Girls – Father, Son, Holy Ghost

« On a vraiment l’impression en vous lisant que si ça ne vous fait pas bouger la tête, c’est forcément de la merde! ».
Un de nos lecteurs.

Un tas de groupes metal, emo ou punk sont des groupes de petites fiottes émotives cachant leur sensiblerie (à ce stade de paroles, on ne parlera plus de sensibilité) sous les décibels et riffs ineptes. Histoire de faire vrais mecs, violents, rustres. Un peu l’équivalent de tous ces beaux gosses qui se la jouent machos lovers mais sont de la jaquette. Le cerveau lent aura vite fait d’assimiler Girls à un groupe de lopettes parce que le duo de San Francisco a une tendance pas du tout fâcheuse à mettre en avant ses émotions. Comme Slipknot donc. La différence est que Girls assume. Et a de meilleures chansons.

On l’a déjà écrit et on va se faire un plaisir de le répéter : Girls est le meilleur groupe actuel. Girls écrit les meilleures chansons du moment. Et Girls vient de frapper fort avec Father, Son, Holy Ghost. Ce disque, on a le sentiment qu’il est en nous depuis toujours tant il sonne familier, réconfortant pourtant il n’est pas douillet. La première référence qui vient à l’esprit est Doolittle des Pixies en moins parfait. Des mélodies à se damner mais sous un habillage toujours étonnant, des rythmes toujours changeants. Girls fait de la pop sans refrain (Alex) ou avec un refrain de presque une minute pour une chanson qui en dure quatre (Saying I love you). Fait dans le classique (Honey bunny ou presque : qui se permet encore de faire un pont comme celui-ci ? Rythme et paroles ?) et le tarabiscoté (Die et sa construction Led Zep au début et ambiant à la fin, bref, du Smashing Pumpkins). Juxtapose une ballade blues écrite en pensant à Beyoncé (Love like a river) et un phrasé à la Randy Newman (Jamie Marie). Propose des chansons lentes et contemplatives (My ma) et de la pop sautillante (Magic, comme son nom l’indique). Et signe une chanson de fou : Vomit. Qui reprend tout ce qu’on vient de citer. Un arpège tout bête, un solo complètement noisy, un final hallucinant où tous les éléments se déchainent autour de la voix aigrelette de Christopher Owens, un orage de guitare, un mellotron baveux, des choeurs black qui hurlent, tout l’album semble bâti autour de cette chanson si bien qu’on met un petit moment à s’en remettre (la chanson suivante Just a song passe de ce fait plutôt mal). Owens semble avoir définitivement abandonné sa voix de branleur en faveur de son ton de crooner limité qui peut faire penser les jours de mauvaise humeur à Laurent Voulzy. Pas de bol. En plus de son côté moins évident que Album (on le regrette un tout petit peu, pas de single imparable à la Laura ou Heartbreaker ici), Father, Son, Holy Ghost se distingue aussi comme étant le plus beau disque de guitares entendu depuis des lustres. Elles sont partout et sonnent de manière lumineuse et démentielle, tranchantes par moments (Forgiveness), capables de totalement bouleverser l’atmosphère d’une chanson (le solo de Saying I love you en change toute la perception). Nous avons ici un formidable groupe qui commence à exploiter toutes ses possibilités, que ce soit au niveau du songwriting ou de la production tout en continuant à livrer des mélodies renversantes, on va écouter ce disque en boucle comme on écoute encore en boucle Album et Broken Dreams Club. Et puisque ses détracteurs sont prompts à la vanne facile, on s’en permet une aussi : ne pas aimer les Girls, c’est avoir des gouts de pédé.