Picardie Mouv’ ✖︎ Zenith ✖︎ Amiens

Pour sa troisième édition, le Festival Picardie Mouv s’offre une affiche pour la moins éclectique, de quoi ravir les avides de curiosités musicales et/ou artistes confirmés.

C’est dans le cadre très feutré de la Comédie de Picardie et sa sympathique réceptionniste que se déroule la première soirée. Ambiance plus théâtre que concert dans ce joli lieu, une impression qui sera confirmée par deux des trois groupes programmés ce soir là. C’est Zef qui ouvre le bal. Aidée de son comparse préposé à la contrebasse, boucle, seconde voix, la picarde offre un concert entre le one woman show comique et la chanson française, ce qui n’a pas le mérite de nous faire penser à l’abreuvoir de chansons pour supermarché nommée Anaïs. On retiendra surtout une forte personnalité et un humour bon enfant qui l’emporteront sur le musical qui semble n’être là qu’afin de souligner les textes, hum, mordant de la madame…

A peine le temps pour notre photographe de comparer la taille de son objectif avec celui de ses collègues que Marie Modiano est sur scène. Elle s’installe au clavier et est accompagnée d’impressionnant zicos dont Fred Jimenez, ex AS Dragon. La française semble intimidée ce qui ne l’empêchera nullement d’enchanter le public avec les joyaux de son deuxième album « Outland« . Collant parfaitement au cadre, la pop sixites de la miss évoque autant les arpèges de Air que le folk de Carole King. Le public écoute religieusement ces superbes « Spider’s touch« , « Drifters in the wood« , ou le plus intime « Yesterday is back again » et une reprise du « I started a joke » des Bee Gees. Le temps passe vite lorsqu’on est heureux, et Marie quitte déjà la scène avant de revenir pour « Martin » en rappel. A la fin, la timide demoiselle nous demande « pardon pour l’émotion ». On est prêt à lui pardonner beaucoup si elle promet de revenir vite…

On frémit de terreur avant l’arrivée de Claire Diterzi. Les roadies installent un canapé, un écran géant… Une forte odeur de chansons françaises café-théatre se fait sentir… Un film plutôt conceptuel débute et le groupe entre sur scène : une très jolie demoiselle au violon, Angelica Houston à la guitare et un batteur debout (ce sera d’ailleurs la seule raison pour laquelle on pensera à Bobby Gillespie et Moe Tucker de la soirée). Et enfin trois vocalistes dont la Claire dont on n’avait jamais entendu parler. Et la surprise est plutôt bonne. Claire Diterzi fait plutôt peur (les rousses sont des sorcières !) et sa musique idem. Une ambiance énorme à mi-chemin entre David Lynch et Tool (si si on jure), des passages instrumentaux vraiment à la limite de la sorcellerie, des harmonies vocales fantomatiques, on assiste là à un vrai spectacle. Tellement, qu’on ne peut qu’être déçu lorsque Claire Diterzi se lance dans une série de chansons légères et variétoches moins frappées du sceau de sa personnalité, sans parler du sentiment d’être en plein dans Rosemary’s baby et sans prévenir, d’atterrir dans le Gendarme et les Gendarmettes… Il y a une vraie mise en scène (même si on ne pige pas trop pourquoi le canapé bouge par exemple…), une ambiance à défaut d’entendre des chansons inoubliables. Une bonne surprise qu’on cherchera à confirmer sur disque.

Une semaine plus tard, c’est au flambant neuf zenith amiénois qu’on a rendez-vous. L’endroit est grand mais surtout à moitié vide lorsque les rockeurs d’Amiens les Molly’s débarquent sur scène. Les garçons bien peignés ont fort à faire devant un public qui n’est pas acquis à leur cause (à savoir qu’à chaque concert des groupes de l’association Amiens Burning dont les Molly’s font partie, souvent en première partie d’artistes plus confirmés, le public se compose à 80% d’autres musiciens de l’association et de groupies qui systématiquement disparaissent lorsque les héros picards ont fini leur set. C’est ainsi que certains excellents groupes de passage dans le coin se retrouvent à jouer dans des salles à moitié vide comme Poni Hoax la semaine dernière…). Peu importe, les Molly’s attaquent fort d’entrée avec leur excellent « Fast/slow motion« , de loin ce qu’ils ont fait de mieux, avant de doucement laisser place à leur routine garage rock manquant de personnalité pour réellement convaincre. Leur tambouille est sympathique mais manque de panache, dommage car lorsqu’ils daignent sortir de leur éternel axe BRMC/Dandy Warhols, on les sent capable de grandes choses. En attendant, on se contentera des moyens « Take my head » ou « Feelin’ satisfied » qui semblent satisfaire les jeunes filles dans la fosse (un string a volé dixit notre photographe). Un accueil assez poli du public et place à la suite.

Le très bon nouvel album étant plus sombre et moins exubérant, on ne sait pas trop quoi attendre de I’m From Barcelona. Pourtant, c’est bien à près de vingt qu’ils débarquent sur scène et se lancent dans un show tout bonnement énorme. Il semble impossible de ne pas se laisser prendre par ces mélodies immédiates (« Paper planes« ), cette énergie et cette joie communicative. L’équilibre entre les deux albums fonctionne bien (très beau « Andy« ) et les ballons et confettis font leur apparition sur le mini-tube « We’re from Barcelona » que le public, manifestement présent pour Cali, a du mal à reprendre. Qu’importe, la générosité du groupe emporte tout sur son passage et ce concert est une heure durant laquelle on ne cesse de sourire. Le public applaudit à tout rompre, l’excellent « Treehouse » fonctionne toujours bien, mission accomplie, I’m from Barcelona possède ce petit supplément d’âme qui rend les gens heureux.

