INTERVIEW – WARHAUS

Connu pour être l’un des deux chanteurs de Balthazar, Maarten Devoldere est à Paris pour le passage de Warhaus au Point Éphémère. Son autre projet dont le troisième album Ha Ha Heartbreak est sorti le 13 novembre dernier.

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La dernière fois que l’on t’as vu jouer à Paris, c’était avec Balthazar au Cirque d’Hiver pour le festival CultureBox. Cela fait quatre ans que tu n’as pas joué avec Warhaus, tu dois être impatient !

Je suis excité, j’adore jouer dans ces clubs et c’est le troisième concert de cette tournée. Je me sens très privilégié de jouer avec mon groupe. Ce sont d’excellents musiciens, chaque concert est surprenant avec beaucoup d’improvisation et pas mal de choses cools qui se passent.

C’est une série de concerts assez intimes pour présenter ce disque.

La grande tournée est prévue pour mars avec un passage par La Cigale ici et nous voulions que ces concerts soient comme des teasers.

Ce qui frappe aux premières écoutes sur ce troisième disque, c’est sa production. Avec une couleur soul, très chaleureuse et ronde. Encore plus que sur tes travaux précédents. Est-ce que c’était une intention dès le début ?

Oui et non. J’ai commencé par écrire et enregistrer toutes les démos dans une chambre d’hôtel à Palerme et je suis rentré en Belgique. Jasper Maekelbeck, qui est le producteur, voulait garder les prises de voix des démos. Le fait que ce soit dans ma chambre d’hôtel donne une impression très intime et chaleureuse. Ensuite, nous avons commencé à tout arranger, à enregistrer avec un groupe et un orchestre.

« Mais tout a commencé à partir des voix. Ca a influencé l’atmosphère et la façon dont nous voulions jouer et pourquoi nous avons choisi une approche vintage en enregistrant sur bande. C’est un peu seventies, ce n’était pas vraiment intentionnel mais j’aime le naturel et la chaleur de l’analogique de cette époque. »

En écoutant l’album, on pense à certains films américains des années 70 mais aussi à des endroits trés élégants. 

Quand j’étais à Palerme, je ne savais pas qu’il y aurait des cordes sur l’album. Je pensais que nous allions enregistrer avec le groupe et que ce serait tout. L’intimité des prises vocales nous a amenés à y ajouter du contraste. C’est pourquoi nous voulions quelque chose de très glamour grâce aux cordes et je pense qu’elles créent une ambiance cinématographique. Par ailleurs, les gens me disent que Palerme a influencé ma musique mais je ne pense pas car je n’ai pas quitté ma chambre pendant trois semaines. Quoi qu’il en soit, c’est une ville très glamour mais la peinture se détache aussi des bâtiments. Peut-être que ca explique ce que l’on retrouve dans le disque.

La vie et le temps ont joué leur rôle sur la ville.

Vu son titre, c’est évident : c’est un disque de rupture. Sur Warhaus, les paroles sont très centrées sur les relations homme/femme, l’attraction et les histoires d’amour en général. Le couple est-il votre principale source d’inspiration ?

Hum, je vais donner une réponse très compliquée. (rires)

J’ai appris cette théorie en lisant un livre où l’auteur dit que les artistes masculins ont besoin d’une muse dans leur vie, une femme qui peut être leur source d’inspiration. Comme ils n’embrassent pas leur anima, qui est leur esprit féminin, ils se projettent sur les femmes qui les entourent. Quand j’ai lu cela, j’ai pensé que c’était bien moi et ce que j’avais avec Sylvie Kreusch. J’ai réalisé que beaucoup de chansons que j’écrivais sur Sylvie ou d’autres femmes étaient des projections.

Je projetais en quelque sorte mes propres fantasmes sur les femmes, ce qui peut être une chose toxique parce que je ne pense pas qu’il soit toujours facile de porter cette projection en tant que femme.

Pour répondre à ta question, je pense que ses chansons parlent de moi et de mon propre anima. C’est mon propre subconscient, cela peut aussi à voir avec la relation avec ma mère. J’ai commencé à l’examiner d’un point de vue psychanalytique. J’ai commencé à méditer il y a quatre ans et il y a tellement de choses dans notre subconscient auxquelles nous n’avons pas accès. Tant d’informations et de trucs mythiques et bizarres que nous ne pouvons pas traiter. L’inspiration vient de là et je pense qu’il s’agit de moi en fait.

