Beastie Boys – To The 5 Boroughs

Six ans après un ‘Hello Nasty‘ acclamé par la critique et le public, les Beastie Boys sont enfin de retour, avec leur flow si atypique et aussi quelques cheveux gris. Et oui, nos 3 rappeurs préférés ont pris un peu de bouteille depuis leur premier CD en 1986, mais comme par magie, on constate que leur talent est toujours présent. Une performance quand on sait que tous les rappeurs de cette époque ont fini aux oubliettes…

Comme le montre la pochette du disque, ‘To The 5 Boroughs‘ (référence aux 5 quartiers de New York) est un album rendant hommage à NYC, la ville d’origine de nos 3 MC’s. Très marqués par les attentats du 11 septembre, Adam Horovitz (King Ad-Rock), Adam Yauch (MCA) et Michael Diamond (Mike D) ont réalisé cet album pour marquer définitivement leur attachement à la ville qui les vit naître.

Ch-Check It Out‘, le premier single, est certes un titre au beat répétitif mais il dégage une telle énergie qu’on ne peut lui en tenir rigueur ! ‘Triple Trouble‘, avec son sample très typé années 80, est l’un des titres phares du disque, et son clip faisant intervenir un yéti est un monument à lui tout seul… ‘Right Right Now Now‘ agit dans un registre plus moderne, avec des clavecins qui rappellent les productions de Dr. Dre (c’est bien la seule touche de West Coast sur cet album). Rarement les 3 MC’s auront été aussi complémentaires que sur ce morceau absolument endiablé…

Parmi les autres titres marquants de l’album, on retiendra ‘Hey Fuck you‘, avec son Shabadi Shabadou déjà culte ou encore ‘Oh Word‘ dont le sample provient du Cinquième Elément de Corben Dallas… ‘Shazam !‘, l’un des titres les plus modernes du disque, vous marquera par son gros beat (…haha…) et son refrain absolument mémorable (‘Everybody Get Down !‘). ‘All Life Styles‘ et ‘We Got The‘ sont quant à eux des uptempos particulièrement réussis, dans un style lorgnant à nouveau vers les 80’s.

A coté des morceaux purement comiques, certains titres se font plus sérieux : dans le registre anti-Bush, ‘It Takes Time To Build‘ (‘Why you hating people that you never met, Didn’t your mama teach you to show some respect‘) et ‘That’s It That’s All‘ (‘Cause George W‘s got nothing on me, We got to take the power from he‘) font très fort. ‘We Got The‘, sur un excellent sample de basse, incite quant à lui les gens à se bouger le cul et à manifester pour mieux faire entendre leur message… Mais de ce ‘To The 5 Boroughs‘, on retiendra surtout le texte poignant de ‘An Open Letter To NYC‘ : pendant près de 4 minutes 30, les Beastie Boys énumèrent tout ce qui fait la force et la diversité de New York, avec toutefois une naïveté surprenante pour des quadragénaires (‘Dear New York this is a love letter, To you and how you brought us together, We can’t say enough about all you do‘).

Petit conseil, quand vous aurez acheté cet album (ce dont je ne doute pas une seconde), jetez un coup d’oeil aux paroles, c’est un pur régal ! Je vous conseille tout particulièrement de lire celles de ‘The Brouhaha‘, avec quelques lignes en français à se rouler par terre (‘C’est ci c’est la oh n’est pas, Qu’est-ce-que c’est le brouhahaha‘). On constate d’ailleurs que tout est millimétré chez les Beastie : dans la plupart des chansons, les 3 rappeurs se succèdent dans le même ordre, avec exactement le même nombre de vers pour chaque MC (en général 4). Les textes sont ciselés, bourrés d’humour et d’amour pour la ville de New York. Aucun des 3 rappeurs ne prend le dessus sur les autres : leurs voix si différentes se complètent à la perfection, et cette alternance systématique insuffle aux morceaux une énergie inégalable.

Sur cet album, n’espérez pas entendre de vrais instruments comme sur ‘Licensed To Ill‘ ou ‘Ill Communication‘. Tous les sons sont en effet créés par Mix Master Mike (cause no-body can do it like Mix Master can !). Les beats, malgré leur simplicité apparente, comptent parmi les meilleurs de l’histoire des Beastie Boys. Avec ce côté délicieusement rétro, les BB se démarquent nettement de l’hyperpuissance de la West Coast (Dr. Dre, Eminem, 50 cent, et surtout Snoop Dogg) : ici, tout n’est pas axé sur les basses, mais ce sont surtout les percussions qui sont mises en avant. Mix Master Mike, qui fait sa deuxième apparition avec les B-Boys, reste un maître du rythme : en parvenant à allier modernité et beats old school, il prouve à tout le monde que les Beastie Boys restent un groupe indémodable et incontournable sur la scène rap.

L’attente aura été longue mais finalement, cet album est largement à la hauteur de nos espérances. Avec ce digne successeur de ‘Paul’s Boutique‘, les Beastie Boys n’ont pas cédé à la facilité en surfant sur la vague hip-hop à la mode depuis quelques années… Moins surproduit, moins prétentieux et plus court que ‘Hello Nasty‘, ‘To The 5 Boroughs‘ revient aux sources du rap, et il constitue sans aucun doute le meilleur album du trio depuis 15 ans. Certains estimaient que le rap à l’ancienne était mort et enterré, et bien les B-Boys viennent de nous prouver que ce style sans artifices superflus avait toujours sa place sur la scène rap mondiale. Mine de rien, ça faisait longtemps cas qu’un album de hip-hop ne m’avait pas autant convaincu (le dernier, ça devait être ‘The Marshal Matters LP‘). Avec un son toujours très atypique et un flow inimitable, les 3 comiques de New York s’inscrivent donc définitivement dans la légende du rap, aux côtés de 2Pac, Dr. Dre et Public Enemy.