Kid North dans le Nord, on croit rêver. Appeler son groupe ainsi et venir se risquer sur les terres d’un pédophile consanguin, c’est quand même maximum risque. Heureusement, le groupe n’est plus à ça près et a donné fort aimablement de sa personne, dans un coin sombre, près de la Péniche où le quatuor venait d’effectuer sa dernière prestation scénique en date et ce, devant un public conquis. Interview garantie sans attouchements.
Qu’est-ce qui vous pousse tant à varier les styles ? Entre RQTN pour toi Mathieu, Greg et ses nombreux projets (le Rémi Bricka version 2011) ou encore Admiral’s Arms dans le cas de Gary…
Mathieu : Je pense qu’on écoutait tous déjà des choses qui n’avaient rien à voir avec ce que l’on faisait comme musique… Et je pense qu’il y avait une envie de faire ce genre de choses après, c’est assez différent pour chacun mais moi, j’écoute beaucoup d’émo, d’indé, de choses comme ça. C’est le mix de tout ce que l’on n’a jamais fait en fait.
Greg : Au départ ça vient quand même de toi puisque c’est toi qui as commencé à écrire des morceaux.
Mathieu : Ouais mais ça changé depuis… Le style de musique, ça vient des envies de chacun..
Greg : Ouais mais on s’est quand même reconnus dedans à la base.
Gary : Pour moi… C’est parce que chacun, comme tu dis, a son passif. Moi, j’ai toujours fait des trucs bien bourrins… Depuis toujours… Mais en même temps, j’ai toujours eu envie de faire un truc qui fait danser les gens, un truc cool où les gens ont le sourire, enfin cet état d’esprit car j’aime beaucoup ça. Et comme ça faisait longtemps que j’en avais envie, et bien on s’est rencontrés, ils avaient déjà des chansons que j’aimais énormément et du coup, l’occasion s’est présentée à ce moment-là. Mais c’est une envie qui date.
Mathieu : Et puis c’est très rare de trouver des gens voulant faire ce type de musique parce qu’on est quand même dans un milieu qui est vachement fermé même si tu rencontres plein de gens, mais c’est toujours les mêmes mecs, des mecs influencés par le milieu métal, hardcore, punk et tout ce qui en découle et ici, c’est pas juste un effet de mode…
Greg : En fait, c’est super dur de trouver des gens qui adorent plein de trucs à mort et qui ont juste envie de faire tout.
Gary : Et qui adorent se faire chier aussi ! Se prendre la tête à faire les choses bien, être tous dans cette optique. Parce que ça, ça arrive plein de fois où tu montes un groupe et t’es déçu parce que certaines personnes n’ont pas la même motivation, la même vision de la composition et là, ce qui est cool, c’est qu’on s’est tous trouvés car on est d’accord sur la démarche, la manière de procéder..
Mathieu : Ça c’était le côté humain de l’interview.
Gary : Ouais, c’était la minute humaine (rires).
Après on en parlait avec Greg est-ce qu’il y a pas une envie de toucher un public plus large, en étant moins pointu que sur certains projets, histoire de se faire connaitre ? Ce qui est tout naturel quand on monte un groupe, on le fait pour jouer dans sa cave ou chez soi… Quand on approche la trentaine…
(Le groupe se marre).
Gary : Et bing !
Le groupe se re-marre (Greg : CHEH !)
Mathieu : Je pense que ça peut être vu des deux côtés, soit on a envie de toucher le public et on se demande ce que l’on peut faire pour arriver et bien, on va faire ce type de musique parce qu’on l’adore ou alors on adore ce type de musique et forcément ça va toucher le public. Mais oui, au fond, on en avait aussi envie. C’est peut-être inconscient…
Greg : Mais c’est une contrainte qui est trop bien, je trouve. Se dire on va faire un truc mainstream mais hyper intéressant en même temps. Avec notre background, on va faire un truc mainstream qui CHIE, qui soit intéressant et cool à écouter. C’est un challenge qu’on n’a jamais eu avant avec nos projets où on était à fond dans la réflexion artistique, un truc hyper chiadé, hyper intéressant et là, y’a une autre contrainte tu te dis « putain, il faut que ça danse, que ce soit efficace et en même temps que ça intéresse les gens »… C’est ça qui fait vachement envie là-dedans.
