Interview ☭ RQTN

Conditions un peu particulières pour cette interview de Mr. Artu, puisque l’éloignement géographique nous a contraints à discuter sous gtalk, à la place d’un face à face bien réel. Plusieurs conséquences à cela : sur le fond, le privilège pour Mathieu de pouvoir bien réfléchir à ses réponses, mais du coup, l’avantage pour le lecteur de pouvoir lire ses propos sans retranscription. Et pour la forme, une interview à la mise en page très découpée, puisqu’il s’agit tout simplement de l’enregistrement de nos échanges, sans modification ou réorganisation.

On va commencer par une classique petite présentation, puisque tu restes très discret. Qui es-tu Mathieu Artu ?
Aie, tu commences fort. Effectivement, je reste assez discret. Je viens tout juste de mettre une photo de moi sur Myspace en plus de 2 ans d’existence. Pour essayer de faire simple, je suis comme tout le monde, j’ai 23 ans, je travaille, je mange et je fais de la musique accessoirement. Franchement, c’est salaud comme question ahah.

Justement, cette discrétion, c’est un trait de caractère ou un choix délibéré de rester en retrait ?
Ça, je ne sais pas vraiment. Je ne suis pas du genre à tout cacher, mais j’essaye de choisir ce que je montre. Je ne suis pas le mec qui se planque tout au fond, mais je vais réfléchir plus d’une fois avant de me « mettre en avant ». Après, c’est vrai que c’est quand même un trait de caractère, j’évite de trop en montrer, puisque la plupart du temps ça ne sert à rien, tout le monde s’en fout. Après tout, j’imagine qu’on écoute RQTN pour la musique, et pas parce que le compositeur twitte qu’il mange une pizza.

Tu peux nous parler un peu de ton parcours musical et de RQTN ? C’est ton premier projet ?
Alors, pour le parcours musical, si on peut appeler ça comme ça, j’ai fait quelques années de solfège, j’ai joué de l’orgue à l’église (le seul endroit où il y’avait un « piano » dans mon patelin), quelques années plus tard j’ai appris la guitare et la batterie seul, et depuis j’essaye de m’aventurer un peu plus loin. Cette année par exemple, j’ai beaucoup développé le côté électronique, j’ai appris à gérer un home studio. Je me suis aussi mis au violon, avec beaucoup moins de succès. Sinon, niveau projets, j’en ai eu quelques un avant. Le plus concluant s’est avéré être Atheist Prayer. Après, je pense clairement que je ne suis pas fait pour jouer en groupe. J’ai vraiment besoin de tout contrôler. Mais je me soigne, quelques projets pointent le bout de leur nez avec la bande des truands.

J’allais justement y venir, c’est donc bien un choix de travailler seul ? Et je suppose que tu parles de toute la bande du Radius Lab, tu peux nous en dire plus sur ces projets ?
Oui oui, c’est clairement un choix. J’en avais marre de ne jamais réussir à faire ce que j’avais en tête quand je travaillais avec d’autres personnes. Et je pense qu’ils en avaient marre d’avoir un chef d’orchestre aussi, c’est de bonne guerre. Tout seul, je fais tout ce que j’ai en tête, je n’ai pas de limites. Et puis ça supprime les contraintes matérielles, répéter 3h par semaine avec 1h pour installer une batterie, ça me fatiguait vraiment. Maintenant, c’est beaucoup plus simple. J’ai une idée dans le train ? C’est noté. J’ai une ligne de basse en tête alors qu’il est 4h du matin ? Je peux l’enregistrer. C’est libérateur, voilà. Je peux enfin faire ce dont j’ai envie.
Sinon, c’est assez réducteur de parler du Radius Lab, puisqu’il manque Antoine ! Mais c’est vrai qu’on s’encourage bien, on a plein d’idées et le fait d’être toujours ensemble, forcément, il finit par se passer quelque chose.
Avec Antoine (de Dawnshape) justement, on est en train d’élaborer un petit truc pour jouer à 2, très pop, très catchy, très tubesque, où on miserait tout sur la qualité des arrangements et des sonorités.
Et parce qu’il faut toujours qu’il soit listé partout, je prépare avec Greg le(s) live(s) de RQTN. Ça avance bien d’ailleurs…

