Interview ☭ Plastiscines

Les Plastiscines sont bien des filles : elles sont en retard à la Lune des Pirates et de ce fait en retard pour l’interview. La rigueur allemande héritée de maman fulmine, le plaisir est dans l’attente parait-il.
Et elles arrivent.
Il suffira d’un sourire de Katty (chant-guitare) et d’une invitation de Marine (guitare-choeurs) à les suivre dans leur loge et tout sera oublié. L’homme est faible. Anaïs (batterie) et Louise (basse-choeurs) arriveront un peu plus tard.

VisualMusic : Comment ça se passe cette tournée ?
Katty : Très bien, on est vraiment super contentes de la manière dont ça se passe. On a commencé la tournée en Angleterre il y a un mois et là on est en France. On a fait la Maroquinerie avant hier et on a aussi ouvert pour 30 seconds to Mars à Bercy. C’est assez impressionnant quand même mais bon une fois sur scène on ne voit que les gens du premier rang et pas trop derrière. C’est plus l’appréhension qui fait flipper.

Anaïs : On avait presque l’impression que c’était faux en fait comme si c’était un décor ou un trompe-l’œil !

K : Et puis les gens ne sont pas éclairés donc tu ne les vois pas.

VM : En parlant de public : c’est qui le votre ?
K : C’est assez diversifié, on a des jeunes de quinze ans tout comme des personnes qui ont la cinquantaine, peut être que ça leur rappelle le rock qu’ils écoutaient étant plus jeunes, je ne sais pas. Mais principalement c’est une génération de quinze seize ans qui nous écoute.

VM : Et vous, vous écoutez quoi ? Qu’est ce qui vous a fait prendre une guitare un jour ?
K : On est allées à un concert des Strokes avec Marine avec Kings of Leon et Ben Kweller en première partie. Ils avaient une vingtaine d’années et on s’est dit qu’on voulait faire la même chose et on s’y est attelées tout de suite. Maintenant on écoute pas mal de vieux trucs, les Ramones, les Buzzcocks.

VM : Shangri-las ?

K : Ouais pour cet album on a été très influencées par ce genre de groupes pour les chœurs, tous les groupes en –ettes en fait !

VM : L’exil au USA c’est un hasard ou une démarche volontaire ?
K : Ça s’est fait naturellement, on n’avait plus de maison de disques en France et on a eu cette opportunité avec Nylon Records alors on a foncé. C’est une belle aventure il n’y a pas beaucoup de groupes français qui font ça. On s’est lancées à fond et ça a bien marché. On a rencontré notre producteur Butch Walker, qui a bossé avec Pink, les Donnas ou Weezer et il a aussi son propre groupe.

VM : Et ça a donné ce nouvel album au son plus musclé mais aux chœurs plus sucrés…

K : Carrément bien la formule ! On a beaucoup travaillé sur ces guitares plus agressives contrebalancées par des chœurs assez légers.

VM : Avec une grosse pointure comme Butch Walker à la production vous n’avez pas eu peur que sa personnalité puisse à un moment prendre le dessus sur vos compos ?
K : On a eu cette appréhension avant de partir parce qu’on ne l’avait rencontré qu’une seule fois avant, c’était au festival de Coachella, je ne sais pas si tu vois ce que c’est (NDR : Oui je vois). On s’était rencontrés vite fait, ça s’était bien passé mais après on ne savait pas trop ce que ça donnerait au quotidien. On a eu peur qu’il veuille tout changer mais en arrivant on a fait une première repèt’ et il a adoré, il est très cool, on a eu un très bon échange.

L : Ce qu’on sait moins c’est qu’il produit aussi plein de groupes indé pour lesquels il a des coups de cœurs, des trucs punk qu’on ne connaissait pas mais qui nous ressemblent plus.

M: Il faut dire aussi qu’on est arrivée avec des chansons déjà prêtes, il y avait déjà eu un gros boulot de notre part et ça l’a soulagé car il a compris qu’on allait avoir un vrai échange parce qu’il a nous a dit que parfois des groupes se ramènent en studio et c’est lui qui doit composer l’essentiel des chansons, là il a plus enjolivé nos chansons qu’autre chose.

VM : L’album est globalement bien reçu mais toutes les chroniques disent la même chose, y compris la mienne, « les Plastiscines on a toujours su qu’elles étaient bien »…
Ça fait quel effet ?
K : Nous aussi on savait qu’on était bien ! On ne se prend pas la tête tu sais, on est contentes de revenir avec un album qui est bien reçu et qui montre qu’on n’est pas qu’un hype, pas du rock H&M !

VM : C’est marrant, on a l’impression que vous n’avez pas du tout d’amertume par rapport à tout ce qui s’est dit sur vous alors que vous vous en êtes pris plein la gueule.
K : Oui c’est sûr mais après si toutes les mauvaises critiques te vont droit au cœur au bout d’un moment ce n’est plus gérable…

A : On est avant tout contentes d’avoir conquis un nouveau public avec ce disque, c’est mieux que de regarder en arrière. Et puis le premier a plutôt été bien reçu, on a fait plein de concerts, ça s’est bien passé.

