Gorerotted – A New Dawn For The Dead

‘My god, they’re using tools…’. C’est cette réplique désormais entrée dans l’histoire accompagnée de ses cris de douleur insoutenables qui viennent à l’esprit à tout amateur de musiques à tendances gores à l’évocation du nom Gorerotted. Bien sur, beaucoup de groupes avant eux avaient déjà usé de samples de la sorte pour illustrer leur perversion et leur insanité mais aucun (si ce n’est Torture Killer plus récemment…) ne s’en était sorti aussi majestueusement, réussissant à donner à leur univers en même temps ce côté sombre et ultra-violent mais aussi totalement auto-dérisoire et second degré. Puis avait suivi, en toute logique pourrait-on presque dire, l’excellentissime ‘Only Tools And Corpses‘, summum du death gore décalé et inclassable tant les titres tous plus déjantés et morbides les uns que les autres n’avaient ni queue ni tête.

Mais quand est venu le temps de penser à un troisième album, Mr. Gore vocaliste porcin de génie, comme pour laisser derrière lui une dernière tâche d’ironie et de cynisme, décide de quitter le groupe au sommet de sa modeste gloire. Néanmoins, suite à ce départ et avec toutes les appréhensions qu’il a du trainer tout au long de son processus de création, ‘A New Dawn For The Dead‘, troisième opus des jeunes prodiges macabres de Gorerotted est bien enfin arrivé. Malheureusement le départ de Mr. Gore semble avoir laissé une plaie encore béante dans un line-up incomplet qui a dérivé vers quelque chose de bien différent de l’esprit d’origine…

Au niveau du son global, qu’on se rassure, aucun changement majeur n’est à noter : le tout a toujours ce côté cru et rugueux, proche de la spontanéité d’une prise live tout en gardant la précision et la rigueur d’une production studio de qualité. Junky Jon assure comme à son habitude une base rythmique aussi hypnotique qu’avant et blaste à tout va, alternant à son grès des schémas punks très entrainant et des coordinations ternaires impressionnantes d’incohérence comme sur l’intro instrumentale de ‘…And Everything Went Black‘. Du côté des guitares on aura droit à des murs de riffs grindesques comme sur le chaotique ‘A Very Grave Business‘ aussi bien qu’à des leads plus oldschool penchant presque parfois vers le black comme sur ‘Dead Drunk‘. Heureusement, c’est toujours le dynamisme qui prend le dessus sur la lourdeur de certains passages nottament grâce aux voix.

Oui, heureusement que le jeune Ben Goreskin est toujours là pour perpétuer la tradition vocale du groupe avec ses grognements caractéristiques, totalement incompréhensibles peut-être, mais tellement agréables. Wilson à la basse fournit aussi quelques vomissements de second plan et puisque les deux voix se marient à merveille on a pas de quoi se plaindre. Là où est vraiment le problème de cet album, c’est qu’on peine à reconnaître le Gorerotted d’avant, celui qui faisait rire par une gratuité absurde et omniprésente de violence, celui qui fascinait par ses samples, désormais totalement disparus, de films tous plus ridicules les uns que les autres mais dénotant d’une culture cinématographique hors normes : comment oublier ‘Zombie Graveyard Rape Bonanza‘ ou, pour d’autres raison encore, ‘Village People Of The Damned‘ ? Pourtant, vu le titre de l’album, ‘A New Dawn For The dead‘, sur ce point, ça semblait bien parti…mais non, une fois de plus il ne fallait pas se fier à un titre qui promettait plus un hommage au grand Romero qu’autre chose…

Alors du coup on a droit à un death beaucoup plus classique, plus plat et sans réelle saveur : la technique et là mais l’âme n’y est plus vraiment. Avoir mis ‘…And Everything Went Black‘ en titre d’ouverture ne peut d’ailleurs pas être une coïncidence : l’atmosphère est plus pesante, les riffs plus torturés et sombres, bref, tout le fun semble être parti en fumée et c’est bien dommage. Autant le dire clairement, sans Mr. Gore, le groupe n’est plus le même, et les couinement nasillards et moqueurs de lutin prépubaire ont laissé place à des complaintes gutturales franchement beaucoup moins intéressantes. Le comble pour Gorerotted est en plus la relative prévisibilité des compositions : on voit arriver les mid-tempos et leurs leads mélancholiques à souhaits à des kilomètres. Bref, les fans les plus assidus risquent d’être fortement déçus. Par contre, ceux qui découvrent peuvent très bien apprécier cette nouvelle facette du groupe, mais risquent alors d’être plutôt surpris en tombant un jour sur un exemplaire de ‘Mutilated In Minutes‘.

Alors maintenant, se présentent deux possiblités à ceux qui souhaitent se trouver la nouvelle bombe de gore bien fun le plus vite possible : démarrer une pétition pour le retour de Mr. Gore ou attendre en priant le nouveaux Torture Killer. Le troisième choix était un stage immersif dans la scène underground d’un pays de l’Est mais bon, y’a moins radical…