Gary : C’est un truc dont on se préoccupait pas avant, c’est une démarche qui était secondaire, d’abord la composition. Parce qu’on a envie de faire un truc hyper travaillé, très arrangé. Et en bossant sur ce style de musique, on s’est vite aperçus que c’était tout à fait logique d’ajouter comme seconde exigence que ce soit efficace, que ça touche tout de suite et ça, c’est hyper excitant. Penser que ça peut te faire un truc, à toi, à la première écoute et que ça peut être pareil pour une autre personne. C’est pas juste toi qui compose ta musique pour toi, c’est plus ouvert…
Greg : Et ça, c’est nouveau pour tout le monde.
Mathieu : Je pense que ça, ça vient aussi d’un rendez-vous avec un mec qu’on a réussi chopper qui bosse chez un gros label sur Paris, qui nous a expliqués pourquoi notre musique était problématique au début du groupe et ce qu’il faudrait arranger en conséquence. Et du coup, on a compris plein de choses, c’est vachement intéressant parce que ce mec-là, il veut vendre des disques et en fait… Il adorait le titre « Hide and Seek » par exemple et il se disait que tous nos titres allaient ressembler à ça. Et nous, on était dans cette période, surtout que le groupe était encore jeune, Gary venait d’arriver, on était encore que tous les trois (avec Greg et Axel) et on créait des trucs un peu fous. Ce mec nous a expliqués l’approche que l’on devrait avoir et il avait tout à fait raison. Tu vois, une approche pop avec intro, couplet, refrain, couplet, refrain, pont refrain, couplet, refrain avec cette double lecture que l’on a nous.
Donc le single de zouk, on oublie quoi…
Greg : Nan ça zoukera, mais ça zoukera sur RTL2. Faire zouker la ménagère, c’est un peu notre fond de commerce (tout le monde se marre).
Mathieu : Ce qui est marrant, c’est qu’on continue à écrire des chansons en ayant cette optique de plaire aux gens tout en proposant une double lecture, c’est à dire faire quelque chose d’intéressant même pour nous et ça continue à évoluer dans ce sens. Et mine de rien, depuis 3-4 titres, je trouve qu’on commence à avoir un style et finalement, c’est pas si évident que ça et c’est pas de la musique pour RTL2 justement. L’idée, c’est vraiment d’être très accessible et très travaillé, pas de faire un truc pop bateau et pour ça, j’ai l’impression que le défi que l’on s’est imposés est relevé. Bon, même si là, y’a encore tout un album à composer. On est sur de bons rails..
Ouais et l’air de rien, quand on cite des groupes comme Phoenix et Foals, c’est pour moi une preuve que vous avez atteinte cette mission de toucher des gens avec des morceaux bien foutus.
Greg : Surtout que ce sont des groupes qui se prennent à mort la tête sur des trucs, les chansons sont hyper efficaces au point que ça fait danser n’importez quelle « pute à mèche » en soirée (tout le monde lol) alors qu’ils prennent un mois à claquer une mesure.
Gary : Y a un côté gratifiant à être comparé à ces groupes dont on admire la démarche, surtout que c’est une démarche que l’on essaie d’avoir.
Et comment vous vous êtes retrouvés chez Antiheroes, parce que mine de rien, c’est un plus aussi pour vous…
Greg : Bah en fait, Antiheroes, ce sont des potes. Je les connais depuis des dates effectuées sur Toulouse avec Time To Burn et eux sont comme nous, c’est-à-dire qu’ils ont des groupes fous, des trucs ultra bourrins comme des trucs ultra pop et ils ont aimé cette démarche-là. Leur volonté c’était de mettre tous leurs groupes en commun et faire une structure qui en impose. Pas un label, pas une grosse structure mais un truc qui présente suffisamment pour avoir une image très classe, une grosse image, afin de mettre bien en avant des groupes qui ne bénéficient pas d’une grosse visibilité autrement.