On reviendra à cette histoire de live un peu plus tard. Pardon pour Antoine au passage. Et vous avez quel genre relation du coup avec toute la bande, vous vous êtes connus comment ? Ce projet a l’air d’être un peu dans la même veine que les Last Shadow Puppets non ?
Alors pour les rencontres, c’est pas compliqué. J’ai rencontré Greg à l’enregistrement de l’EP d’Atheist Prayer, Antoine l’a rencontré à l’enregistrement de l’EP de Dawnshape, et puis un jour on s’est tous retrouvés à un concert. Et depuis, on se voit 6 jours sur 7 et on ne va plus a aucun concert ahahah.
Sinon, pour les Last Shadow Puppets, je ne sais pas car je n’écoute pas ce groupe… La magie de l’interview par internet, c’est que j’ai mis le Myspace en fond, et définitivement, non, ça ne ressemblera pas à ça.

Ok, revenons-en à RQTN. Comment est-ce que tu décris ce projet, à part l’histoire d’un mec qui faisait de la musique tout seul ?
Ca pourrait être un titre de film ce que tu nous dis là… Ce projet, je pense que c’est un peu le carnet de notes où je dis tout ce que j’ai envie de dire, de la façon dont j’ai envie de le dire. RQTN me permet de parler de pas mal de petites choses qui sont là, mais que je ne saurais pas réellement expliquer.
J’avoue que mes réponses sont un peu à coté de la plaque pour cette question… ahah
Disons que, pour synthétiser, RQTN c’est une façon très égocentrique de figer mon état d’esprit à certaines périodes importantes de ma vie, comme une photo musicale. Et non, je ne parle pas des cartes d’anniversaire qui font de la musique.

Le dernier album, « Decades And Decisions » est bien plus électronique que son prédécesseur, qu’est ce qui t’as orienté dans cette direction ?
En fait, si tu écoutes bien Monolithes, tu verras que j’étais déjà très tenté. J’avais déjà beaucoup utilisé de pads. Je ne regrette pas, mais pour Monolithes, je m’étais quand même posé certaines barrières. Il ne fallait pas que ça sonne électro, sinon mon maigre public de black-métaleux de Pologne n’allait pas apprécier. Je ne dis pas que ça aurait beaucoup changé l’album, mais disons que je me suis un peu « contenu ».
Pour en revenir à Decades, cette fois ci, je me suis vraiment lâché. Dans Monolithes, il y avait un côté orchestral virtuel non assumé, qui fait que toutes les cordes sonnaient mal, parce que je voulais qu’elles sonnent « réel » et non « synthé ». Là j’ai décidé d’assumer totalement, que finalement, je n’avais pas un orchestre philarmonique à dispo, que j’avais envie d’utiliser des leads synthétiques, et de créer des beats super puissants. Du coup, c’est vrai que ça a pas mal changé l’orientation musicale, mais j’ai envie de dire : en surface. Car au final, j’ai gardé ma façon de composer, qui reste très post-rock (pas de refrain, pas de couplet, des progressions, des envolées) et le piano reste l’élément central, le liant.

C’est justement ce que je me disais aussi, que le piano restait l’élément central. Du coup, « Decades And Decisions« , c’est RQTN qui s’assume ?
Voilà, c’est exactement ça. C’est l’album que je me suis toujours empêché de faire. Et finalement, ça fait du bien de s’assumer.

Pour rester sur le son de Decades And Decisions, tu as un truc pour créer des choses aussi magiques que l’envolée de « A Shelter For Lovers » ou les sons kitch de « A Dawn To Rememeber » ?
Oui, je fais mes chansons en 10 minutes.
(Et j’esquive royalement la question)

Ah ah ok, merci en tout cas d’avoir divulgué ton secret.
Je suis pas un vendu comme la laitière !

Pour le moment, comment sont les retours sur ce nouvel album d’ailleurs ?
Pour l’instant, les retours sont peu nombreux, mais tous positifs. Je m’attendais vraiment à une vague d’insultes, mais finalement, les auditeurs ont compris que ce n’étais pas un revirement hype, que c’était une vraie démarche, peut être un accomplissement. Pour tout te dire, j’ai surtout eu les retours des personnes qui m’entourent, et de quelques « fans ». Je ne sais pas du tout ce que vont en penser les rédactions spécialisées, et j’avoue que j’ai assez hâte de voir le résultat.
En général, j’ai constaté que pour la plupart des gens, RQTN c’est surtout We Were … We Are, même si Monolithes commence à se frayer un chemin. En tout cas, les auditeurs de We Were et de Monolithes ne sont pas du tout les mêmes. Je pense que ça va peut être encore changer pour Decades. Ce qui explique pour l’instant le peu de retours.
Enfin, tant que ma mère peut faire son repassage en l’écoutant, ça me va.

