La programmation du Hellfest est chaque jour exceptionnelle, mais elle l’était particulièrement ce 22 juin, puisque comme chacun sait, le dimanche c’est le jour de la Messa.
Blood Command
La journée du dimanche s’annonçait musclée et commençait après une énième courte nuit. Mais j’avais (Ross) trop envie de voir, ENFIN, Nikki Brumen sur scène. Je suis la frontwoman depuis son groupe « Pagan » qui m’avait régalé avec son éponyme. L’Australienne ayant définitivement élu domiciule en Norvège pour tourner avec Blood Command qui a balancé quelques titres plutôt sympa. Alors, j’ai conscience qu’il s’agit d’une artiste dont la voix divise pas mal mais une chose est incontestable, elle ne se ménage pas et joue pas mal la carte de la provoc. Entre crachats, grand écart, slam dans le public, la chanteuse prend clairement plaisir à occuper la main stage 2 du festival. Une belle mise en jambes qui aura permis de bien attaquer la journée marathon.
Faetooth
“Remnants of the Vessel” avait été la grande révélation de l’année 2023 et on avait depuis toujours gardé un œil sur le parcours de Faetooth. Après tant d’attente, ce set au Hellfest constituait leur tout premier concert en France alors il est peu dire qu’on était impatients.
A l’inverse des Mousquetaires, Faetooth avait commencé à quatre et se retrouve aujourd’hui à trois. Le groupe a entre temps perdu Ashla qui assurait le chant clair si distinctif sur leur single « Echolalia ». Si on a pu un temps avoir peur pour l’avenir du groupe, ses parties ont été magistralement reprises par Ari qui nous à la fois entièrement rassurés et impressionnés. A ses côtés, Jenna lâche des growls monstrueux tandis que Rah défonce ses futs avec passion.
Alors certes, le cadre était loin d’être idéal et plutôt qu’une grande scène au soleil, on aurait préféré les voir dans un cadre plus obscur, mais l’ambiance sombre et dérangeante de leurs compositions était bien là, pour qui savait écouter. Vivement la sortie du deuxième album « Labyrinthine », et vivement un concert en salle.
Unto Others
Alors qu’on avait déjà eu droit aux excellents The Night Eternal vendredi, c’est le retour du retour des goths. Enfin si les allemands avaient de grosses influences de ce côté-là, Unto Others sont carrément tombés quand ils étaient petits dans un chaudron de sang type O négatif.
La voix caverneuse et les effets sont boostés par une rythmique irrésistible et des refrains qui se gueulent si bien qu’on comprend assez rapidement pourquoi ceux qu’on appelait auparavant Idle Hands sont en train de repopulariser le genre. Il ne fait pas un temps à mettre un goth dehors mais ils semblent s’en accommoder. Ils ont simplement choisi l’option débardeur noir et ne s’interdisent pas de courir d’un côté à l’autre de la scène pour haranguer la foule.
On attend à présent de les revoir dans un cadre un peu plus sombre afin de se donner à la nuit, de se donner aux eighties.
Pain Of Truth
I say « New York », you say « hardcore » !
Y’a pas à tortiller, comme chaque année en warzone, le dimanche, c’est la fête à neuneu niveau hardcore, on vient clairement se faire taper ! Au sens littéral dans la fosse, au sens figuré dans la fosse photo (même si j’ai -Ross- déjà pris un gobelet pleine tronche en mode tir tendu). Ici, les américains ont clairement décidé de retourner la scène malgré la chaleur déjà délirante de la journée. Pas grave, après 3 jours en cuisson chaleur tournante, on a l’habitude ! Peut-être moins côté new-yorkais puisque les serviettes éponges sont de sortie, tout comme les petites lunettes façon poetic lovers. Mais ici, darling on fait la guerre ce soir ! Pas l’amour.
Guilt Trip
Autres dignes représentants de la scène hardcore du moment, les anglais de Guilt Trip ! Ça joue vite, ça envoie du two step imparable, le quintet qui a, pour l’anecdote, enregistré un titre avec Landmvrks nous fait bien savoir qu’il faut compter avec eux. Des titres de 3mn max envoyés à la vitesse d’un train dans l’eurotunnel qui ne manqueront pas de transformer la warzone en zone de guerre (vous l’avez pas vue venir celle-là, hein ?) Imparable, on a déjà pris note de la tournée européenne de cet été aux côtés d’un autre groupe français, Calcine, entre autres groupes. Et en plus, c’est validé par Spiderman.
