Kaamos – Lucifer Rising

A l’heure ou le death se vulgarise abondemment et se prostitue chez des labels qui n’ont que faire du terrible message que ce style se devrait de véhiculer, certains bastions de résistance, véritables poches de rebellion, semblent se former petit à petit. Un des dignes représentants du ‘vrai’ death, tel que l’entendaient ses pères fondateurs (allant de Venom à Terrorizer en passant par Possessed), c’est-à-dire porteur de mort, de pêché et de douleur, est Kaamos,qui nous offre avec ce ‘Lucifer Rising‘ leur second album. Ces quatre jeunes suédois/finlandais étaient en effet sorti de l’ombre il y a seulement trois ans avec un éponyme qui, sans être passé innaperçu, avait eu des difficultés à s’imposer nottement à cause d’une production pas toujours à la hauteur. Depuis, ils ont corrigé leur copie et ils y ont même fait des ajouts remarquables.

Lucifer Rising‘, comme titre, ce n’est surement pas dénué de sens, et que les étroits d’esprit qu’un tel titre rebutte, ou fait même doucement rire se le mettent bien dans leur petite tête : cet album n’est pas fait pour eux. Car oui, toute l’essence même de cette oeuvre est concentrée en ces deux mots, toute l’ambiance malveillante qui s’en dégage, tout le mysticisme à peine masqué, son côté prophétique autant que son message apocalyptique : l’arrivée du mal absolu, c’est pour bientôt. Alors oui, très souvent, ce thème a été tant abordé qu’il ne fait plus aucun effet et il a été usé par de petits prétentieux qui, parce qu’ils affichaient ostensiblement pentagrammes et croix renversées, s’étaient cru dignes d’arborer les blasons du Death avec un grand ‘D’.

Pourtant, Kaamos, malgré les apparences, joue bien dans la cour des grands, des très grands. Et pour le prouver, venons-en à leur musique : un vrai concentré de haine, exprimée à travers des blasphèmes tous plus inventifs les uns que les autres, et une utilisation massive du latin qui amène cette aura presque biblique au tout. Imperceptibles tant elles sont subtilement placées, de façon à les rendre encore plus inquiétantes, les références de la plus sombre de toutes les religions y passent toutes. Musicalement, non seulement ça suit, mais mieux encore, les blasts déferlent sans prévenir telle une bourasque de vent nordique et la brutalité dégagée n’en est que décuplée. Le titre d’ouverture, ‘Black Revelation‘, avec ses syncopes rythmiques mélées à une lead maléfiquement entrainante fait l’effet d’un uppercut en pleine machoire. Un solo au son étouffé comme s’il était joué à partir d’un vinyle usé conclut le morceau sur une mélodie chaotique. En parlant de mélodie, on ne peut que s’attarder sur la terrible intro de ‘Lucifer Rising‘ : tel l’accord interdit aux intervalles en triple six, un refrain tremblotant s’extirpe avec peine d’une guitare qui envoute et émerveille par son inventivité. On avait pas entendu tel sacrilège mélodique depuis longtemps.

Les riffs sont oldschool, souvent simples et répétitifs mais tellement efficaces qu’ils coupent à travers l’ennui qui frappe trop souvent le true death/black sans aucun problème : sur ‘Inaugurating Evil‘ par exemple, trois ou quatre barrés, une lead plus proche du black qu’autre chose et le tour est joué, on a envie de headbanger à s’en décrocher la tête. La voix gutturale sait quand à elle se distinguer de tout ce qui se fait dans le marché par un phrasé particulier, haché à la manière de ce qui se fait dans le speed death à la Defleshed (‘Gnosticon‘) et même si la tonalité est la même tout du long, ça ne posera un problème qu’aux tympans les plus susceptibles. Enfin, chapeau au batteur qui s’adapte autant aux marches écrasantes de l’intro doom sur ‘Mysterious Reversion‘ qu’aux tempos endiablés de ‘Chthonic‘ (et ses références au très polémique Necronomicon). A une époque ou trigger tout ce qui frappe semble une obligation, Chris Piss, pour le citer, réussit à faire sonner son instrument d’un manière plus organique que jamais, et ça fait un bien fou.

Lucifer Rising‘ de Kaamos, c’est donc un peu Slayer et Immortal qui se seraint tappé une petite jam session il y a une dizaine d’année : c’est spontané sans être brouillon, technique sans être froid, extrêmement obscur sans tomber dans les clichés et avant tout c’est un style qui, avec l’arrivée des deathcore et compagnie, a tendance à se perdre, pour le plus grand malheur de tous (à part peut-être quelques intégristes chrétiens…). Non cet album ne sera peut-être jamais un classique, mais un travail aussi bien mené mérite vraiment qu’on y prête une oreille attentive.