Smith Westerns – Soft Will

Pour reprendre ce qui a été claironné un peu partout ces derniers temps, le nouveau Smith Westerns pourrait bien s’imposer comme l’un des obligatoires albums de l’été. Difficile de trouver meilleur candidat tant ‘Soft Will‘ a la gueule de l’emploi avec ses airs rêveurs, ses mélodies lumineuses et sa pochette fruitée. Ajoutez deux glaçons, une paille et sirotez ce rafraichissant cocktail indé dans un rayon de soleil, sans aller chercher plus loin. Plaisir des sens avant tout. Mais est-ce vraiment une surprise après ‘Dye It Blonde‘? Le second album du groupe avait déjà [url=https://www.visual-music.org/chronique-1388.htm]largement convaincu[url] en 2011. Ces gamins à peine sortis de leur garage signaient à l’improviste un disque accrocheur et bourré de charme adolescent, pétri d’une douce mélancolie, encore un peu lo-fi mais ô combien destiné à plaire avec ses refrains entêtants et ses riffs à la Marc Bolan. Un T-Rex de poche en somme, très années 70 sur les bords, calibré à merveille pour une génération post-Strokes qui s’ennuie à mourir depuis le taciturne virage 80’s/synth-pop de Julian Casablancas.

Cette fois, on a bien vu les Smith Westerns venir. Et pour un groupe qui vient de l’ouest, cet album est tout sauf à l’ouest (ho ho). C’est de la pop plus rangée que l’on retrouve ici, les américains effectuant avec aplomb un nouveau pas de géant vers la maturité et, ouille, la sagesse. À tel point que l’on ne peut s’empêcher de regretter l’insouciance et l’urgence de singles comme ‘Weekend‘, ou plus généralement le mélange de fuzz et de reverb’ un peu bagarreur de ‘Dye It Blonde‘. Dès l’introduction de ‘Soft Will‘ c’est un Cullen Omori posé et propre sur lui qui prend le temps de nous prévenir sur un ton un brin nunuche: ‘it’s easier to think you’re no fun‘. S’ensuit le pas très fun mais expertement développé titre d’ouverture ‘3 am Spiritual‘ qui ne pourrait pas mieux lancer l’album. Le trait de la mélancolie est plus prononcé et la production assagie, bien qu’agréablement travaillée. Si l’on retrouve rapidement plusieurs ingrédients familiers sur les excellents ‘Idol‘ et ‘Glossed‘ le son du groupe est ici plus huilé, nettoyé et débarrassé de ses mèches rebelles. Les synthés pointent même le bout de leur nez et prêtent une couleur très FM à l’ensemble. A priori les Smith Westerns perdent en originalité et commencent à ressembler à tout ce qui s’est fait outre-atlantique ces dernières années. En gros, depuis que James Mercer et ses Shins se prennent au sérieux. Mais en mieux.

Car fort heureusement, ‘Soft Will‘ a des atouts à faire valoir. Pour commencer, le niveau du songwriting est irréprochable. On trouvera peut-être le disque un poil répétitif et monotone au premier abord mais ces réserves deviennent de plus en plus futiles avec les écoutes tant le disque est réussi, plus aventureux qu’il ne parait et fait pour durer. Le floydien et léthargique instrumental ‘XXIII‘ se pose là en quatrième piste mais ne dérange pas une seconde. Un sequencing judicieux nous emmène vers une deuxième moitié toujours vivante suivie d’un joli final, le single ‘Varsity‘ et ses ‘oooouh ooouh ooouh‘ planants. On se rend vite à l’évidence: les ados ont grandi, c’est vrai, mais de façon plutôt gracieuse et sans compromettre leur identité. Il manque peut-être un ou deux tubes en puissance, des concentrés de sucre comme ‘The Sun Never Sets Around Here‘ ou ‘Summertime In My Heart‘ (histoire de saluer The Electric Soft Parade), et cela étonne vu la facilité mélodique du groupe. Il faut croire que les Smith Westerns ont préféré diffuser une lumière nostalgique tout au long de ces dix titres en demi-teintes, jamais trop loins du soleil mais inquiétés par des zones d’ombre grandissantes. Estivaux mais pas trop. Leur spleen a gagné en profondeur et leur musique en consistance, ce qui fait de ‘Soft Will‘ un troisième disque bien plus intéressant que sa petite réputation d’album de l’été ne suggère. Reprenons la pochette: nature morte sur fond noir. Bien joué.