Messa
Des influences goth, le nouvel album de Messa en a certainement, et les italiens sont eux aussi aujourd’hui intégralement vêtus de noir.
« The Spin » fait partie des albums qui ont le plus tourné chez nous cette année et après avoir pu en discuter en détail lors d’une interview réalisée la veille, on avait hâte d’enfin pouvoir voir ses chansons jouées en live.
Leur nouveau son faisant appel à de nombreuses techniques développées en studio, on pouvait légitimement se demander ce qu’il en resterait en concert. Tous les doutes sont d’emblée balayés par un « Fire On The Roof » d’ouverture qui nous plonge entièrement dans ce feeling sans nous laisser le temps de nous mouiller la nuque. Il est suivi immédiatement de l’entêtant single aux accents Killing Jokiens « At Races ». Et comme pour aller au devant de nos interrogations, oui, l’immense « The Dress » suit sans qu’on ait même eu le temps de l’espérer. Il n’y a évidemment pas de trompettiste présent, mais la phase jazz voit Sara sortir de scène pour laisser Marco au synthé pendant le solo d’Alberto. Son absence se remarque d’autant plus qu’elle a désormais une présence scénique assez incontestable et affirme pleinement son rôle de frontwoman. Progressant un peu plus à chaque album, elle démontre aujourd’hui une maîtrise incroyable, tant dans les balades introspectives comme « Immolation » que dans les refrains nécessitant plus de puissance.
Les solos d’Alberto se voient mieux intégrés aux morceaux et le bottleneckisé « Reveal » lui donne l’occasion de sortir son slide pour nous offrir un furieux blues halluciné.
Enfin, le concert se conclue avec un retour de Marco au clavier pour l’intro de « Thicker Blood », la seconde pièce maitresse de « The Spin » qui s’achève par les hurlements de Rocco.
Au final, tous les morceaux de « The Spin » auront été joués à l’exception de « Void Meridian », remplacé en milieu de set par le doom-flamenco « Rubedo », seul titre issu de « Close ». Messa a déjà plusieurs autres concerts prévus en France avant la fin de l’année. Au vu de la qualité de leur prestation ce jour, on ne saurait que vous conseiller de rapidement vous jeter sur les places.
Kylesa
C’est le retour du roi et de la reine du sludge et ils viennent reprendre leur trône sans faire de prisonniers. Phillip Cope et Laura Pleasents ont ressuscité Kylesa avec un nouveau line up tout frais : John John Jesse à la basse et Roy Mayorga à la batterie. Sauf que ce dernier passera son tour sur ce set, au motif qu’il est également le batteur de Jerry Cantrell, qui foulera lui aussi la Valley quelques heures plus tard.
Cette fois rien à promouvoir, si ce n’est le fait d’exister de nouveau. Ils sont donc libres de se faire plaisir avec la setlist et placent pas moins de cinq titres du turbo-classique « Static Tensions ». L’envie et la rage sont toujours là, à tel point que Laura finira par faire exploser son ampli :
« We rocked up so hard that I ruined up my amp. It’s actually smoking. »
Refused
Refused are fucking dead. Cette fois c’est vraiment terminé. A relire le communiqué qui annonçait leur première séparation, on ne peut que constater le fossé qui la sépare de cette seconde. Là où un groupe dont les membres avaient à ce moment-là la vingtaine décidait de se faire exploser en vol par refus de toute compromission, les cinquantenaires d’aujourd’hui ont choisi d’offrir au monde des adieux bien plus apaisés et d’utiliser le podium offert par l’événement pour porter leurs idées auprès du plus grand nombre. Quitte à… jouer sur les mainstages des plus grands festivals.
