Et de six, donc. Six albums de qualité enregistrés entre 2002 et 2010, sans compter le mini-LP ‘Nightfreak And The Sons Of Becker‘. À défaut d’avoir changé le monde, nos scousers préférés The Coral n’ont pas usurpé leur réputation de petites merveilles mal aimées de la scène anglaise. S’il n’y a pas de quoi crier au chef d’oeuvre maudit, ‘The Curse Of Love‘ ne méritait pas de rester plus longtemps au placard ou de terminer éparpillé aux quatre coins du net. La belle chanson-titre traine discrètement sur YouTube depuis 2011, ‘The Golden Booth‘ apparaît sur la compilation ‘Mysteries & Rarities‘, et Ian Skelly avoue avoir retravaillé certaines idées pour son album solo de l’an dernier. Ce disque fantôme n’en est plus un et c’est tant mieux, malgré son caractère hanté et le ton un peu funeste qui se dégage de ses compositions, enregistrées en 2006 sur un huit pistes entre les excellents ‘The Invisible Invasion‘ et ‘Roots And Echoes‘.
Peut-on pour autant parler de quatrième album en bonne et due forme, revenant à sa juste place dans la discographie du groupe? Théoriquement oui, mais avec des réserves et sans vrai regret: l’esthétique baroque et intimiste de ‘The Curse Of Love‘ n’aurait certainement pas propulsé les guigneux The Coral vers la gloire, et rien ne dit que les fans l’auraient accueilli avec un enthousiasme démesuré. Comme un bon vin, cet album de connaisseurs est sans doute plus savoureux aujourd’hui, avec le recul et après quatre longues années de silence radio. D’autre part, le disque garde des allures de parenthèse dans l’évolution du groupe, plus proche dans l’esprit de la pop psyché détailliste mais encore un peu hirsute de ‘Don’t Think You’re The First‘, ‘All Of Our Love‘ et ‘Sorrow Or The Song‘ que des productions ambitieuses de ‘The Invisible Invasion‘ et ‘Roots And Echoes‘. Une sorte de ‘Magic And Medicine‘ sous anxiolytiques, avec peu de galipettes upbeat, aucun single sautillant dans la veine de ‘Pass It On‘ ou ‘In The Morning‘, et privé des ornements du guitariste Bill Ryder-Jones.
Voilà pour les présentations. L’affaire est assez lugubre, plus encore que ‘The Invisible Invasion‘, mais bien mise en valeur par la plénitude vocale de James Skelly et la force tranquille du groupe, seuls véritables indices de la transition vers la maturité de ‘Roots And Echoes‘. Et c’est justement dans cette qualité intrinsèque que l’on trouve son bonheur, une fois de plus. The Coral a toujours eu les chansons pour convaincre, un goût certain à l’heure d’arranger et bien que moins immédiat, moins apprêté que les albums cités plus haut, l’automnal ‘The Curse Of Love‘ a tout simplement la classe, de la délicieuse pop vintage de ‘Wrapped In Blue‘ et ‘You Closed The Door‘ au thème lancinant un peu louche de ‘The Second Self‘ repris plus tard sur ‘Nine Times The Colour Red‘, en passant par l’élégante mélancolie de ‘View From The Mirror‘ et la complainte des coeurs brisés ‘The Game‘. Sous ses airs d’oeuvre anecdotique remontée de la cave et balancée aux curieux, et sans nécessairement se classer parmi les plus belles réussites des liverpudliens (pas de ‘Put The Sun Back‘, de ‘Leaving Today‘ ou de ‘Late Afternoon‘ pour déchainer les passions), ‘The Curse Of Love‘ n’est ni une version inférieure d’un album déjà existant, ni une série de chansons mineures à l’intérêt limité. Chez The Coral, on pourra en rire ou en pleurer, le talent est ordinaire.
