose à espérer : un DVD live. Niveau show, le concert de ce soir explose « All That Could Have Been » et « Beside You In Time« . N’étant pas particulièrement nostalgique de la période « Downward Spiral« , je dirais que cela explose aussi « Closure« .

En rentrant chez moi (2 heures de route), je me disais, fatigué, que je venais d’assister au meilleur concert de ma vie (j’ai 31 ans et pas mal de concert au compteur) et que NIN, n’en déplaise à certains est l’un des plus grands groupes live au monde. Fuck, l’un des plus grands groupes de tous les temps !

VisualMusic would like to thank NINman and Noir for their pictures and of course our special reporter Brobbybrobb.

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