Necrophagist – Epitaph

Necrophagist c’est énorme, Nécrophagist c’est monumental. Pour ceux qui ne connaitraient pas encore, oubliez tous les préjugés que vous avez sur le death, effacez toutes les limites de la technicité instrumentale qui pourraient exister dans votre esprit, tout ce que vous avez connu jusqu’ici va devenir soudain obsolète, préparez-vous à être touché par la grâce et tout cela par le bon vouloir d’un seul homme. Cet homme, ce génie, c’est Muhammed Suicmez : l’homme qui a composé en 1999 l’album désormais mythique ‘Onset Of Putrefaction‘. Mythique pourquoi ? Tout simplement parce qu’au moment de l’enregistrer, il n’avait trouvé aucun musicien capable de jouer les parties inhumainement techniques de guitares et de basse, ni de batterie d’ailleurs, pour laquelle il avait été obligé d’employer une ‘vulgaire’ boîte à rythmes. Le monstre de talent avait donc simplement tout joué lui-même ! Et même lorsqu’encore aujourd’hui il annonce que cet album va ressortir, c’est bien des samples de batterie qui y seront utilisés, faute de technicien des fûts assez fin pour interpréter le chaos rythmique qui est sorti de l’esprit de cet artiste sans égal. Le décor est donc planté pour acceuillir comme il se doit le second volet des aventures de monsieur Suicmez au pays de l’insanité musicale : ‘Epitaph‘, ou quand l’homme et la guitare ne font plus qu’un…

Première grande nouvelle, Muhammed Suicmez a enfin trouvé d’autres instrumentalistes de son niveau pour l’accompagner et c’est donc un quartet qui officie maintenant sous le nom de Necrophagist. Et il n’y a pas à dire, le résultat est tout simplement incroyable. Dès ‘Stabwound‘, premier des 8 titres de l’album, on reconnaît un style désormais inimitable. Le son des guitares est aussi clair que possible, sec et dépourvu de tout effet inutile, comme pour permettre à tous de bien se rendre compte de chaque petite subtilité technique, de chaque note jouée et de la précision d’execution simplement surhumaine des deux solites. Ici, on peut en effet parler de deux solistes car la rythmique, même si elle est tout de même toujours présente, sait rester au second plan sur les innombrables solos, vraies avalanches symphoniques d’harmonies, parsemés le long des 32 trop courtes minutes de cet album.

Alors bien sur, ce n’est pas au goût de tout le monde que d’avoir pour unique argument de vente ce côté technique poussé à l’extrême. Mais si ce n’était que ça… Rien que la présence d’une batterie belle est bien réelle donne déjà une profondeur et une chaleur supplémentaire à leur son, et si pour beaucoup la voix rauque de Muhammed Suicmez avait tendance à ‘gâcher’ l’ensemble plus qu’autre chose sur Onset Of Putrefaction, c’est tout simplement un équilibre idéal qu’a trouvé ici ce maître de la gueulante gutturale avec des passages purement instrumentaux encore plus nombreux qu’avant.

Alors pour peu qu’on soit intéréssé par le death; cet album est tout simplement indispensable : pour en donner une image plus présice, c’est la rencontre de la rage d’Iniquity et du mystère envoutant de Cryptopsy ( la basse de ‘Only Ash Remains‘ rappelle leur époque ‘Whisper Supremacy‘, plus enclain au mélange des genres ) sur un fond presque mécanique à la Meshuggah teinté d’un gore très léger, le tout transcendé, sublimé par l’esprit obsessionnellement perfectioniste d’un homme dont le nom restera surement gravé pour longtemps dans les annales du death, Muhammed Suicmez. Pour tout dire, en gros, si on avait donné une guitare électrique à Vivaldi à l’époque où il composait ses quatre saisons, on aurait sans doute obtenu quelque chose d’aussi magistral. Il a su en effet comme personne user de toutes ses influences pour créer un style vraiment nouveau et, fait qui lui aura valu sa reconnaissance mondiale, à la limite de l’injouable. Il a aussi su garder autour de lui et de ses créations ce mystère qui a fait son succès lorsqu’en 1999, il jouait le guitar-hero seul dans sa chambre d’étudiant en Allemagne. Malheureusement, il faut bien avouer que l’on achetera pas cet album pour la voix, ni pour son ambiance, ni pour aucune autre raison purement artistique mais juste pour être subjugué par des musiciens hors du commun, ce qui est plutôt dommage. Jouer bien ne suffit surement pas à faire de la bonne musique mais quand le niveau est aussi élevé qu’ici, ça s’écoute avec admiration. Tout de même un ‘Epitaph‘, qui, on l’espère fortement, n’en sera pas vraiment un.