Girls – Broken Dreams Club

Certains groupes entrainent la démesure critique. Sans qu’on sache souvent trop pourquoi certains sont morts avant d’être nés, on pense à Beady Eye visiblement condamné à puer éternellement du derche après 3minutes de musique, et d’autres sont géniaux peu importe ce qu’ils font comme la quelque peu gonflante car auto-satisfaite sainte trinité de nos lecteurs Reznor – Homme – Grohl. C’est comme Friends ou Desperate Housewives que tout le monde adorait avant d’avoir vu. Les modérés ou les camps opposés n’ont que leurs gueules à fermer, bandes de pisse-froid, saloperies d’iconoclastes. Par contre, être dans le bon camp, c’est cool. Y étant une fois n’est pas coutume, balançons la purée gaiement… C’est le cas pour Girls qu’on a envie là tout de suite maintenant de couronner meilleur groupe du monde, comme ça, après un album, quelques b-sides et un six titres.

Broken Dreams Club‘. Traduisez et vous avez potentiellement un nom de série AB productions ou un single de Christophe Rippert, l’homme qui s’habillait en jean de haut en bas. Mais chez Girls, c’est génial (=avec du génie dedans). Déjà sur ‘Laura‘, Christopher Owens chantait qu’il voulait être « ami pour toujours » avec la Laura, il ne voulait pas pleurer toute sa vie dans ‘Hellhole ratrace‘, il aurait aimé avoir une maison à la plage pour y faire un feu tous les soirs mais au lieu de ça il était fou, niqué du cerveau. De même que Best Coast se lamentait que machin ne soit pas son petit copain etc. Aujourd’hui, son romantisme adolescent n’a rien perdu, il est même totalement sublimé, Owens a pour le moment abandonné son chant de petit con pour crooner à la Costello sur les six titres de ‘Broken Dreams Club‘. Et il balance des choses désuètes comme un triangle amoureux sur des trompettes mariachi dans ‘Thee oh so protective one‘, chanson de l’année ou presque. « Lui ne saura jamais rien sur toutes les fois où tu as pleuré au cinéma, où tu as pleuré en écoutant de la musique, ni sur ton père ou sur ta mère ou sur ton coeur brisé ». Plus de moyens et encore plus d’idées, l’écoute au casque est recommandée, les américains lancent ce six titres comme un tour d’horizon et une lettre d’intentions (sic). Le tout sonne plus assuré, moins lo-fi mais toujours plus sublime et ce EP vaut les six meilleurs titres de ‘Album‘. Le single ‘Heartbreaker‘ porte bien son nom, chaque fois qu’Owens se demande pourquoi, on frisonne. La chanson titre est une balade très Nouvelle Orléans, soutenue par des cuivres glauques où, comme tous les grands esprits, notre heureux chevelu se lamente de ne pas comprendre ce monde qui file droit dans le mur. Les évidences mélodiques de ‘Alright‘ sont stupéfiantes, les passages instrumentaux rappellent les plus grands songwriters, ceux qui d’un arpège, d’un accord vous bouleversent, vous secouent. En parlant de mélodies imparables, on conseillera à ceux qui ne savent pas ce que cela veut dire de jeter une oreille à la coda du crescendo ‘Substance‘, moment crépusculaire où l’on ne sait s’il faut pleurer parce que la lumière disparait doucement ou s’émerveiller du spectacle. Il y a du Smashing Pumpkins dans la longue intro de ‘Carolina‘ qui sonne étrangement comme celle ‘Porcelina of the vast oceans‘ avant de laisser place à une dernière démonstration d’émotivité adolescente parce que Girls ne parle que de ça, de la pureté des sentiments éprouvés pour la première fois, ces gens pensent probablement que ‘Be My Baby‘ et ‘Just like honey‘ sont les tables de la loi, on ne saurait les blamer. Girls écrit d’incroyables chansons adolescentes, loin de la révolte, et prouve en six titres qu’on a eu raison de les porter aux nues peut être plus que de raison, mais Girls a fait son choix, nous aussi, et dans l’éternelle opposition la raison ne l’emportera pas. Avec ‘Broken Dreams Club‘ les américains promettent de réaliser ce que plus personne ne fait : un deuxième album intrinsèquement et indiscutablement meilleur que le premier.