HELLFEST 2025 – SAMEDI 21 JUIN ★ CLISSON

FooFreeRoss
14 min. de lecture

Ce samedi devait être le pic de la canicule, Météo France annonçant un peu plus tôt un beau 39°C. La vérité c’est qu’on était surtout au pic du Turnstile Summer avec la promesse d’une conclusion sur un set exceptionnel.

Pest

Annoncé comme un groupe de hardcore punk indus, j’avais (Ross) décidé d’aller étrenner la Purple House sur Pest, d’autant plus avec cette scène 360° dont j’avais vu quelques photos sur les réseaux les jours précédents. Canicule oblige, la tente est en mode cuisson chaleur tournante. Tant pis, c’est donc suant comme jamais que j’ai le plaisir de découvrir le duo anglais envoyer les watts devant un public accroché aux grilles façon Mad Max, l’esprit est bon enfant mais je n’ai osé imaginer un concert quand la maison était pleine. En tout cas, Pest nous aura régalés d’un set très cool et m’a clairement donné envie de suivre l’évolution de leur carrière d’un oeil attentif.

Witch Club Satan

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on a découvert Witch Club Satan grâce à Slomosa. La connexion norvégienne. Aussi vous me direz que si la Norvège n’est pas forcément le pays du Stoner, en revanche avec un groupe de black metal norvégien on n’était pas forcément face à quelque chose de très original. Détrompez-vous.

Oui, on est encore ici face à un groupe de qui fera grincer les dents des puristes jusqu’à les fendre. Pourtant musicalement on est sur du black assez proche des pionniers du genre qui suinte la haine. Seulement celle-ci se positionne de l’autre côté du spectre politique et est elle est dirigée vers d’autres cibles.

« No mercy for genocide! No mercy for oppression! No fucking mercy for Benyamin Netanyahou! Black Metal is krig! War against war! »

Les trois musiciennes se sont rencontrées en école de théâtre et ça se ressent, tant leur concert ressemble à une performance artistique qui cherche à provoquer et déranger le public pour obtenir une réaction. De ce point de vue, on retiendra la balade « Mother Sea », qui placée au milieu du set, interrompt brusquement la dynamique pour prendre à témoin l’audience. Le black metal et l’art contemporain ne sont au final pas si différents.

Nasty

Je (Ross) ne connaissais pas vraiment Nasty mais quand j’ai lu sur le programme du Hellfest « Fucked up music for a fucked up world« ‘, j’ai eu très envie d’aller voir ça de mes yeux. Et clairement mes voisins belges m’ont régalé ! Ici, on laisse les neurones au placard et on se met en mode DINGO. La formation est clairement montée sur ressorts et tout le monde y va de son jump, de son invective auprès du public et même des photographes. Clairement l’un des premiers gros coups de canon de la warzone du jour. Cette énergie folle canalisée par une barrière mais jamais vraiment longtemps en hardcore. Les circle pits s’enchainent aussi vite que les slams, encouragés par la formation.
Une claque monumentale qui mêle metal, hadcore et beatdown pour le plus grand plaisir de nos cerveaux vides le temps de titres approchant les 3 minutes max. Et si je sais que sur album, c’est pas forcément ma came, je n’ai pu que m’incliner face à ce déferlement d’énergie.

Mars Red Sky

La dernière fois qu’on les avait vus au Hellfest, c’était pour un concert assez inoubliable sur la Hellstage au Soleil couchant. Cette fois, les voilà de retour sur la Valley. On espérait secrètement les voir rejoints par leurs camarades de Monkey3, présents le jeudi, pour une avant-première de leur projet commun Monkeys On Mars. Il n’en sera rien. On est tout de même régalés par une setlist qui n’oubliera aucun album, de quoi contenter tout le monde. C’est comme toujours aussi rugueux qu’aérien et on regrettera peut-être seulement un volume inutilement élevé, ce qui ne servait pas forcément la performance.

Mais la principale attente reposait évidemment sur les blagues de Jimmy, qui n’a pas déçu avec quelques « C’est la première fois qu’on joue aux Vieilles Charrues ! » et une prévision astronomique :

« Les météorites elles s’abattent sur Clisson demain, pour ceux qui veulent rester… »

 

Deafheaven

C’était un des concerts qu’on attendait le plus et ce sera probablement celui qui nous aura le plus marqué. Pourtant ça partait pas si bien. Les premières minutes du set ont pu faire peur à une partie de l’auditoire avec un George Clarke dont la voix restait étranglée au fond de la gorge, luttant pour produire un son comme un chat essayant de cracher une boule de poils. Heureusement, son conduit semble se dégager rapidement pour nous gratifier de ses cris perçants. De ses cris uniquement car oui, les partisans d’« Infinite Granite » sont encore repartis bredouille ce jour-là. Non, Deafheaven était ce venu honorer l’excellent « Lonely People With Power » en jouant la moitié de l’album. Les émotions qu’il provoque sont décuplées en live. Le groupe plonge les bras dans les cages thoraciques des spectateurs les plus réticents pour en arracher les sentiments. Personne n’a rien pu faire. Aussi et sans surprise, la majeure partie de public préfère vivre l’expérience sans violence et reste insensible aux appels de George, qui les exhorte à se mettre sur la gueule. Il obtiendra seulement du mouvement sur « Revelator », un des seuls titres qui se prêtait proprement à la bagarre. Suite à ses instructions, on voit même un joli petit circle pit se former. Mais si tout le monde ne bouge pas, toute la tente est émue et quand l’envolée post-rock finale de « Winona » se fait entendre, on jurerait avoir vu toutes les âmes se soulever à quelques mètres de hauteur, avant de regagner leurs corps.