Comme Sylvie a aussi fait un album de rupture, certaines personnes m’ont demandé comment je me sentais et j’ai répondu qu’il ne s’agissait pas de moi mais d’elle. J’essaie de ne plus me projeter sur les femmes de ma vie. Si vous êtes amoureux, vous êtes aveugle et il faut parfois prendre du recul. J’essaie d’apprendre et de chercher l’inspiration. J’écris de manière introspective. Entre les personnes, vous pouvez trouver la guerre et la paix dans leurs interactions, mais il peut y avoir les mêmes conflits dans l’esprit d’une personne. Parfois, on ne communique pas avec les différentes parties de soi et le temps. Les circonstances peuvent aussi jouer un rôle, car je peux être soit confiant, soit peu sûr de moi. On ne peut pas mettre les gens dans des cases, ça ne marche pas comme ça.

 

Du premier au dernier disque, tes paroles laissent transparaître un vrai parcours. Pour la production, tu travailles avec Jasper Maekelberg qui a été là pour les disques de Warhaus et aussi pour les deux derniers albums de Balthazar. Quelques mots sur ta collaboration avec lui ?

C’est l’un de mes meilleurs amis, nous avons très bien travaillé ensemble car il est vraiment bon dans les domaines où je ne le suis pas. Nous sommes très complémentaires. Je lui fais aveuglément confiance. Je n’ai pas à tout contrôler et c’est tellement libérateur. Nous avons une grande alchimie artistique. Nous avons le même âge, nous avons grandi en Belgique, nous partageons les mêmes influences. C’est comme un frère d’une autre mère. C’est tellement amusant et je ne peux pas imaginer travailler avec quelqu’un d’autre. Pour l’instant, bien sûr, on ne sait jamais. (rires)

Vous avez écrit ce disque dans une chambre d’hôtel à Palerme, le précédent était lors d’un voyage dans les montagnes du Kirghizistan et le premier dans un bateau. Avez-vous besoin de quitter votre environnement habituel pour écrire ?

J’ai besoin de concentration et d’aucune distraction. Je fais toujours cette blague : j’ai besoin de m’éloigner de mon dealer. On peut être addict de beaucoup de choses dans la vie et pour finir un album, il vaut mieux s’en éloigner. Des années ou des mois avant de se lancer, j’ai bien sûr des bouts de mélodies et des accroches. Mais il faut se concentrer pour les transformer en chansons et écrire tous les textes.

Question presque obligatoire dans le contexte d’un projet solo. Sur Balthazar, vous êtes deux à être auteur-compositeur et chanteur. Comment sépares-tu les compositions que tu peux avoir entre Warhaus ou Balthazar ?

C’est surtout des chapitres de notre vie. Nous avons fait deux albums de Balthazar d’affilée et parfois ça se chevauche. Ha Ha Heartbreak est un album de rupture et je ne pouvais pas le faire avec Balthazar. Plus je creuse sur le plan personnel, plus ça se rapporte à Warhaus. J’essaie de donner un sens à ce désordre spirituel dans mon esprit et dans mon cœur. (rires)

Balthazar est un groupe de musique indé, donc tu peux sentir la différence lorsque tu commences à écrire. Il arrive parfois qu’une chanson puisse se retrouver sur les deux projets, mais c’est plutôt rare.

Si on cumule ces deux projets, tu es très présent avec presque un album par an et la tournée qui va avec. Avec le temps, j’ai lu que tu es devenu plus efficace ou plus rapide pour écrire que par le passé. Avez-vous besoin de rester aussi actif ?

Je le fais comme si je courais sur un tapis , ça me permet d’éviter les problèmes. (rires)

C’est en fait une réponse très sincère. Je pense que si je ne travaille pas, je vais trouver mon plaisir ailleurs et ce n’est pas sain. J’ai découvert que la musique est la meilleure des dépendances. Les gens ont tendance à me dire que je suis productif, mais il est beaucoup plus facile de se lever et de faire un disque que de ne rien faire. C’est la chose la plus difficile pour moi. Dans la méditation, vous apprenez que vous n’avez aucun contrôle sur votre esprit. Nous pensons avoir le contrôle sur ce que nous pensons et sur nos choix, mais c’est une illusion. Tout vient du subconscient.

« J’ai de la chance que quelque chose en moi me pousse à me lever et m’aide à écrire. Je ne pourrais rester sur une chaise pendant toute une journée. Les gens devraient me féliciter si j’ai appris à rester à ne rien faire, ce serait un accomplissement. »

Dans le passé, je luttais contre mes démons et je ne pouvais pas vivre le moment présent. Quand j’étais sur scène, je pensais à la fête. Puis je me demandais si je pouvais coucher avec une fille et ensuite je pensais à la prochaine cigarette. Cela ne te rend pas heureux. Depuis, j’essaie de vivre le moment présent et de profiter de tout. Quand je suis sur scène, j’en profite vraiment. Ce n’est pas facile, beaucoup de gens ont ce sentiment et pour y arriver, cela m’a aidé d’arrêter de boire.

