Christopher Owens – Chrissybaby Forever

Christopher Owens porte une camisole de force sur la pochette de son nouvel album, le troisième en deux ans et des brouettes, sorti par surprise huit mois après le dernier. Un rythme de forcené qui débouche à nouveau sur une certaine invalidité commerciale (lancement en catimini, promo transparente, peu de retours critique, pas de version CD jusqu’au 11 septembre…) et de très belles réussites artistiques, les mêmes que d’habitude. Des chansons tour à tour viscérales, fantaisistes, délicates, parfois tout bonnement exceptionnelles: ‘Out Of Bed (Lazy Head)‘, l’enchainement ‘Waste Away‘ – ‘Susanna‘ suivi du parfait 2 en 1 ‘When You Say I Love You‘ – ‘I Love You Like I Do‘, ‘To Take Care Of Myself Again‘ et on en passe tant le californien envoute avec trois fois rien (sa voix sur ‘Heroine (Got Nothing On You)‘, doux jésus…). Une envie constante d’étonner sans sacrifier un style de plus en plus unique (‘Me Oh My‘, l’infantile ‘What About Love‘ entre autres). Du Owens pur jus, produit dans la simplicité cette fois-ci, louchant furtivement sur ‘Lust For Life‘ et le son de ‘Album‘ avant de partir à vau-l’eau. Un marimba sommaire suffit à habiller une chanson, les luxuriants choeurs gospel sont remplacés par une copine sans perdre une once de classe. Au-delà de l’intimité du disque, de l’approche lo-fi malgré tout très soignée et de quelques arômes surf et doo-wop, pas de retour aux sources à proprement parler. Pas vraiment. Pas assez pour faire lâcher des «aaaah, en-fin», puisque cet album est en fin de compte aussi insolite et singulier que ses excellents prédécesseurs. Que ce soit dans l’éloge (rare depuis la fin de Girls) ou dans la réserve blasée (ne faisons surtout pas d’ombre au tâcheron Mac DeMarco), le chroniqueur de tout bord ne peut à ce stade que se répéter vainement, lui-même passible de se retrouver ligoté dans un instrument de contention. On écrit sur Christopher Owens soit avec les pieds (souvent), soit en se frappant violemment le front contre un clavier (ici même). Tous à l’asile. Superbe album, encore une fois – PAF!, prends ça sale Macbook de merde – apparemment prémédité depuis les débuts en solo de l’auteur, et qui prend encore plus de sens suite aux couteuses productions et tournées de ‘Lysandre‘ et ‘A New Testament‘. Économie de moyens, pas d’idées. Ni de talent.