Interview ☭ I Pilot Daemon

Se faire refourguer une interview, c’est jubilatoire. Surtout lorsqu’il s’agit d’I Pilot Dæmon, que notre cher Marku n’a pas pu interroger faute de temps. Nananère.
Le seul bémol, c’est qu’I Pilot Dæmon est basé à Toulouse alors que j’habite en région parisienne. Pour la rencontre en face-to-face, c’était râpé (c’est qu’on n’a pas que ça à foutre, non mais, dites).
Ce que vous allez donc lire résulte d’un échange de mails sur VisualMusic même avec Romain (chant) et Baptiste (batterie). Une interview par VisualMusic, pour les lecteurs de VisualMusic, sur VisualMusic. L’efficacité, c’est ça.

Bon, commençons par la question d’introduction typique. Un lecteur tout frais arrive sur cette page et ne connait pas I Pilot Dæmon (pourtant c’est la base). Que doit-il savoir sur votre groupe ?
Baptiste : Qu’on fait du rock, qu’on est pas dépressifs et que ça envoie sur scène…

Romain : I Pilot Dæmon c’est quatre potes qui jouent ensemble depuis 2005, avec 3 disques, plus de 60 concerts, en France mais aussi en Espagne, Finlande, Danemark, Allemagne, Suisse, République Tchèque, Belgique, Pays Bas … pour le reste la musique parle pour nous.

Comme je suis quelqu’un de très cultivé, je sais que votre nom vient du terme socratique « daemon » et que ça touche à la notion de voix intérieure. Qu’est-ce que vous voulez dire par I Pilot Dæmon donc ? Que vous maîtrisez cette voix intérieure ?
Romain : Si tu veux ça peut dire ça ! Tu peux aussi choisir l’option conduire les yeux bandés et sans les mains.

Baptiste : En fait t’as trouvé… On aime les références.

« Come What May » est votre troisième disque, et il fait beaucoup plus « écorché vif » que votre EP « Happily Depressed« . Là on a l’impression que le « Happily » a disparu pour laisser place à quelque chose de plus fou, de plus enragé. Pour toi et les autres, ce genre de musique, c’est une manière d’exprimer votre chaos intérieur ? De dire en quelque sorte « J’ai pas trop la joie de vivre. Musicalement, ça donne ça. » ?
Baptiste : En fait on a vraiment la joie de vivre en nous justement, on est pas particulièrement tristes dans la vie, on aime bien picoler avec des potes, faire la fête et se déguiser. A la base on était pas parti sur un disque d’écorchés vifs, on avait plutôt l’impression de faire quelques chose de moins noir que d’habitude, plus « festif » et rock n’ roll. C’est vrai qu’au final il y a toujours cette touche mélancolique et triste à laquelle on a rajouté un côté plus rapide et enjoué. Du coup c’est devenu enragé et très nerveux.

Romain : Comme dit Baptiste, avant de l’enregistrer on pensait que le disque allait être moins sombre et plus calme que les précédents. Rien que sur les textes il y a beaucoup de choses optimistes, je pense à « We Deserve Happiness« , « Only At Night« , « The Life Collider » ou même « Wild Turkey« . Je chante aussi différemment sur ce disque, c’est moins hurlé qu’avant, bref tout ça pour dire que non, on ne pense pas que notre musique représente notre mal de vivre ou exprime notre chaos intérieur. Au final je pense que le coté intense du disque à bien été mis en avant par le mix et le mastering de Sylvain, ça joue beaucoup dans le ressenti par rapport aux précédents. Il a vraiment bossé comme un taré et on lui doit beaucoup.

On sent beaucoup l’empreinte de Converge dans ses moments les plus mélancoliquement tarés d’ailleurs. C’est votre principale influence ?
Romain : Principale je ne pense pas, mais c’est un groupe référence et qui nous a beaucoup marqué. Mais je pense qu’on est plusieurs crans en dessous niveau violence. Mais là où on se ressemble c’est que comme eux on varie les plaisirs, on ne pourrait pas faire un album avec que des titres down-tempo, ni l’inverse, et je pense que pour eux c’est pareil.

Baptiste : Je ne connais pas assez Converge pour dire ça. C’est les autres du groupe qui m’ont fait découvrir ce groupe (et toute la scène qui va avec…), possible qu’on les rejoigne sur certains titres.

Je me suis demandé en écrivant ma chronique ce qui pouvait bien nous pousser à écrire et écouter telle musique. C’est très vague comme question, et je m’en excuse, mais qu’est-ce que vous en pensez vous ? Pourquoi est-ce que vous vous complaisez plus dans ce chaos sonore que dans une mélodie gentiment mélancolique avec des violons ?
Romain : Quand j’aime un truc j’essaie de ne pas trop me demander pourquoi… Je peux te dire que la jouer ça défoule… C’est le genre de musique où tu t’autorises un peu de violence, de colère, d’explosion. Il y a tout le coté GROS son. C’est parfois puéril, mais je trouve que c’est très sain. Ça équilibre avec nos quotidiens. En live c’est le pied, tu te sens adolescent.

