Julian Casablancas – Phrazes for the young

Comme dans ET où la bébête est biologiquement liée à la fleur qu’on lui a offerte, depuis 10 ans la place mainstream du rock peut s’aligner sur l’état dans lequel se trouve The Strokes. Au début de la décennie ces mecs avaient le monde à leur pieds, il faut dire qu’après les délires millénaristes et le misérabilisme ambiant de la fin des 90’s, un groupe a eu la bonne idée de simplement écrire de bonnes chansons et de s’habiller comme il se doit. Seul hic, ce retour de mode était chaperonné par… la mode justement et n’a jamais réussi à totalement s’attirer le succès de masse, trop vite récupéré. Malgré des efforts désespérés, le fameux « retour du rock », les groupes en « The », et donc The Strokes sent le parfum de la lose, du trop beau pour être vrai voire du pré fabriqué et inévitablement les fissures commencent à se faire de plus en plus visibles (Jack White brasse de l’air, Doherty n’intéresse plus que les journaux people et encore, les autres sont retournés en seconde ou troisième division, viré de label, splittés, internés, oubliés). Aujourd’hui, ce mouvement est à bout de souffle et retourne dans l’anonymat parce que la hype n’a pas été suivie d’albums ou de chansons assez bonnes. Comme The Strokes. 4 membres du quintet ont publié un ou des albums solo et c’est aujourd’hui Julian Casablancas, compositeur attitré du groupe, qui s’y colle. Si The Strokes n’est plus l’écrin des ses compositions, la conclusion semble s’imposer et à chaque interview Julian balance un peu plus sur l’état lamentable des relations au sein de son groupe…

De là à considérer ‘Phrazes for the young‘ comme l’arrêt de mort de son groupe, il n’y a qu’un pas que Laurent Ruquier et/ou l’AFP franchiront pour nous. Tous les albums solo des Strokes ont ce trait commun d’être sympathique. Ouais c’est sympa. Oui mais c’est tout et, problème, ‘Phrazes for the young‘ déroge à la règle. Julian Casablancas chante toujours de manière je m’en foutiste derrière un filtre de saturation franchement frustrant tant sa voix enfin claire était le plus grand atout de ‘First Impressions of Earth‘ (disque qui au passage n’avait pas beaucoup d’atout) et bricole un son où les guitares sonnent artificielles et les synthés sonnent comme des 6 cordes. Casablancas semble avoir décidé de dédier sa vie à un seul type de composition, on ne s’étonnera donc pas d’avoir le sentiment d’entendre 8 fois la même chose, un gros bloc sonore. Les jeunes oreilles ayant découvert le rock avec la bande à Juju considèrent le jeune pouilleux comme le plus grand compositeur de sa génération. La vérité est ailleurs. L’ambitieux ‘Phrazes for the young‘ tend à prouver que Casablancas n’est peut être même pas le meilleur de son groupe, la décontraction du gland des autres albums solo manque cruellement ici. Les chansons semblent prétentieuses et interminables (5 bonnes minutes à tous les coups) et opèrent toutes sur le même mode mid-tempo à rallonge sur rythmique synthétique, l’album ne respire pas, les choix de productions et de sons sont plus que douteux au point que l’écoute peut par moments vraiment énerver (‘River of brakelights‘), on est loin de la précision des meilleures compos des Strokes. Julian Casablancas semble plus concerné par le travail de production (en gros l’album ressemble aux films de science fiction des années 70 censés se dérouler en 2009, avec tout ce que cela inclut de charmant et de désuet) que par ses chansons indulgentes dont il se fout un peu et nous aussi au passage. ‘Phrazes for the young‘ est plutôt difficile d’accès mais malheureusement l’exploration forcenée ne révèle pas grand-chose de concluant (‘11th dimension‘ et ‘Tourist‘ sont les meilleures car elles représentent les deux pôles du disque, le mid tempo et le encore plus mid tempo). On l’aura compris, rien de bien fascinant, ‘Phrazes for the young‘ ne distille même pas le petit charme cool des albums de ses compagnons de groupe et passe pour un disque dont les chansons ne sont pas à la hauteur des certes nobles ambitions de son créateur. On attend maintenant l’album de Nick Valensi, ou le split.