J’ai réalisé que j’avais une vie tellement privilégiée et que si le seul prix à payer était de garder mon esprit vif… Si je ne le fais pas et que j’opte pour la facilité, je vais devenir une caricature de moi-même. Je suis vraiment content d’être arrivé à ce constat et j’ai été très gâté quand j’étais plus jeune. J’ai eu ma part…

Hier, nous avons discuté avec Le Grand Mix et nous avons mentionné la richesse et la variété de la scène musicale belge et le nombre de salles également. Avez-vous des groupes locaux récents à conseiller ?

Sylvie Kreusch a un talent que je ne peux pas expliquer, elle a quelque chose à laquelle nous, les mortels, n’avons pas accès. Il y a quelque chose dans sa musique qui est si naturel et qui a un tel flair. Il y a aussi un de mes amis,  Tamino qui est en train de devenir une rockstar dans le monde entier. Il est vraiment talentueux, c’est comme mon petit frère.

Et comment vous sentez-vous, avec le recul, d’avoir grandi en tant qu’artiste en Belgique ?

C’est génial. Le fait d’avoir été au niveau flamand, d’avoir grandi dans les années 90 et d’avoir les dEus comme héros nationaux. C’était une alternative. En France, vous avez Johnny Hallyday, de la musique commerciale et évidemment de la bonne musique comme tout le monde. En Belgique, avoir des goûts bizarres en musique c’est une évidence. Avec par exemple, des groupes comme TC Matic avec Arno qui était si créatif. Cela conduit à avoir un esprit ouvert sur la musique, je suppose.

Quelle est la dernière chose qui t’as fait rire au sein de Warhaus ?

Ma rupture. (rires)

En fait, c’est mon réveil ce matin. Il a sonné à 6 heures à Londres, où nous n’avons dormi que 3 heures. Nous devions prendre le ferry. Quand je l’ai entendu, j’aurais pu pleurer mais j’ai décidé d’en rire.

Les trois albums de Warhaus méritent toute ton attention et son prochain passage à la Cigale le 21 mars prochain devrait être déjà sur ton agenda.

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Known for being one of the two singers of Balthazar, Maarten Devoldere is in Paris for the passage of Warhaus at Point Éphémère. His solo project whose third album Ha Ha Heartbreak was released on November 13th.

Last time we saw you it was with Balthazar at le Cirque d’Hiver for the Culturebox Festival. For Warhaus, it has been 4 years without playing. 

I’m excited, I love to play these clubs and it’s the third gig on this tour. I feel very privileged to play with my band. They are great musicians, it’s surprising every concert with lots of improvisation and cool things going on.

It’s a series of intimate gigs to start over with the new record.

Actually, the big tour is for March and we wanted to do these teaser shows.  

What strikes on this record is the production.  With a soulful and warm atmosphere. Even more than on your previous records. Was it intentional?

Yes and no.

First of all, I wrote all the demos in a hotel room in Palermo and I came back to Belgium. Jasper Maekelbeck who is the producer wanted to keep the vocal takes from the demos. The fact that it was in my hotel room feels very intimate and warm. Then, we started arranging everything, recording with the whole band and the orchestra.  But it started from the vocals, giving the atmosphere of how we wanted to play and why we went vintage by recording on tape. It’s a bit seventies, it wasn’t properly intentional but I love the naturalness and the warmth from the analog of this era.

Listening to the albums, it made us think about american movies from the 70’s,  luxurious places, quite elegant overall.

« When I was in Palermo, I didn’t know there would be strings on the album. For example, I thought we would record with the band and that will be it. The intimacy from the vocal takes brought us to add contrast to it. This is why we wanted something very glamorous thanks to the strings and I think they create a cinematic vibe. »

Also, people are telling me that Palermo influenced my sound but I don’t think so as I didn’t leave my room for three weeks. Still, it’s a very glamorous city but the paint is also getting loose on the building. Maybe that’s what is in the record as well.

Life and time played its part in the city. Given its title, it’s obvious: it’s a breakup record. On Warhaus, the lyrics are very much centered around male/female relationships, attraction and love stories in general. Is the couple your main source of inspiration?

Hum, I will give a very complicated answer. (laughs)

I learned about this theory when I read in a book. The author is saying that male artists need a muse in their life, a woman who can be their inspiration. As they are not embracing their anima which is their feminine spirit, they are projecting on the women around them. When I read that, I thought it was definitely me and what I had with Sylvie Kreusch. I realized lots of songs I was writing about Sylvie or other women were projection. I somehow projected my own fantasy on women, which can be maybe a toxic thing because I don’t think it is always easy to carry that projection as a woman. 

To answer your question, I think these songs are about me and my own anima. It’s my own subconscious, it has to do with the relationship with my mother. I have started to look at it in a psychoanalytic way. I started meditating four years ago and there is so much in our subconscious that we don’t have access to. So much information and mythical weird shit that we can’t process. Inspiration comes from there and I think it’s all about me actually.