Ce n’est donc pas sur la Warzone mais en Mainstage qu’on voit débarquer Refused. A 18h passées, le public devant la scène est nombreux, mais pas nécessairement impliqué. On remonte lentement la foule, pas forcément hostile, qui observe, applaudit aux saillies de Dennis entre les chansons et… il y a encore un groupe de divas qui a installé son avancée au milieu de la fosse ! C’est qui cette fois ? Ah. Oui. Les fans se sont regroupés sur la partie droite de la scène et forment un petit pit sympathique, qui correspond en surface à ce qu’il aurait été devant la Warzone. Cette expérience sociale nous aura en tout cas prouvé que oui, a proportion, on n’est pas si nombreux. On comprend donc cette décision du groupe qui pour son dernier tour de piste ne s’est pas limité à prêcher aux convaincus mais a voulu s’adresser au grand public qui très clairement ne les connait pas, pour placer ce genre de tirade :
« There’s this weird cultural war going on, where the fascists are tryna pit people against each other. They bring this culture war to us, so we forget about the class war. They bring this culture war to us so they can line their pockets with fucking gold. And if you’re falling for the propaganda, and if you think that trans people is the problem or if you think that immigrants are the problem, or if you think that the LGBTQ community is the problem, you might be the fucking problem alright. »
La setlist honore le meilleur de leur discographie, c’est-à-dire tout sauf « Freedom », dont on ne subira heureusement que le single « Electra ». On remarque un petit manque d’énergie et la distance entre la scène et le public y est probablement pour quelque chose, mais Refused reste, quel que soit le contexte, un énorme cri de révolte. Allez, on les reverra dans les salles françaises une dernière fois à la fin de l’année avant de définitivement leur dire au revoir.
Health
Health aurait mérité la nuit. Parce que leur public d’otaques et de déviants supporte mal le soleil, mais aussi parce leur musique s’exprime mieux quand elle est soulignée par un lightshow de qualité. Loin de l’image du club de vampires auquel on aurait pu s’attendre, les derniers rayons du soleil couchant caressent un public qui flotte doucement et se laisse porter par le chant aérien de Jake. Leur son est lourd, mais pas autant que ce à quoi on aurait pu s’attendre, et on se laisse aller à la rêverie. L’expérience est agréable, mais assez éloignée de ce qu’on vivra une semaine plus tard.
Avant la fin du set, Jake prend la parole pour parler de leur statut un peu particulier :
« We’re new to this metal festival thing. The other bands are like “FUCK YEAH!”. This one makes sense here though. »
Et de conclure avec le fort à propos « DSM-V ». Le concert s’achève et alors que les deux autres ont quitté la scène, Johnny se précipite vers la barrière et slam, même si tout est terminé. Il est porté sur quelques mètres puis une fois au sol offre des hugs et des selfies à tous les fans qui en réclament. Il enfile le serre tête à oreilles de chats d’une spectatrice et continue de discuter avec ceux qui sont restés. Après une dizaine de minutes passée devant la scène, il ne partira qu’une fois le dernier spectateur satisfait.
Walls Of Jericho
Quand je (Ross) résume ce concert, j’explique la chose ainsi : « On m’avait jamais lancé un tel parpaing dans la gueule avec un tel sourire ! »
Franchement, j’attendais pas spécialement Walls Of Jericho mais bordel, c’était très très costaud en live. Et je ne dis pas ça pour la carrure crossfit de sa chanteuse Candace Kucsulain ! Nope ! Mais parce que la section rythmique est aussi affutée qu’une lame de rasoir, oscillant entre le metalcore et le punk hardcore, on se fait clairement botter le cul par la formation menée par Candace qui ne peut s’empêcher de sourire entre chaque couplet ! Clairement la formation est heureuse de venir retourner la warzone et la warzone leur rend bien. Une claque MO-NU-MEN-TA-LE qui rappelle qu’il ne faut pas enterrer les anciennes gloires, le dernier album datant tout de même de 2016. Mais soyons en sûrs, les américains étaient très très rodés.
Jerry Cantrell
Tout le monde s’attendait à revivre l’exceptionnel concert de 2022, l’élément de surprise en moins. C’est plus ou moins ce qu’on a eu, à savoir la promo du nouvel album de Jerry Cantrell, mais surtout un paquet de reprises d’Alice In Chains avec Greg Puciato au chant.
Le line up du groupe choisi par Jerry a pourtant été entièrement révisé, à l’exception de Greg Puciato donc. On ne retrouve donc pas le compositeur Tyler Bates à la guitare, ni sa fille Lola au clavier. Les autres membres sont Zack Thorne (guitare), Eliot Lorango (basse), et Roy Mayorga qui cumule les mandats et officie également comme on le disait, derrière les futs de la reformation de Kylesa.
Le set fera ce soir-là plus de place à la discographie solo du monsieur avec seulement quatre reprises d’Alice In Chains (contre dix en 2022, oui, vous avez le droit de dire WTF). On a de nouveau une belle démonstration de l’incroyable complémentarité des voix des deux chanteurs et ce sentiment de béatitude quand ils s’harmonisent.