Mathieu : Ouais, c’est surtout un truc de copains pour boire des coups (rires).
Ouais parce que pour le coup, je pensais que c’était ce genre de choses qui vous avait permis d’aller au Rut n’ rock…
Mathieu : Bah justement, ça n’a rien à voir.
Greg : J’avoue qu’en fait, on a pas mal de bons plans avec ce groupe…
Parce que finalement, c’était votre troisième ou quatrième concert ce soir ?
Gary : Ouais, troisième.
Greg : C’est un piston encore, un mec que j’ai rencontré quand j’étais avec Dawnshape (ndr : ce mec couche, j’en suis certain), c’était en Allemagne, et là-bas, ils se prennent vraiment pas la tête le mec me dit « ha je suis programmateur, ce groupe je kiffe et ben, vous venez« . Même si t’as fait zéro concert, t’es traité comme une rock star et ça, c’est cool quoi.
Et sinon vous avez une anecdote sur ce festoche ?
Gary : Non (rire général bien sûr devant cette réponse sèche).
Et les chaussettes rouges alors, c’était pour claquer un effet 3D sur scène ?
Mathieu : Nan, j’ai pas fait exprès…
Gary : On l’appelait Sonic…
Mathieu : J’ai pas de chaussettes aujourd’hui.
Gary : Mais il a des chaussures Maya. 2012. (rires)
À la base, Kid North était une initiative solo mais pour l’album alors, ça se présente comment maintenant ?
Mathieu : C’est beaucoup plus collectif, on ne voulait faire qu’un EP et puis finalement, on s’est dit qu’on allait faire un album, un vrai de 10-12 chansons. Du coup, c’est plus du tout le même mode de fonctionnement. Pour l’EP, je leur ai juste demandé s’ils voulaient jouer, alors que là c’est très structuré, on s’envoie des démos…
Greg : c’est très « corporate« . On a des powerpoints, des feedbacks (rire général). Même si tu restes le performer du groupe, t’es celui qui est à la base de nos chansons, c’est toi qui la fais et ensuite on réagit dessus. Même si chacun a son mot à dire, on fait en sorte que tout le monde soit content.
Mathieu : C’est vachement plus collaboratif. Le fait est que je suis celui qui a le plus de temps… Mais rien ne passe en force quoi. Chacun a son mot à dire et si un truc ne plait pas, on va le changer.
Gary : Y a rien de conflictuel.
Mathieu : Ça ne l’est que sur des trucs bénins parce qu’au fond, on a les mêmes envies.
C’est « l’album de la maturité », c’est ça ?
Mathieu : Franchement, ça va être assez différent de l’EP, du coup je me demande vraiment comment les gens vont réagir. C’est moins fun, moins enfantin, moins rock.
Greg : Sur un album, tu peux pas te contenter de balancer la sauce comme sur un EP. Y a 10 titres à tenir mais en même temps faut que ce soit agréable.
Mathieu : Même au niveau des paroles, ça a pas mal évolué. Sur l’EP, les paroles sont pas ultra travaillées, j’en suis pas forcément fier… Il fallait que j’écrive des paroles pour accompagner mon envie musicale. Là, tout a changé avec l’apport de chacun. Ça ne parlera plus d’amour perdu ou alors en tout cas, ça en parlera mieux.
Justement, j’allais en arriver là car on parle souvent de la musicalité du groupe mais niveau paroles alors, tu écris sur quoi, pour les personnes qui seraient moins à l’aise avec l’anglais…
Mathieu : Ha ! On a une anecdote pour le festival en Allemagne, à la fin du festoche, on s’était lié avec les anglais du groupe Middleman, le mec m’avait balancé « c’est super bien le chant en français » (rire général en français).