Alors je vais te rassurer en te disant que je fais ma vaisselle au rythme de Decades
Ahahah. Heureusement que tu ne fais pas la vaisselle au rythme de Autechre (duo électro très apprécié de Greg, aux rythmes de folie, impossible à écouter).

Tu as des influences particulières avec RQTN ou c’est vraiment quelque chose de personnel ? Et tu écoutes quoi d’une manière générale ?
Franchement, non, les influences viennent de partout. Il m’arrive souvent de me dire, tiens, il y’a un coté ci ou ça, ci ou ça étant deux groupes totalement différents. Au niveau de ce que j’écoute, c’est assez varié franchement. Pop, new wave, indie, electro, hardcore… Je ne suis pas cloisonné dans un style de musique particulier, par contre il me faut obligatoirement certains ingrédients. Dans tout ce que j’écoute, je pense qu’il y a un dénominateur commun. Il faut que le coté mélodique soit très en avant.
Pour te donner une idée, dans mon top last fm de cette semaine, il y a Death Cab For Cutie, Monochrome, Bar For Lashes, Phil Collins, Alexisonfire, Talk Talk et The Knife

Aaah, Phil Collins c’est donc de là que viennent tous ces beats un peu old school.
Ca m’a forcément influencé ! Tous les crédits reviennent à Greg qui m’a fait replonger dans la partie intéressante de sa discographie, c’est à dire ses 3 premiers albums.

On pensera à lui dire merci ! Tu cultives une part de mystère avec RQTN : il y a bien sûr la signification qui reste toujours inconnue, ou encore ces dates sur chaque titre de Decades… Tu peux nous éclairer un peu ?
Oui allez, je vais t’éclairer sur la signification de RQTN. En fait non.
Sinon pour les dates, ça va avec l’histoire de l’album. Je voulais parler des différents choix qui s’offrent à nous à un moment ou un autre, et des différentes routes que ces choix tracent. Je pense beaucoup à ça, et ça m’a fait réfléchir sur les choix qu’ont eu à faire mes parents et mes grands parents, qui ont conduit à ce qui existe aujourd’hui. Si ils avaient ne serait-ce que choisi l’autre option, je serais peut être en train de faire des courses de mini-moto à Dunkerque. Du coup, je me suis documenté, j’ai échangé avec les membres restants (c’est à dire peu), et j’ai associé chaque titre à un choix crucial qui s’est présenté à eux à un moment donné. Il y a toute une branche que je ne connais pas, et qui n’est pas française. Du coup, ça concerne surtout l’autre côté. Et puis mine de rien, j’en parle depuis We Were… We Are de ce côté inconnu, si je continuais j’allais, faire des jaloux.

Donc ton histoire compte aussi dans tes compositions, pas uniquement ce que tu ressens au moment d’écrire ?
Oui, mais ça fait partie du tout. Je n’écris pas sur ce que je ressens pile au moment où je le ressens. C’est plus diffus, ça concerne plutôt des périodes et des questionnements. Disons plutôt que chaque album porte sur une de mes « facettes ».

Ok. Revenons-en à cette histoire de répétitions. RQTN va tourner ?
Tourner, c’est un bien grand mot. Mais depuis que j’ai terminé Decades, je ressens de nouveau le besoin de faire partager ma musique en live. Le besoin de ressentir l’électricité que ça dégage, et puis mine de rien, celui de se faire taper sur l’épaule par un(e) illustre inconnu(e) à la fin, qui te dit que c’était cool.
Et puis surtout, pour Decades, j’ai composé avec de nouveaux outils, qui font que je peux beaucoup plus facilement faire des lives. Avec Monolithes, si je faisais un live, j’appuyais sur play. Je voulais pas assumer ça. Là je peux tout jouer.
Du coup, pour le moment je prépare le set, les parties que je vais jouer, celles que je vais triturer, celles que Greg va jouer… Je n’ai pas d’ambitions particulières pour les lives. Il n’y aura pas d’écran qui diffuse des images, pas de groupe complet. Je veux juste arriver avec mon sac à dos, me faire plaisir, faire découvrir ma musique, et voilà. De ce qui en ressort pour le moment, il y aura 5 titres de Decades, et 2 remix inédits de Monolithes, à la façon Decades.