Cali aussi rend les gens heureux. Sa musique est malheureusement à l’image du bonhomme sur scène : épuisant(e). Il court, saute, demande au public de se foutre à poil et au moment d’empoigner une guitare acoustique, se coiffe d’un beau chapeau de cow-boy… Ben oui, ça fait rock n’roll. Cali n’est pas plus rock que I’m From Barcelona, mais il n’offre que des chansons putassières qui fleurent bon le moralisme textuel habituel de nos chanteurs de variétés. Lorsqu’il entonne son tube « je m’en vais« , on en fait autant.
En quittant les lieux, on croise Emmanuel Lundgren de I’m from Barcelona avec qui on fait un brin de causette et qui nous confie que cette tournée va les emmener à Barcelone, où ils n’ont joué qu’une fois. Comme quoi…

Départ pour Beauvais le lendemain avec la ferme intention d’arriver en retard pour Massala. En vain, malgré tous les efforts du gardien des lieux fort procédurier (« même avec un badge de presse, vous ne rentrez pas sans ticket ! », « Faites le tour, ressortez, faites la queue afin qu’on vous donne un ticket ») nous ne manquons que trop peu du set de Massala. Mince alors. Saturation balourde, démonstrations techniques, passages plus calmes pour que le chanteur nous conte son malaise, on entend pendant 30 minutes un groupe qui n’a visiblement aucune idée de ce que peut signifier mélodie. Le style se veut un mélange entre Tool avec une rythmique aux ambitions plus funky, mais surtout un groupe prétentieux. Lorsque le chanteur bassiste se saisit d’un archer pour jouer ses quelques notes finales sûrement pour donner une impression de chaos total, on ne peut s’empêcher de rire.

Un coup d’œil rapide au public surprend : en plus de la musique qui sonne très fête de fin d’année du lycée, on remarque que le public est jeune voire très jeune. Des gamins pas nés lorsque la France a remporté la Coupe du Monde du foot jouent aux cow-boys devant nous. La fosse est à moitié remplie, les gradins aux trois quarts vides…

C’est à ce moment qu’entre The Kills. Le spectacle est saisissant. Ce groupe malade, intense et rock comme pas deux joue et des gamins d’à peine dix ans jouent aux pompiers derrière nous. La prestation est superbe. Hotel et VV attaquent, c’est le mot, sur « URA Fever » avant de dérouler une grosse heure de rock puissant puisant majoritairement dans le dernier né. Depuis que le duo a découvert la mélodie, impossible de résister à leurs assauts. « Last days of magic » tout particulièrement est une de ces trop rares chansons qui font oublier le monde entourant, l’émotion est palpable sur « Black Balloon« , la rage de « No Wow » impressionne… Ce groupe touche à la fois les corps et les esprits (« Tape song« ), Alisson Mosshart ne peut se définir que par le mot bombe et ce dans tous les sens du terme. On n’ose à peine imaginer le trauma que doivent subir nos amies pré pubères ici pour BB Brunes. Dans un accès rock n roll purement sensuel, l’une d’entre elles tente sa chance avec notre photographe, impressionnée, à n’en point douter, par son gros objectif…

Hé oui, car la tête d’affiche du soir est BB Brunes. Même avec la meilleure volonté du monde, il semble difficile voire pénible de prendre ces gens aux sérieux. Les filles, entre 9 et 22 ans, sont toutes devant et hurlent. Adrien, Adrien, Adrien… Les parents sont derrière. Les quatre gars débarquent sous une ovation et jouent un rock à 100 à l’heure aux mélodies facilement mémorisables. En fond de scène, un impressionnant jeu de lumières. Trois B apparaissent. Ils s’illuminent les uns après les autres. De gauche à droite tout d’abord. De droite à gauche ensuite. Soudain, la complexité gagne et c’est le B central qui s’allume le premier. Sans chercher à enfoncer des portes ouvertes, le terme bébé rock s’impose. Au mieux, on pense à Téléphone ce qui n’est déjà pas spécialement un compliment. Le reste du temps, on navigue entre compositions emplies de clichés rock et décalque scolaire des Libertines, mais pas de chansons marquantes. Dommage, on adorerait que tous ces groupes de la nouvelle scène rock soient tous excellents. En attendant, BB Brunes ne peut se définir que par embarrassant. Si ce n’est les guitares, on peine à sentir une différence avec les Boys Band de la grande époque. Ce groupe ne joue pas du rock, il joue aux rockeurs.
On n’a pas le courage d’attendre le tube « Dis-moi« . En sortant, des parents patientent, « on se croirait à la garderie » dit l’un d’entre eux. On lui sourit, le pauvre vient d’apercevoir les mecs qui offrent à sa fi-fille adorée ses premiers émois sexuels. Pas facile.

Que retiendra-t-on de Picardie Mouv’ ? Que le pari du mélange des genres n’a pas été très heureux, que les têtes d’affiches n’étaient pas les bonnes (les Kills jouent avant BB Brunes…) ce qui explique probablement les salles peu remplies. Un recentrage vers un style serait peut être à revoir…

Merci à ma Virginie, Stéphane Lazreg pour les tofs et Charlotte à Lollypop.