En 2008, Of Montreal était à la croisée des chemins. Le succès d’estime commençait à se muer en succès public, les critiques étaient à genoux devant l’inusable ‘Hissing Fauna, are you the destroyer ?‘. Dans cette même position dernièrement, les Kings of Leon, Kaiser Chiefs ou encore Razorlight ont privilégié l’option grand public avec des résultats différents (gloire pour les uns, passage direct par la case has been pour les autres). Kevin Barnes, l’Of Montreal en chef, ruminait lui dans son coin les accusations des fans hardcores n’ayant pas digéré que leur groupe favori ait vendu une chanson (‘Wraith pinned to the mist & other games‘ sur l’album ‘The Sunlandic Twins‘) pour une pub. Au même moment, il voulait explorer l’aspect symphonique esquissé sur ‘Hissing Fauna‘ et c’est ainsi qu’au moment où les sentiers de la gloire se dégageaient devant lui, Of Montreal a préféré dégoupiller une grenade et attendre l’explosion, juste pour voir. ‘Skeletal Lamping‘ était un disque épuisant, invendable, partant dans tous les sens mais pourtant maitrisé de part en part et surtout une sorte d’affirmation artistique : Kevin Barnes préfère être libre que riche. Le groupe n’y a rien gagné mais plus important n’y a rien perdu.
Pour ce nouveau disque, pas d’enjeu particulier, pas de majors espérant un tube, Barnes peut continuer à faire muter son groupe comme bon lui semble, le statut culte lui ira. Il hésitait pour ‘False Priest‘ entre agressif et funky, c’est cette dernière option qui l’emporte. Toujours affecté (‘I feel you strutter‘), toujours sombre (le single glam ‘Coquet, coquette‘) et aidé par le producteur Jon Brion, Of Montreal a mis le hola sur les délires holistiques de ‘Skeletal Lamping‘, ici nous n’avons que de vraies chansons avec des couplets et des refrains et à ce petit jeu funk à la Prince les américains sont souverains. Un titre sur deux est imparable, l’autre moitié est intéressante. Le Bowie de ‘Scary Monsters‘ est convoqué (‘Around the way‘, ‘Hydra Fancies‘) et ‘False Priest‘ est typiquement le genre de disque qui fera danser même les plus réticents. ‘Enemy Gene‘ ou ‘Sex Karma‘ (avec respectivement Janelle Monae et Solange Knowles, soeur de) sont des petites merveilles de tubes indé sexy en puissance pour lesquels chaque écoute révèle plus de profondeur et si Barnes dit des choses sombres, jamais l’aspect ludique d’Of Montreal ne disparaît. Au passage, soulignons les excellentes paroles du groupe et qualifions les d’un terme qu’on utilisera pour une fois sans ironie : elles sont délicieusement décalées (« like I’m in a fight simulator and I am crushing the birth of any potential memory », « later that night at my apartment as punishment you killed my beta fish just threw it out the window », « you give emotional artifacts that can find no purchase », « if I treated someone else the way I treat myself I’d be in jail », entre autres). Le groupe tente même une ballade, pourtant pas le fort du groupe, et s’en sort haut la main. Comme ‘Skeletal Lamping‘, ce ‘False Priest‘ s’apparente à une ode au sexe funky et ses conséquences et lorsque Barnes chante que sa partenaire est son terrain de jeu, on ne peut s’empêcher de penser que son groupe est aussi un formidable terrain de jeu et chaque partie est passionnante.