VM : Donc en gros vous êtes jeunes, jolies, vous avez un groupe qui marche, vous suscitez de l’intérêt à l’étranger, dans les magazines de modes, vous chantez en anglais… Finalement ça fait quoi d’avoir tous les défauts ?
(NDR : ce qui ne manque pas les faire rire)
A : Pour la mode il faut dire aussi que dans le rock il y a toujours eu cette connexion entre les deux mondes.

K : On s’y prête aussi souvent et de bon cœur. Il faut voir qu’on est des filles d’une vingtaine d’années et on adore ça, c’est comme un rêve de petite fille, on ne va dire non sous un faux prétexte d’intégrité ou je ne sais pas quoi.

L : Et puis ça ne pose problème qu’en France, aux USA ils sont contents de voir des filles bien habillées débouler sur scène… Et puis oui c’est lié, les Ramones avaient un dress-code, les Beatles aussi.

K : Pete Doherty a même créé une ligne de vêtements mais personne ne vient lui dire quoi que ce soit parce qu’il est anglais, c’est un mec. Nous on est des filles françaises donc voilà…

VM : Quelle est la part d’ironie dans le titre de l’album « About love » ? Est-ce que c’est une réponse à tout ce qu’il y a pu y avoir de négatif à la sortie du premier ?
A : Non c’est plus de l’amour dans le sens universel du terme, pas juste un garçon une fille, c’est comme un slogan un peu, on avance dans la vie grâce à ça.

K : On n’est pas rancunières.

VM : Même sur « Bitch » ?

K : Bon pour le coup oui mais c’est la seule.

A : Mais bon c’est aussi à prendre au millième degrés. Et on kiffe voir les mecs chanter « I’m a bitch » en concert.

L : L’autre soir j’en parlais avec une nana féministe qui me disait « oui mais bitch quand même, le terme est fort, c’est pas bien » mais je lui ai expliqué que la chanson parle plus de s’assumer avec ses qualités, ses défauts, c’est positif tout ça il ne faut pas se fixer sur le côté salope.

VM : On a un peu l’impression que vous n’êtes pas tout à fait un groupe comme les autres en ce sens où un groupe normal, on aime ou on n’aime pas et basta. Pour vous, particulièrement lorsqu’on n’aime pas, il semble obligatoire de s’acharner sur tout et n’importe quoi, vos franges, sur vos chaussures, le fait qu’on vous entende parler à la fin d’une chanson, la taille de vos jupes mais rarement sur la musique, vous avez aussi ce sentiment ?
K : Oui comme tu dis, le truc c’est que c’est rarement sur la musique. Les gens s’arrêtent tout de suite sur ce qu’ils voient en premier, nos fringues etc et souvent ne prennent pas la peine d’écouter la musique.

A : Remarque tant que ça fait parler de nous

VM : Toute pub est bonne à prendre.

K : Carrément.

VM : J’ai l’impression que ce qu’il y a à retenir de tout ça (NDR : le « tout ça » les amuse beaucoup) c’est que les haters comme on dit ont beau s’acharner, au final c’est vous qui remplissez les salles, vivez de votre musique et réalisez vos rêves…
A : A fond !

VM : Donc on peut vous souhaiter encore plus de « tout ça » ! C’est quoi vos projets futurs d’ailleurs ?

K : Tu peux nous souhaiter des plus grosses salles ! On continue la tournée en France et ensuite en Europe, en Italie en Espagne.

L : L’album va bientôt sortir là-bas mais il est déjà dispo sur iTunes.

VM : Un membre de VisualMusic très branché girlie m’a demandé votre avis sur Chuck Bass…
A : Il est hot !

K : Il est très cool, il est venu nous parler et a joué avec la guitare de Marine. On lui a posé plein de questions. Il était vraiment super sympa !

VM : Ok, puisque votre album en parle, questionnaire love.
Si l’amour était une série ?
A : Gossip Girl.

L : La petite maison dans la prairie !

VM : C’est en effet une certaine idée de l’amour…
Un film ?

A : Love Actually

VM : (Moue effrayée) Une scène de film ?

A : Dans Love Actually quand le type fait sa déclaration d’amour avec les cartons pour pas que le mari entende.

VM : Un tableau ?

K : Heuuuuuu…

L : On passe !

VM : Une chanson ?

K : Un beau cliché : « All you need is love » !

VM : Une ville ?

Toutes : Paris !

VM : Un livre ?

A : Putain, c’est toujours quand on nous pose ce genre de questions qu’on n’a rien qui vient en mémoire !

L : Lettre à D de André Gorz

VM : Bon les Plastiscines, vous êtes plus branchées coke, putes, gigolos ou coup de putes ?
A : En ce moment les coups de putes mais en général un mix de tout !
K : Les gigolos !
A : Toi tu finiras comme une cougar !!

Et c’est fini. On blablatte rapidement sur la set-list à venir, sur le fait qu’elles ont répondu à toutes mes questions avant que je les pose (signe d’un groupe intelligent ou d’un journaliste défaillant) et au revoir.
Le soir même, les Plastiscines donneront un concert solide, ne se laissant pas emmerder par les quelques rigolos du public.
Toutefois, plus qu’à un groupe lié par et pour la musique, reste une petite impression étrange d’avoir discuté avec quatre personnes tombées au bon moment au bon endroit…
Mais après tout n’est-ce pas là le cas de tous les groupes?