Baptiste : Je crois que j’aime et que je fais cette musique parce que j’aime bien les gens avec qui je la joue. J’aurais sans doute pas choisi de faire ça. En ce qui me concerne je suis plutôt branché sur les musiques électroniques tendance dancefloor depuis très longtemps. Je trouve notre musique intéressante, bien composée et j’aime le côté « défouloir » aussi mais ce que je préfère c’est les trois types avec qui je joue cette musique.

Comme je suis également quelqu’un de très bon en anglais, je sais aussi que Come What May, ça veut dire « Advienne que pourra » ? Est-ce que c’est une relativisation par rapport à tout le mal-être ambiant de ce disque ?
Baptiste : Ah ça c’est du I Am Sailor (aka Romain, ndlr)… Poète toulousain.

Romain : Comme je disais plus haut, il y a des chansons qui te tirent vers le bas, et la suivante qui te remonte un peu le moral. Le mal-être que tu ressens c’est juste qu’on veut que chaque émotion soit intense, te fasse serrer les dents, mais on s’amuse beaucoup et on espère que ça s’entend malgré tout. Pour le titre en lui-même, on essaie tous d’avancer dans nos vies, de construire des choses, de faire de bonnes chansons, d’être fier de nous … on gère tout de l’enregistrement au booking en passant par les visuels et la promo. On essaie de se donner les moyens, et advienne que pourra …

Sur votre myspace, vous avez posté des vidéos de votre passage en studio. Il y en a même ou vous cuisinez, où vous parlez de camembert à table… C’est mignon. Est-ce que c’était pour rappeler que vous n’êtes pas aussi fous que quand vous faites de la musique ?
Baptiste : Pour en revenir à l’époisse de Bourgogne (c’est pas du clacos…), faut être fou pour en manger. Mais oui, ces vidéos montrent bien qui on est finalement…. Pas si fous et bien dans nos baskets.

Allez, on arrête là pour les questions qui font mal à la tête. C’est Greg (Gregory Hoepffner, qui a déjà menacé de mort Mathieu Artu de RQTN pour qu’il lâche gratuitement « Decades And Decisions« , sans succès, ndlr) qui vous a poussé à proposer « Come What May » en téléchargement gratuit ?
Baptiste : J’en sais rien… Après on pense tous que mettre l’album en free DL c’est une bonne chose et c’est ce que tout les groupes devraient faire. Je pense que ça sert le groupe, la musique, et ça aide même les labels à vendre plus de disques au final. C’est même pas par éthique DIY ou je ne sais quoi d’autre. Personnellement je trouve ça très efficace en matière de « promo ». Beaucoup de gens ont écouté ce disque depuis sa sortie et c’est l’essentiel de la démarche.

Romain : Je télécharge, tous les jours, je découvre. J’achète aussi, mais seulement les disques que j’ai beaucoup écouté et quand je peux. Si plus de gens peuvent l’écouter parce qu’on leur offre tant mieux, si ça ramène plus de gens au concert on y gagne. D’ailleurs quand on a dit ça aux trois labels, ils ont tout de suite dit OK sans discuter … Ca prouve bien que les choses changent. Les premiers retours de ventes qu’on a d’Heckspoiler (autre label sur lequel I Pilot Dæmon a signé, avec Antiheroes) c’est que ça marche. Les gens achètent le disque. Les mêmes que d’habitude : ceux qui veulent l’objet, le livret, les textes, soutenir le groupe.

Est-ce qu’il y a une tournée de prévue ?
Baptiste : Pas vraiment de tournée mais des dates calées en fonction de nos emplois du temps (j’ai pas mal de projets avec Neofluxx, mon solo band electro). Après on va mettre un frein sur les longues tournées où tu rentres à découvert de 800 euros.

Romain : Au final à force de partir loin, on se rend compte qu’on a pas beaucoup joué en France. On va essayer de se rattraper cette année.

En ce qui concerne le futur du groupe, vous avez déjà une idée ? Le prochain album sera t-il encore plus sombre, au grand dam d’hilikkus ?
Baptiste : Le prochain sera un hommage à la musique jamaïcaine dont Sebastien, le bassiste, est friand.

Romain : Ben vu que là on pensait qu’on avait fait moins sombre, je sais pas si ça sert à grand chose que je réponde. Il sera mieux c’est tout !

Où en sont vos autres groupes ?
Baptiste : Je vais parler des miens (qui sont en fait des projets electro). Quelques sorties et des dates pour Neofluxx en 2011, dont un EP avec Khod Breaker (hip-hop de chez nous, avec Raph de Plebeian Grandstand) et la présentation de Action Bros, duo de dj complètement fresh funk disco subversif.

Romain : Jin Baker reprend du service avec un nouveau line-up et de nouvelles envies. On veut transformer la blague en quelque chose de sérieux. On a pas mal de brouillons mais il faut qu’on arrive à se voir tous ensemble. Montreal On Fire sort son nouvel album au mois de mars, on l’a enregistré cet été. Très différent du premier.

On termine avec la question made in VisualMusic : Coke ou putes ?
Baptiste : Coke ! J’ai une copine…

Gros poutoux de remerciements à Marku pour son indisponibilité, à Ross pour son travail de titan supra-hype et bien évidemment à Romain et Baptiste d’I Pilot Dæmon pour avoir pris le temps de répondre à ces questions précuisinées.