J’en ai écouté des trucs extrêmes. J’en ai bousillé des tympans et des neurones sur des disques de grind qui avaient l’air de jouer pour l’enfer entier. J’en ai niqué des oreilles internes sur des vinyles de pur bruit, Merzbow en entrée et Thurston Moore au dessert. Mais je n’ai jamais entendu un truc aussi agressif que Crystal Castles. Plus la peine de présenter ce duo digne des Kills façon electroclash. On dit que leur vraie valeur se vérifie sur scène, ça doit pas être faux : ce disque ne m’a rien communiqué, si ce n’est un léger malaise et une tonne de questions. A commencer par : « pourquoi ? ».
Crystal Castles repose sur des samples et des synthés sur-saturés, au milieu desquels une voix de troll hystérique essaie de se faire entendre. ‘Fainting Spells‘, ‘Baptism‘, ‘Celestica‘, rien que des hymnes hard-tech de dancefloor de squat allemand, à deux doigts de l’overdose coke-ecsta. Des bons trucs pourtant : la violence des beats et le peu de mélodies malsaines attrapables au passage restent dans le crâne plusieurs heures après ingestion. ‘Doe Deer‘, un régal techno-destroy. Merde quoi, voilà de l’inécoutable catchy.
Autre élément fatiguant de ce trip glauque et mongolien : une tendance à la schizophrénie complète. Le disque alterne les attaques soniques interdites par la Convention de Genève (dans le même genre il y a le gaz moutarde et le poignard à lame cruciforme) et les fresques planantes ou gentiment électroïdes, inventant à l’arrache le style eighties-core. ‘Violent Dreams‘ a la gueule d’un tube de 1988 ralenti de moitié, inversé et joué dans une église satanique. Des titres comme ‘Intimate‘, ‘Not In Love‘ (maintenant disponible avec la voix de Robert Smith, en bonne reprise de The Cure digne d’intérêt) ou ‘Pap Smear‘ trouvent un juste milieu. Synthétique et novateur. Le reste a une gueule anecdotique et parfois une haleine de poney.
Alors non, Crystal Castles ne répond pas à la question « pourquoi Crystal Castles ? ». Album long, tendance dark pas toujours crédible, révolution sonore bâclée, fièvre noisy à moitié gâchée. Et pourtant, je préfère Crystal Castles à mille autres disques sortis cette année. Je préfère Crystal Castles à cinquante riffs crunchy de cette décennie. Je préfère Crystal Castles à dix coups de coeur de ces dernières semaines. Sombre attirance pour une vaste merde ou séduction profonde d’un album trop mystérieux pour être chroniqué ? Fuck, encore une question.