Defeater

Les bostonnais entrent sur scène et échangent des poignées de mains alors que résonnent les immortels mots de la Log Lady de Twin Peaks :

« When this kind of fire starts, it is very hard to put out. The tender boughs of innocence burn first, and the wind rises, and then all goodness is in jeopardy. »

Il faut dire qu’à ce moment là on se sentait encore super bien, prêt à affronter les pires pleurs punks. Ça va, on n’était pas devant La Dispute quand même. Pourtant progressivement, la dépression qui teinte leur violence s’infiltre doucement dans nos os, si bien qu’on se retrouve sans s’en rendre compte et malgré nous, bien abattus. L’intensité et la passion du Derek viennent sans qu’on n’ait donné notre consentement nous chatouiller les tripes, quand bien même on ne serait pas experts de l’histoire qu’il raconte.

Parce que oui, il y a une histoire. Vous ne l’avez pas demandé mais on va vous faire un gros résumé du roman que les chansons de Defeater écrivent : c’est une famille de prolétaires dont le père est rentré de la guerre complètement cramé, alcoolique et accro aux jeux d’argent. La mère, elle, est héroïnomane. Ils ont deux garçons, mais le père déteste le deuxième parce qu’il est en réalité le fils du curé. Le fils détesté sombre lui aussi dans l’alcool et finit par tuer son père en lui battant une bouteille de Jack sur le crâne, puis il s’enfuit pour vivre une vie de vagabond. Le frère qui reste essaye de s’occuper de sa mère, mais elle meurt quand même. Il rencontre une fille, mais après s’être battu avec le bookmaker qui exploitait son père, il rentre chez lui pour la trouver violée et assassinée. C’est à ce moment là que rentre le petit frère vagabond, qui avait tué le père. Le grand frère l’amène donc sur la voie ferrée pour le lui faire payer, mais c’est apparemment lui qui passe sous le train, et meurt. Le petit frère, qui est désormais responsable de la mort de son père et de son frère, se sent un peu mal et part se confesser auprès du curé, qui est en réalité son père, si vous suivez. Le curé l’absout de ses péchés et essaye de le consoler mais rien à faire, il monte graver son nom sur la cloche de l’église puis se suicide en sautant du haut du clocher.

En gros c’est ça. Ils meurent tous à la fin.

Russian Circles

La branlée. Il faut croire qu’à chaque fois que Brian Cook se pose sur la Valley, c’est pour nous décrocher la mâchoire. Le groupe a beaucoup tourné en Europe ces dernières années, mais ce concert a surpassé toutes les attentes.  Disons-le tout de suite, c’était probablement le son le plus propre qu’on ait pu entendre au Hellfest cette année. Clair et précis, autant dans la délicatesse que dans les énormes riffs qui nous râclent le cerveau. Le tout était souligné par des lights impeccables qui ont certainement ajouté à notre ébahissement.

On a beaucoup entendu le terme masterclass utilisé pour tout et n’importe quoi ces derniers temps. Mais là, il s’appliquait exactement, dans son acception littérale, à ce set.

Turnstile

Après les Sex Pistols la veille, il faut de nouveau mettre à contribution nos talents de faufilage pour se frayer un chemin entre la Valley et la Warzone. La scène punk accueille de nouveau une tête d’affiche, mais la concurrence en Mainstage et Altar permet cette fois de rendre la chose un peu plus aisée.

Quelques minutes avant le début du show, l’excitation de la foule est palpable. Le Turnstile Summer c’est maintenant ! Les écrans s’allument et des vagues viennent s’écraser sur une plage alors que résonnent les nappes de l’intro de « Never Enough ». Le moment parait long, et fait figure de statement de la part d’un groupe à l’identité affirmée qui quelques semaines plus tôt présentait le clip de son album en festivals de cinéma. Un vieux keupon s’exclame : « C’est du yoga punk ou quoi ? huehuehuehue. ». Il ne s’écoule qu’une poignée de secondes entre la réflexion du fâcheux et les premiers accords de la chanson, qui font exploser le public.

Alors certes, la première partie du concert se fait avec un son bien en deçà de ce à quoi à on était en droit de s’attendre, mais les festivaliers qui dansent et s’époumonnent dans l’énorme pit n’ont probablement rien remarqué, captivés qu’ils étaient par le jeu de scène de la bande à Brendan, qui saute et rebondit dans tous les sens.

La setlist est formée aux trois quarts de titres de « Glow On » et « Never Enough », qu’on pourrait quasiment considérer comme un double album si ce n’était pour les quatre ans qui les séparent. Le public est certainement bien différent de celui de leurs derniers passages au Hellfest et représentatif de cette nouvelle période : pas exclusivement masculin, pas forcément typé coreux, la trentaine largement passée mais persuadé d’être resté cool en écoutant un groupe de jeunes… à moins qu’il ne s’agisse du public du Hellfest et que la démographie ne soit différente en salle.

L’état d’esprit et les valeurs prônées par Turnstile semblent en tous cas avoir offert pendant une heure un refuge plus que bienvenu cette année. Allez, on ne serait pas contre une prolongation du Turnstile Summer, au moins jusqu’à l’été prochain.

 

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