As Sylvie did a breakup album too, some people asked me how I feel and I answered that it’s not about me but about her. I try not to project on the women of my life anymore. If you’re in love, you’re blind and it takes sometimes to reflect. I try to learn and look for inspiration. I write introspectively. Between people you can find war and peace within their interactions but there can be the same into one person’s mind. Sometimes you don’t communicate with the different parts of yourself.

Circumstances can play a part too, as I can be either confident or insecure. You can’t put people in boxes, it doesn’t work like that.

 

From the first record to the last one, the lyrics feel like a journey. For the production, you are working with Jasper Maekelberg who has been there for Warhaus and the last two Balthazar records. A few words about your collaboration with him?

He’s one of my best friends, we worked very well together as he is really good at the things that I’m not good at. We are very complementary. I trust him blindly. I don’t have to control everything and it is so liberating. We have a great artistic chemistry. We are the same age, grew up in Belgium, sharing the same influences. It’s a brother from another mother. It’s so much fun and I can’t imagine working with someone else. For now, of course you never know. (laughs)

You wrote this record in a hotel room in Palermo, the previous one was during a trip in the mountains of Kyrgyzstan and the first one in a boat. Do you need to leave your usual environment to write?

It’s just focus and no distraction, I like to separate myself from my regular life. I always say that joke: I need to get away from a drug dealer. You can be addicted to a lot of things in life and to finish an album, it’s better to go away. Years or months before going for it, you already had some amenities and hooks. But the focus is needed to turn them into songs and write all the lyrics. 

Almost obligatory question in the context of a solo project. On Balthazar, you are both songwriting and singing. How do you separate the compositions you can have for Warhaus or Balthazar ?

It’s mostly chapters in our life. We did two Balthazar records in a row and sometimes it overlaps. For example, this is a breakup album and I couldn’t do it with Balthazar. The more I dig deeper on a personal level, the more it relates to Warhaus. Trying to make sense of this spiritual mess in my mind and heart. (laughs)

Balthazar is an indie band so you can feel the difference when you are writing. It happens sometimes that a song could end on both projects but it’s rare.

If we cumulate these two projects, you are very present with almost one album per year and the tour that goes with it. With time, I read that you became more efficient or faster to write than in the past. Do you need to stay so active?

I do it like a treadmill, it keeps me out of trouble. (laughs)

That’s actually a very truthful answer. I think if I don’t work, I will find my kicks elsewhere and it’s not healthy. I found music is the best addiction. Also people say I’m productive but it’s much easier to get up and make a record than to do nothing. It’s the most difficult thing for me. In meditation, you learn you don’t have any control over your mind. We think we are in control, on what we think and our choices but it’s an illusion. It’s all from the subconscious.

« I just feel fortunate that something in me just gets up and starts writing. Because I had to sit on a chair for a whole day, I couldn’t do it. People should congratulate me if I learned to do nothing, that’s an achievement. »

In the past, I was struggling with addiction and I couldn’t live in the moment. When I was on stage, I was thinking of the party. Then I was wondering if I could sleep with a girl and then I was thinking about the next cigarette. That does not make you happy. Since then, I try to live in the moment and enjoy everything. When I’m on stage, I’m really enjoying it. It’s not easy and for me, lots of people have this feeling and to get there, it helped me to stop drinking.

I realized I have such a privileged life and if the only price to pay is to keep my mind sharp… If I don’t do it and go for the easy kicks I’m going to become a caricature of myself. I looked at it with gratitude.

I was very spoiled when I was younger so I have my share… 

Yesterday we discussed with Le Grand Mix and we mentioned the richness and variety of the Belgian musical scene and the number of venues too. Do you have any recent local bands to advise ? 

Sylvie Kreusch has a talent I can’t explain, she has something that we mortals don’t have access to. There’s something in her music that is so natural and such a flare. There is also a friend of mine, Tamino, who is becoming a rockstar all over the world, he’s really talented. He is like my little brother. 

And how do you feel looking back to grow as an artist in Belgium?

That’s great. The fact that you were in the Flemish level, grew up during the 90s and having dEus as national heroes. It was an alternative. In France, you have Johnny Hallyday, commercial music and obviously good music like everybody. In Belgium, it is obvious to have weird choices in music. You had bands like TC Matic with Arno who was so creative. It leads to having an open mind towards music I guess.

What is the last thing that makes you laugh? 

My heartbreak (laughs)

In fact it was my alarm clock this morning. It rang at 6 in London, where we slept only 3 hours and we had to take the ferry. When I heard it, I could cry but I decided to laugh about it.

The three albums from Warhaus deserves your attention and his next show at La Cigale on March 21st should be on your agenda.