Evergreen Terrace – Writers Block

Quel bonheur que cette petit cover album d’Evergreen Terrace ! Manque d’inspiration? Flemme ? Nostalgie ? Il est facile de critiquer ce genre d’initiatives, et pourtant qui ici ne sourit pas bêtement à l’écoute d’un R. Kelly boosté par Me First And The Gimmie Gimmies ? Qui n’apprécie pas l’intensité d’un Smashing Pumpkins à la sauce Poison The Well? Vous aussi vous reprenez Lorie avec vos potes dans le garage, non ? Si la reprise est l’exercice favori des musiciens en herbes, il est toujours autant apprécié une fois le son arrivé à maturité et ce tout simplement parce que le principe de la cover joue avec nos cordes sensibles. De plus, il permet de rentrer dans l’intimité d’un groupe, dans ses jeunes années, dans ses délires, dans tout ce que la sacralisation de la création artistique pure qu’est la compo nous cache.

L’occasion est trop bonne, l’heure est venue d’exposer la théorie dite ‘du gâteau’. Je m’explique (ce sera pas long) : un groupe c’est autant de membres que d’identités musicales diverses et variées, qui décident de noyer un peu de leur background sonore dans ‘une oeuvre’, la leur, celle qui leur sera propre. Vous sentez le goût de la farine et des oeufs dans le gâteau au chocolat ? Non ! Pourtant sans eux, il n’existerait pas avec ce goût si particulier. Vous le sentez le Depeche mode et le Bad brains dans Deftones ? C’est pareil ! (si vous ne me suivez plus merci de faire parvenir un courrier à la rédaction).

Ici, en nous présentant 10 reprises, Evergreen Terrace nous invite à découvrir ce qui a attiré leur attention ces dernières années, ce qui se cache derrière le HxC de ces Américains. Et voilà, on joue ce qu’on a écouté à la sauce de ce que l’on est devenu, la boucle est bouclée. Vous comprendrez rapidement que le titre ‘Maniac‘ qui ouvre Writers Block est cependant plus qu’un clin d’oeil moqueur à la musique de flashdance, c’est un exercice de style qui intrigue comme un tough guy tatoué dans un body en lycra. Guitare saturées, riffs keupons, voix criarde…Oui vous aimez ! Que vous le vouliez ou non, cette mélodie est bonne, dans une chanson il y a comme partout le fond et la forme, et la forme HxC d’Evergreen Terrace ne fait qu’une bouchée du titre kitschissime que les L5 ont décidément moins bien repris (pas assez de tattoos peut être). Avec le ‘Zero‘ des Smashing Pumpkins, on est très proche du ‘Today‘ revu par Poison The Well qui officie dans un genre similaire, avec des guitares tranchantes, une lourdeur déjà inhérente à l’original multiplié par 10, que demander de mieux ? On est marqué par le choix des morceaux, très rock et punk, allant de U2 à Operation Ivy sans se poser de question, le tout uniformisé par le rouleau compresseur violent des cinq de Jacksonville.

Plowed‘ (originellement de Sponge) nous replonge dans les 90’s comme elles nous manquent parfois, celles d »Empire records‘ et des jeans troués (c’est autre chose que Steeve de la Nouvelle Star). ‘Sunday Bloody Sunday‘, sublimement torturée actualise l’indémodable à la perfection, retranscrivant à merveille l’intensité du morceau. ‘The Kids Aren’t Allright‘ par nos E.T. est peut être trop proche de l’original pour satisfaire pleinement l’auditeur avide de surprise mais cette version sévèrement burnée reste ma foi très rentre dedans.

C’est là que la faille de Writers Block apparaît, c’est là que la démarche est critiquable et que l’on s’aperçoit que l’intérêt de la cover réside dans la surprise et l’apparente incompatibilité entre le titre original et le style des ‘copieurs’. Il est donc logique que la reprise de Tears For Fears soit plus intéressante que celle de Nofx, que ‘Maniac‘ retient plus l’attention que ‘Zero‘.

En tout cas, cet album aura permis à Evergreen Terrace de nous montrer un nouvel aspect de sa musique qui sait s’adapter sans perdre de crédibilité, qui est capable de faire se rejoindre les antipodes et prouve au monde que la musique, aussi violente et inaccessible soit elle, n’émane que de mélomanes prêt à transgresser les genres pour le seul amour de la Musique. Alors des covers, d’accord, mais ne tardez pas trop à nous cuisiner un petit truc à vous quand même !