Le dernier quart du set verra un flux continu de spectateurs partir pour se placer pour Linkin Park. Ce qui ne nous concernait pas, on avait avant cela un rendez-vous assez important puisqu’on allait voir…
Knocked Loose
Par ici on est plutôt Team Chiens. On a donc assez logiquement préféré aller japper avec Knocked Loose et zapper Linkin Park. La transition Valley/Warzone a été ce soir bien plus facile et pourtant il y a du monde devant la scène pour attendre ce qui est clairement le contre-headliner de clôture.
Ils ont longtemps été deux en haut de la montagne, mais cette année a vu Code Orange raccrocher les gants et Knocked Loose devenir un phénomène médiatique incontestable. Là où les premiers ont essayé de diversifier leur son jusqu’à l’épuisement, le seconds ont poursuivi un objectif plus simple en raffinant leur poison pour obtenir un composé corrosif inédit capable de faire grimacer ceux qui se pensaient lassés et insensibilisés.
Et c’est bien à ça qu’on a droit ce soir. Certains n’ont pas réussi à rentrer dedans, blâmant un son trop uniforme qui fait sonner tous les morceaux pareil, quel que soit l’album dont ils sont issus. C’est ce qu’on appelle d’ailleurs le syndrome Ministry. Les autres se sont au contraire délectés de cette vicieuse violence servie par un groupe qui a réussi à trouver l’emplacement exact du cerveau où insérer leurs cordes rouillées. A partir de là, c’est juste de l’ASMR bagarre et la performance aurait pu se poursuivre indéfiniment, enfin jusqu’à ce que le public soit entièrement recouvert d’ecchymoses et découvre une nouvelle teinte de bleus.
Forcément, dès que résonnent les premières notes du titre qui a traumatisé l’Amérique, tous les regards se tournent vers le fond de la scène. Mais l’espoir restera vain. Poppy était bien présente en Mainstage quelques heures plus tôt mais elle était visiblement déjà repartie. Le feat tant attendu aurait certes rendu la performance exceptionnelle, mais on se contentera ce soir de l’excellent.
Linkin Park
Allez, il restait une demi-heure de Linkin Park après la fin de Knocked Loose et on n’allait quand même pas rater ça. On remonte assez facilement la foule jusqu’à la Mainstage 2… pour y trouver Mike Shinoda, venu faire coucou à ceux qui s’étaient trompés de scène ! Autour de nous, des groupes de trentenaires hurlent les paroles et revivent leur adolescence, en retrouvant les musiciens qu’ils avaient vus à l’époque ou au contraire, n’avaient jamais eu l’occasion de voir avant ce soir.
D’un regard extérieur, le show, les attitudes et surtout le son, semblent bien artificiels. C’est le blockbuster qui était promis, et si on n’a pas ressenti ce soir l’âme qu’avait la précédente itération de Linkin Park, ceux qui étaient là pour eux semblent y avoir trouvé leur compte. Le groupe aura en tout cas rempli sa mission, à savoir offrir un grand moment fédérateur pour refermer les portes de l’Enfer.
En conclusion
De ce Hellfest on retiendra forcément la chaleur, mais la canicule avait déjà frappé sur d’autres éditions et le festival était déjà bien équipé pour y faire face avec brumisateurs, murs d’eau, zones d’ombre et des équipes formées et réactives. On rappellera également ce qui est une évidence en France mais qui ne l’est pas toujours chez nos voisins européens : ici l’eau est disponible au robinet et gratuite. On salue aussi évidemment la décision d’autoriser toutes les gourdes ce week end. Notre seul chagrin de ce côté-là restera encore et toujours la disparition de la tente de la Valley. La perte de ce refuge joue considérablement sur l’expérience du festival pour les fous furieux habitués à enchaîner les concerts parce que oui, il n’est pas physiquement possible de rester debout au soleil pendant des heures quand il fait plus de 36°C.
L’affiche aura une nouvelle fois été, de notre point de vue, absolument parfaite. Les groupes qui se sont succédés en Valley et Warzone représentant parfaitement les découvertes et têtes d’affiche immanquables de l’année, on était comblés. L’ouverture avec la programmation de Muse qui a fait couler beaucoup d’encre était un faux débat. On a pu constater qu’ils étaient tout à fait pertinents et à leur place. Enfin, la Purple House était le cadeau qu’on n’aurait même pas osé espérer, avec une programmation aux airs de off de la Valley, qualitative et pointue, et qui pourrait à elle seule constituer un petit festival.
HELLFEST 2025 – JEUDI 19 JUIN
HELLFEST 2025 – VENDREDI 20 JUIN
HELLFEST 2025 – SAMEDI 21 JUIN