Et tu prévois de jouer ça où ?
Là ou on voudra bien de moi ah ah ! Mine de rien, je ne sais pas du tout à quel genre de concert je vais pouvoir me greffer. Trop éléctro pour un line up rock, trop orchestral pour un line up electro… Pour l’instant, je ne me soucie pas trop de ça.

Tu as parlé d’une possible sortie physique pour « Decades And Decisions« , et même pour « Monolithes En Mouvement« . Il y a de l’espoir ?
Franchement, je n’en sais rien. J’ai arrêté d’espérer depuis longtemps. C’est vrai, on en a parlé avec Swarm, mais ça reste hypothétique. Un petit label comme celui de Kévin, ça ne peut pas trop prévoir à l’avance. La trésorerie varie en fonction des sous que le mec gagne en faisant autre chose, c’est complexe. J’ai envoyé une bonne cinquantaine de mails à des labels, plus ou moins gros. Comme on peut s’en douter, aucune réponse. De toute façon, je ne sais même pas qui pourrait me sortir, et si mes disques sont assez vendeurs pour qu’un label prenne le risque de les sortir.

Qu’est ce qui te fait choisir entre sortir un album en téléchargement gratuit ou payant ?
Greg m’a menacé de mort ! (Le pire, c’est que c’est vrai) Non, je ne sais pas, j’essaye de tout tester. Voir qui est prêt à aller jusqu’a payer de sa poche pour cet album.
De toute façon, il est déjà sur tous les blogs spécialisés. Et vu le nombre de ventes que j’ai fait, et les statistiques sur last fm, je peux t’assurer que ce n’est pas demain que je me paye une porsche.

Il y avait un côté très cinématographique sur « Monolithes En Mouvement » et tes précédentes productions, qui s’est un peu estompé sur Decades. Tu avais également déjà parlé de réaliser une BO. Tu es toujours intéressé par ça ? Pourquoi ?
Tu trouves ? Écoute la bande son de Gattaca ou de Solaris ! Non, plus sérieusement, peut être que ce coté est moins prononcé, oui. C’est parce que l’album est plus rentre-dedans, plus direct. Et peut être parce que j’ai moins été influencé par des images lors de sa phase de composition. Pour la BO, oui, ça m’intéresse énormément. Après, je ne sais pas du tout qui contacter, alors bon… Peut être qu’un ami réalisateur lira cette interview.

Tu utilises beaucoup les fameux « réseaux sociaux » pour communiquer depuis quelques temps. Quel avis as-tu vis à vis de twitter, facebook, et le web en général pour promouvoir la musique ?
Oui c’est vrai. Les réseaux sociaux possèdent un vrai potentiel, le contenu est référencé sur google et sur des mashups, et les gens peuvent le repartager à leur communauté. C’est très important pour moi de communiquer sur ces plateformes. Ca marche mieux qu’une pub sur deezer ou qu’un passage radio, et c’est surtout l’impression pour les gens qui te suivent d’être au coeur du projet, de suivre chaque étape, d’être automatiquement au courant d’une nouveauté.
Surtout pour moi qui ne fais pas (encore) de live, le bouche à oreille virtuel, c’est une nécessité.

Tu n’as pas peur d’être noyé dans la masse de contenu ?
Non, je n’ai pas peur, mais oui, je suis noyé dans la masse, clairement. C’est le jeu, ça finit bien par tomber dans les mains des personnes intéressées.

Et je suis heureux que tu sois tombé entre mes mains ! Je vais te libérer sur une dernière question made in Visual, qui va trancher un peu avec le reste de cette interview : tu es plutôt coke ou putes ?
Humm… plutôt vin et underage.

Underage ?
Moins de 18 ans, jargon porn ahaha

C’est bien ce qu’il me semblait !
A question visual, réponse visual !

Ok, c’est noté. On fera le nécessaire pour te trouver ce que tu aimes lors de la prochaine session Fistinière.
Pas de problème, on a déjà le tourbus de toute façon, reste plus qu’a définir une date.

Sur ces belles paroles, j’ai libéré Mathieu, qui commençait à manifester son appétit de façon véhémente. Merci à lui pour sa disponibilité et sa gentillesse (oui, on sait aussi dire quand les gens sont sympas).