Greg : Enfin le mec a dit direct « j’ai pas bien entendu« , genre pour se rattraper quand il a vu la tête… (rires)
Mathieu : Merde, pourtant je fais des efforts. C’est de la faute des anglais, ils venaient de Leeds. Sinon de façon globale, ce sont des trucs qui me touchent. Je suis un peu autiste et ça me permet d’en parler. C’est vraiment du descriptif, rien de cathartique ici, je ne cherche pas à expier quoi que ce soit, je cherche juste à décrire une sensation, comme une photo. Niveau paroles, je bosse comme avec RQTN, des fois, j’ai une pensée, un besoin d’exprimer un sentiment et le fait d’écrire là-dessus me permet de mieux la comprendre. D’ailleurs, c’est rarement très triste, ce sont généralement des faits. Y a pas de message. C’est souvent lié à un moment très fort.
Gary vous a rejoints mais vous n’aviez pas un autre guitariste initialement ?
Mathieu : On avait Jérémy Savry, le claviériste de Jean Jean et on s’entendait très bien, c’est juste que ça collait pas sur certains points…
Greg : Et même lui s’est rendu compte qu’on n’avait pas les mêmes objectifs.
Mathieu : Mais on est toujours en très bons termes.
Et sinon ce nom, il vient d’où ?
Greg : Il a mis du temps à trouver.
Mathieu : J’ai une fascination pour le Nord, le froid, je suis aussi un grand enfant et gamin, j’étais aussi froid et distant… donc voilà et puis je trouvais que ça sonnait bien pour un groupe.
Ouais parce que RQTN, c’est mot compte double ça au scrabble, non ?
Greg : Est-ce que tu diras ce que ça veut dire ?
Mathieu : Non, jamais.
Et sinon quelle est la prochaine étape pour le groupe ?
Mathieu : Là, ce qu’il nous faut,c’est une bonne date sur Paris parce qu’on a pas mal d contacts label qui attendent de voir ce que l’on peut faire. Donc là c’est surtout boulot boulot niveau compo. mais avant c’est l’écrit et une fois que ce sera sorti, ce sera promo promo promo concert concert amusement et jouer jouer jouer…
Gary : Le but c’est de foutre une claque dans une bonne salle. Parce que les premières dates sont Paris étaient sympas mais l’environnement ne s’y prêtait pas ! Des caves, c’est cool quand t’as un son crado avec des distos alors que là le son est très propre et la batterie résonne à mort et du coup, ça rend pas. On est déçus que les concerts que l’on ait fait chez nous à Paris soient moins bien que tous ceux que l’on a faits ailleurs…
La question Visual, coke ou putes ? Vous pouvez dire enfant, on est dans le Nord.
Mathieu : ha bah, c’est enfants alors !
Gary : « poke » un mix des deux.
Greg : Ouais enfants parce que la coke, ça te nique le nez.
Gary : Axel c’est les deux.
Axel : Moi j’entre au monastère la semaine prochaine.
Gary : Ouais les deux pour Axel. Faut qu’il profite ! (rire général).
Un dernier mot pour la fin ?
Greg : Spéciale kassdédi à la 6e B de Bobigny !
Mathieu : Et des bisous à Antiheroes. Ouais voilà.
Axel : Et merci à VisualMusic, parce que c’est un peu le webzine officiel de tous les projets de Greg (rire général).
Greg : C’est vrai ! Je devrais avoir une carte de crédit Visual.
Merci au groupe pour sa disponibilité, sa bonne humeur et son plaisir intact d’étrenner encore et encore sa musique chez les provinciaux. Big up aux chaussures maya de Mathieu aussi. Et la bise à Axel (même si je sais qu’il aime pas ça) pour ses nombreuses interventions, sachant que j’ai dû couper le peu qu’il avait placé lors de cette interview fleuve…
